• Bruno Amable, chroniqueur de l'Europe néolibérale

    Part 1 : Bruno Amable, chroniqueur de l'Europe néolibérale

    Part 2 : Le Parti Socialiste, l'eurolibéralisme, et le "bloc bourgeois"

     

    Bruno Amable est professeur d'économie à la Sorbonne, proche du Front de Gauche. Il est aussi chroniqueur régulier au journal Libération et en profite pour faire entendre un son de cloche bien différent de celui qu'on entend dans ce journal, qui recrute habituellement parmi les européistes les plus chevronés.

    "Comme le dit Pascal Lamy, membre du PS, qui fut le directeur de cabinet de Jacques Delors lorsque celui-ci présidait la Commission Européenne, «la remise en ordre et la ‘marchéisation’ de l’économie française (…) se sont faites par l’Europe, grâce à l’Europe et à cause de l’Europe». Depuis, effectivement, l’ordre (de marché) règne."

    "L’intégration européenne a donc d’abord conduit à l’abandon du contrôle de la politique commerciale puis à celui de la politique monétaire avec la création de l’euro. (...) L’abandon de la maîtrise de la politique budgétaire est quasiment réalisé."

     

    Voir ci-dessous les extraits des articles suivants parus dans "Libé" :

     

    * * *

     

    Le fédéralisme à bon marché - Décembre 2012. Extrait.

    " Un récent document de la Commission évoque la façon dont le «saut fédéral» pourrait changer les choses, au moins pour les pays de la zone euro, à une échéance de moyen terme car les évolutions envisagées impliquent une modification des traités. (...) Cette évolution des transferts sociaux entre états ne dessine pas les contours d’une Europe sociale dont certains promettent à intervalles réguliers l’avènement «maintenant». «C’est en Europe Il qu’il faut faire le socialisme» affirmait François Hollande en 2004. A la lecture du document de la Commission, comme d’ailleurs à celle de toute la littérature provenant de la même source, on a plutôt l’impression que c’est en Europe qu’on va faire le néo-libéralisme. (...)

     

    Les dangers du fédéralisme - Juin 2012. Extrait.

    Le fédéralisme devrait-il s’appliquer à la protection sociale ? Celle-ci, en Europe comme ailleurs (y compris les Etats fédéraux), dépend de compromis sociaux qui ont été institutionnalisés dans un contexte national. Elle se définit dans un espace fermé, historiquement celui de l’Etat-nation, où sont inscrits les liens de solidarité et de redistribution qui la caractérisent et où sont établis les compromis politiques qui la fondent. (...) L’évolution de la solidarité sociale dans les Etats fédéraux européens n’incite pas à l’optimisme. La Flandre ne veut pas payer pour la Wallonie et la Bavière ne finance pas de gaité de coeur Berlin ou le Brandebourg. On imagine facilement ce qu’il en serait s’il s’agissait de payer les retraites grecques, les dépenses maladie portugaises ou les indemnités de chômage espagnoles. Pour la protection sociale, le saut fédéral est un salto mortale.

     

    La mort annoncée du modèle social européen - Février 2012. Extrait.

    (...) Une récente interview du président de la BCE, Mario Draghi, donne une idée de ce qui attend les sociétés européennes. Dans le pur style thatchérien, il assène qu’il n’y a pas d’alternative à l’austérité. Certes cette dernière va déprimer l’activité (en effet la Grèce a perdu à peu près 15% de PIB depuis 2008) mais un jour la fée confiance va apparaître et d’un coup de sa baguette magique relancer l’activité, mais seulement si on fait les «réformes structurelles» bien sûr. Et pour les naïfs qui penseraient qu’il y a deux façons de rééquilibrer le solde budgétaire, couper dans les dépenses ou augmenter les recettes, Mario Draghi met les choses au point. La «bonne» consolidation, c’est quand on baisse les impôts et les dépenses publiques. La «mauvaise» c’est quand on augmente les impôts. Quant aux réformes elles-mêmes, c’est sans surprise : déréglementation des marchés de biens et services, flexibilisation du marché du travail, protection sociale... Et pour conclure, Mario Draghi mets les points sur les i : le modèle social européen, celui que l’intégration européenne était supposée préserver, c’est fini parce qu’on ne peut plus se permettre de «payer les gens à ne pas travailler». (...)
     

    L’absolutisme européen - Novembre 2011. Extrait.

    (...)L’intégration européenne a donc d’abord conduit à l’abandon du contrôle de la politique commerciale puis à celui de la politique monétaire avec la création de l’euro. (...) L’abandon de la maîtrise de la politique budgétaire est quasiment réalisé (...)

     

    Le PS dans l’impasse de l’Europe - Avril 2011. Extrait.

    " Le projet PS est un projet qui vise à rassembler la gauche. Mais la base sociale de cette dernière est divisée sur la question cruciale de l’intégration européenne et les conséquences de celle-ci pour le modèle social et économique français. Pour simplifier, les classes populaires rejettent l’intégration européenne qu’elles perçoivent, non sans raison, comme un projet néo-libéral dont elles craignent les conséquences : directives à la Bolkestein, dumping social etc. Les groupes sociaux plus aisés sont favorables à l’intégration européenne parce qu’ils ne pensent pas que leur position sociale soit menacée. Ce clivage interne à la gauche s’est exprimé nettement au moment du référendum de 2005, mais il existe au moins depuis les années 1990 et pose un problème pour la définition d’une politique économique de gauche dans un cadre européen de plus en plus contraignant.
    Les socialistes sont doublement gênés. D’abord parce qu’ils ne sont pas pour rien dans la néo-libéralisation de l’Europe. Comme le dit Pascal Lamy, membre du PS, qui fut le directeur de cabinet de Jacques Delors lorsque celui-ci présidait la Commission Européenne, «la remise en ordre et la ‘marchéisation’ de l’économie française (…) se sont faites par l’Europe, grâce à l’Europe et à cause de l’Europe». Depuis, effectivement, l’ordre (de marché) règne. Ensuite parce que le clivage au sein de la base sociale de la gauche contraint le PS à occuper une position délicate vis-à-vis de l’Union Européenne, comme l’exprime clairement le projet 2012 : «deux idées fausses doivent être écartées : l'idée que nous pourrions faire sans l'Europe et l'idée que nous pourrions continuer avec l'Europe actuelle». En effet, les deux options accentueraient la fracture entre les classes populaires et une large partie des classes moyennes ; ces dernières pourraient alors soutenir un bloc centriste allant de Strauss-Kahn à Borloo susceptible de dominer la vie politique française tout en faisant le bonheur de Marine Le Pen.

    La seule solution pour unir la gauche est alors de chercher une «autre Europe». (...) Tout cela est bien gentil et ralentirait certainement la transformation de l’Europe en un Neoliberalia à la Orwell mais non seulement c’est insuffisant compte tenu de la situation actuelle, mais surtout il va falloir convaincre 26 pays, à commencer par l’Allemagne, de choisir la voie de l’alter-Européisme. Bonne chance !"

     

    Europe 2020 : une gouvernance néo-libérale plus forte - février 2011. Extrait.

    (...) On se souvient de la «stratégie de Lisbonne» lancée en 2000, qui avait pour objectif de faire de l’Union Européenne «l'économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde d'ici à 2010». (...) Le plus comique dans cette histoire est que la stratégie de Lisbonne avait été inspirée par des universitaires majoritairement classés «à gauche» et initialement mise en oeuvre par des gouvernements supposés «de gauche». Mais l’affaire était tellement mal conçue dès le départ que cela avait été un jeu d’enfant pour la Commission Barroso de récupérer le mouvement et de transformer une affaire gentiment social-démocrate tendance technologies de l’information en un programme de réformes structurelles néo-thatcheriennes. (...)" 

     

    L’Europe sociale n’existe pas - Novembre 2009. Extrait.

    (...) La CJCE, garante de l’application du droit communautaire, a progressivement acquis un pouvoir de contrôle sur les politiques publiques des états-membres. Elle juge notamment de la légalité des réglementations nationales selon leur conformité à l’exercice des quatre libertés fondamentales garanties par le Traité de Rome : la liberté de circulation pour les personnes, les biens, les services et le capital. (...) Quelles que soient les orientations idéologiques des juges, l’action de la CJCE est institutionnellement biaisée en faveur de la libéralisation. La cour ne peut que désavouer les états-membres au nom du respect des libertés fondamentales. (...) 


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