• Et pendant ce temps là... la Grande Crise, Par Coma81

    La crise financière de l'automne 2008 marque une rupture fondamentale avec la mondialisation néo-libérale qui a émergée au début des années 80, sous l'impulsion des Etats-Unis, devenus, avec l'effondrement de l'URSS, la seule hyper-puissance.

    A la suite de la victoire du capitalisme sur le communisme, une "pensée unique" s'est imposée, étouffant la vie politique et intellectuelle, en bornant le domaine du pensable et du réalisable. 18 ans plus tard, la grande crise met fin à l'hégémonie de la pensée néo-libérale. Le trait le plus immédiat du monde d'après, est l'incroyable confusion idéologique qui règne dans nos sociétés occidentales. L'époque qui s'ouvre est lourde de menaces, mais n'en reste pas moins passionante de par ce qu'elle permait d'imaginer comme possibilités émancipatrices.

    Le projet de Et pendant ce temps est de relayer les débats qui agitent la sphère des élites intellectuelles, politiques, économiques, afin de prendre la mesure de la désorientation ambiante, mais surtout, au moment où il s'agit de bâtir un nouvel ordre international, de prendre conscience de l'importance décisive des choix politiques qui sont devant nous.

    ***

     Voici les thèmes d'actualité que nous allons traiter ici :  

     

    Quelle crise du capitalisme ? :

    Confrontés à l'aggravation de la crise au cours de l'année 2008 jusqu'à la faillite de l'ensemble du système financier, puis à la récession économique qui a suivi, nos contemporains cherchent à comprendre la nature de la crise, ses causes, et, en fonction de sa gravité, les répercussions sur le système capitaliste. Il semble acquis que celui-ci n'en sortira pas indemne. Quelle sera l'ampleur des mutations ? A quoi ressemblera le monde d'après ?

     

    Le mythe de la main invisible du marché

    Première victime de la crise, l'idée selon laquelle les marchés s'auto-régulent. Le "cercle de la raison" regroupant les intellectuels médiatiques, les éditorialistes en vue et les hommes politiques fréquentables, n'a cessé de professer, depuis 30 ans, la supériorité de l'"économie de marché". La Grande Crise ébranlent même les plus dogmatiques dans leur certitudes.

    A travers la fin du mythe de la main invisible, c'est l'ensemble de l'édifice idéologique qui s'écroule. Le verrou a sauté. Le débat politique va véritablement pouvoir s'ouvrir.

     

    Que faire des banquiers ?

    Au delà de la diversité des approches de la crise, un consensus semble émerger concernant la responsabilité des acteurs de la finance. Les Etats se sont trouvés pris au piège du risque systémique et n'ont pas eu d'autre choix que de procéder à des plans de sauvetage gigantesques pour éviter l'implosion du système. Malgré la difficulté de la chose, les gouvernements proclament au G20 la nécessité de réguler le système financier international. Peut-on espérer des avancées concrètes dans ce domaine ?

    Mais cela suffira-t-il ? En effet, depuis que la finance est sous garantie des fonds publics, elle est de fait nationalisée. On peut alors se demander si le système financier n'est pas un "bien public". Faudra-t-il aller plus loin dans la prise de contrôle par la puissance publique ?

     

    La fin de la mondialisation et du libre échange ?

    L'autre face de la mondialisation est la circulation des marchandises, en particulier entre les Etats-unis et la Chine. La Chine est devenue la manufacture du monde, tandis que les pays occidentaux entraient dans le monde post-industriel fondé sur "l'économie de la connaissance". Avec le recul, la désindustrialisation a-t-elle été une bonne stratégie ? 

    Le déficit commercial abyssal des Etats-Unis pourraient-ils inciter ceux-ci à protéger leur marché intérieur ? La question du protectionnisme se pose aussi en Europe. Le libre échange survivra-t-il à la crise ?

     

    Le déclin de l'empire américain

    Prophétisé par certains, le déclin des Etats-Unis semble aujourd'hui bel et bien une réalité. La désindustrialisation, le déficit du commerce extérieur, la forte montée des inégalités, l'endettement des ménages et des entreprises, tout cela concourt à la crise du capitalisme américain.

    Aujourd'hui, confrontés à la hausse du chômage, les dirigeants sont entrainés dans la spirale de dette publique et de sa monétisation par la banque centrale. Profitant pour l'instant de sont statut de monnaie de réserve internationale,  le dollar résiste encore. Jusqu'à quand ? Quel sera l'avenir de ce qui reste malgré tout la première puissance mondiale ?

     

    La Chine, jusqu'où ?

    La Chine s'impose dès à présent comme la nouvelle puissance rivale des Etats-Unis. Beaucoup misent sur son dynasmisme économique pour tirer la croissance mondiale et permettre aux pays occidentaux de sortir progressivement du marasme économique. Toutefois, cela suppose que la Chine, pour l'heure entièrement tournée vers l'exportation, soit en capacité d'adopter un nouveau modèle de développement fondé sur sa demande intérieure, grâce à une meilleure distribution de la richesse et l'émergence d'une classe moyenne.

    Mais cette évolution reste encore largement hypothétique et il est reproché à l'économie chinoise, dopée par la sous évaluation de sa monnaie et le surinvestissement, d'être responsable des déséquilibres mondiaux.

     

    Les plans d'austérité dans l'UE

    La crise de l'endettement privé a, dans un premier temps, pu être endiguée par l'action des pouvoirs publics. Mais elle a rebondit en Europe sous la forme de la crise des dettes souveraines, mettant en lumière les fragilités institutionnelles de la zone euro. 

    Malgré l'esquisse d'une solidarité financière, encore largement à construire, et décidées sous la pression des marchés, les Etats en difficulté se sont vu imposer, par leurs partenaires, des plans d'ajustement budgétaires drastiques. De nombreux économistes craignent que l'ampleur de ces plans d'austérité ne viennent étouffer la reprise.  

     

    Sortir de l'euro ?

    La rigueur budgétaire risque d'être inefficace à résorber l'endettement des pays du sud, celui-ci étant fondamentalement liée à leur déficit de compétitivité avec l'Allemagne. La zone euro, constituée d'économies hétérogènes, n'est pas une zone monétaire optimale et, faute d'intégration fédérale, la monnaie unique est vouée à disparaitre.  

    Alors que l'Euro a depuis 10 ans exacerbé la compétition économique, il s'agit pour les partenaires européens d'être enfin capables de mieux coopérer en matière économique, sociale et fiscale, avec ou sans monnaie unique.  

     

    Demain, la crise financière ?

    Avec l'échec prévisible des plan d'austérité, et en l'absence de solidarité budgétaire forte au sein de la zone euro, il n'est pas exclu que les Etats en difficulté soient acculés à la banqueroute. Les banques allemandes et françaises sont en première ligne et leurs difficultés pourraient provoquer une crise financière de grande ampleur.

    Autre facteur de risque, les Etats-Unis, dont la dette publique atteint des niveaux qui inquiètent les agences de notation. La prochaine crise financière pourrait avoir pour origine la crise obligataire outre-atlantique ou l'effondrement du "mur du dollar".  

     

    Dette : qui paiera ?

    Reflet des déséquilibres mondiaux et du creusement des inégalités, l'endettement est au coeur de la dynamique de crise. Dans un premier temps, les possédants ont été sauvés par les Etats qui, au travers des plans de rigueur tentent maintenant de faire payer l'ardoise par les contribuables et les salariés, au risque de déprimer encore un peu plus l'économie.

    En 1936, face à une montagne de dettes qu'il fallait épurer, Keynes préconisait, plutôt que d'accabler les salariés, d'"euthanasier des rentiers". Il plaçait ainsi au coeur du débat économique, la question de la répartition des richesses et militait pour une économie de plein emploi, libérée du fardeau de la rente financière.

      ***

     

    La Grande Crise ouvre une période longue d'instabilité.  Dans le champs idéologique, la confusion règne à la suite de l'effondrement de l'idéologie néo-libérale; Dans le domaine géopolitique, de nouvelles puissances émergent et remettent en cause  l'ordre international née de l'hégémonie américaine ; Sur le front politique : les tensions sociale sont exaspérées par la violence de la régression sociale imposée aux peuples par les gouvernements soumis au pouvoir de la finance.

    Durant les années 30, le conflit idéologique, la rivalité entre puissances et la lutte des classes avaient mené le monde tout droit à la seconde guerre mondiale. Doit-on redouter les mêmes conséquences tragiques  ? 

     

     


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  • Commentaires

    1
    PlacidoMuzo
    Samedi 5 Novembre 2011 à 19:37

    Commençons par le commencement : tu écris, coma81, "A la suite de la victoire du capitalisme sur le communisme". Il faut être clair sur les concepts. Que veut dire cette expression ? Pour moi, rien du tout. En 1917 en Russie, à la suite d'une révolution dont on n'a sans doute pas encore analysé la complexité, est né un système, qui se voulait alternatif au capitalisme, que ses fondateurs ont nommé "socialisme" et qui s'est placé sous la direction d'un "parti communiste" rapidement institué en parti unique. Après bien des vicissitudes, ce système s'est effondré, entraînant dans sa chute les espoirs de ceux qui s'étaient rangés à ses côtés. Une certaine conception du "socialisme", centralisatrice et autoritaire, a ainsi montré sa totale inadaptation aux besoins fondamentaux des peuples. Les idéologues bourgeois se sont bruyamment réjouis de l'échec de cette modalité de socialisme, identifiée par eux au "communisme". Or le communisme, c'est tout autre chose : c'est un mouvement de transformation, qui s'appuie sur ce qu'il y a de déjà subversif dans le monde réel pour le pousser plus loin et ,ainsi, en généraliser les aspects les plus émancipateurs. Le communisme, on pourrait dire que c'est un mouvement perpétuel de transformation. Et ses acteurs sont bien vivants, pas forcément liés à un parti organisé : leur action est multiforme, dans le quotidien de la vie. Ce n'est presque jamais spectaculaire. Parfois, ça l'a été : par exemple, la création de la Sécu, en plein système capitaliste en France. Dès lors on comprend bien que le "communisme", ce mouvement du monde réel, ne saurait être "vaincu". Il continue de s'affronter au capitalisme, dans une période d'adversité où ce dernier est plus arrogant mais aussi plus en crise que jamais. Ce qui menace, dans la crise actuelle, c'est peut-être l'effondrement du capitalisme : ce qui serait dramatique, car ce qui est souhaitable, c'est au contraire son extinction ! Que notre praxis communiste, bien vivante, nous préserve de cet effondrement et prépare cette extinction !

    2
    Coma81 Profil de Coma81
    Samedi 5 Novembre 2011 à 20:42

    Beau commentaire, bien écris et tout et tout.


    En ce qui concerne le point que tu soulèves, je suis toujours partagé entre utiliser un style journalistique et un style intellectuel. Le style journalistique accepte le sens d'un mot tel qu'il est reçu par le public en général, alors que le style intellectuel fixe précisément le sens d'un mot en le resituant dans une théorie d'ensemble. Adopter un style intellectuel, c'est mettre des barrières avec le sens commun, immédiat des mots.


    Il me semble que l'expression : "la victoire du capitalisme sur le communisme" permet d'identifier facilement l'évènement dont il s'agit. Dans un autre texte je suis plus précis : "la chute de l'union soviétique avait signifié, dans la conscience populaire, celle du "communisme".


    Sur le fond, bien sûr, je suis entièrement d'accord avec toi en ce qui concerne le "véritable sens" du mot communisme. Mais permets moi de te faire remarquer qu'il n'est pas commun d'attribuer le progrès que constitue la Sécu, comme une victoire, même partielle, du communisme. Il faudra convaincre non seulement "l'idéologue bourgeois", mais aussi le marxiste révolutionnaire d'extrême gauche.


    Autrement dit, si je suis d'accord que les mots doivent toujours être travaillé par un auteur, il y a toutefois une contrainte; il faut partir du fait qu'il véhicule un sens à peu près partagé. Sinon, bonjour les quiproquos.


    Dans le cas du mot communisme, je crois pouvoir identifier deux sens qui sont légitimes l'un comme l'autre, même si tu préfères te référer à l'un d'entre eux. Il y a le communisme réel, qui fait référence aux régimes socialistes du 20ème siècle, et aux partis communistes occidentaux qui ont longtemps soutenus ce type de régimes, (même si leur histoire n'est pas réductibe à cette compromission) et il y a le communisme dont tu parles, celui du manifeste de Marx, dont moi aussi je me réclame.


    Bref, voilà pourquoi, après réflexion, l'expression que j'ai utilisée me semble convenir.

    3
    L'indépendant
    Lundi 27 Février 2012 à 20:18

    Ceux qui prétendent que le communisme n'a jamais été appliqué dans le monde prennent les gens pour des abrutis. Staline, Mao, Honeker et les des pays tels que l'URSS, Cuba, la Corée du Nord qu'est ce que c'est ?... Des pays libéraux et capitalistes ? Ceux qui critiquent le capitalisme sont des ignorants qui oublient qu'il en existe plusieurs : un capitalisme ultra-libéral, sauvage, libre-échangiste et son contraire un capitalisme social, ou l'Etat régule et qui protège ses intérêts vitaux.

    4
    Coma81 Profil de Coma81
    Lundi 27 Février 2012 à 21:50

    Il est communément admis dans la littérature que le mouvement socialiste ouvrier, développé au cours du 20ème siècle, a débouché sur deux expériences très différentes: le socialisme réel des pays de l'est et la sociale démocratie en europe de l'ouest. En effet, on appelle souvent la sociale démocratie de l'après guerre "capitalisme d'état", "capitalisme sociale", "régime fordiste"... peu importe. L'important est de comprendre qu'il est un compromie issu de la lutte des classes, et d'un désir d'émancipation exprimée dans l'idéologie communiste ou sociale-démocrate (à l'origine les communistes allemands tels rosa luxembourg se revendiquaient de la sociale démocratie).

    La distinction entre communisme et sociale démocratie n'a émergée que par la suite, et n'est pas essentielle.

    A lire :

    - Marcel Gauchet : à l'épreuve des totalitarisme

    - Gabriel Tamas dans communisme

    - J.BIDET et Dusménil dans  Altermarxisme

     

    5
    L'indépendant
    Lundi 27 Février 2012 à 23:07

     A lire : Capitalisme contre capitalisme de Michel Albert.

    Il ne faut pas oublier que fin XIXe début XXe des mouvements chrétiens-sociaux (non socialistes), condamnaient et le capitalisme sauvage et le socialisme marxiste.

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