• Thomas Piketty: «On a besoin de réformes fiscales et sociales de fond. Pas de cette improvisation permanente» - Interview dans Libération (Extrait)

    "L’Europe s’est construite sur l’idée d’une mise en concurrence généralisée entre les pays, entre les régions, entre les groupes mobiles et les groupes moins mobiles, sans contrepartie sociale ou fiscale. Cela n’a fait qu’exacerber des tendances inégalitaires liées à la mondialisation, à l’excès de dérégulation financière. Des économistes, des intellectuels, des hommes et des femmes politiques disent aujourd’hui qu’il faut sortir de l’Europe. Y compris à gauche, où l’on entend : «N’abandonnons pas la question de la sortie de l’euro, voire de l’Europe, à Marine Le Pen, il faut poser la question.» Ce débat est légitime et ne pourra pas être éludé indéfiniment."

     

     


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  • "Finalement cette politique d’austérité que beaucoup considèrent comme sérieuse serait également très partielle et partiale et conduirait à un déséquilibre, à un déficit encore plus grave que le déficit public en démocratie, je veux parler d’un déficit d’emploi qui induit un chômage de masse." (Septembre 2012)

    "Il serait temps de reconnaître que la politique économique menée depuis 2011 est une erreur. Elle ne permet pas de créer les conditions d’une sortie de crise. Pire, elle est directement responsable du retour de la récession et de la catastrophe sociale qui ne cesse de s’amplifier en Europe."

    "Pour sortir de cette ornière, il faudra un renversement de la politique économique en Europe. (...) un abandon partiel d’une souveraineté nationale devenue inopérante, au profit d’une souveraineté supranationale, seule à même de dégager des marges de manœuvre nouvelles qui permettent de sortir de la crise." (octobre 2012)

     

    OFCE, Observatoire Français des Conjonctures Economiques

     

    L'OFCE : pour "un renversement de la politique économique en Europe"L'OFCE : pour "un renversement de la politique économique en Europe"

     

     

    Conférence 2010 :: Un panorama des concepts et des approches, Xavier Timbeau (OFCE) from Cournot Centre

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  • (L'auteur du site, bien que militant front de gauche, se désolidarise entièrement de la position du Parti de Gauche sur l'euro, laquelle repose sur des erreurs flagrantes d'analyse économique, et des conceptions politiques d'une naiveté affligeante. Nous pensons que la raison n'est pas tant l'incompétence des rédacteurs du texte, que le manque de courage intellectuel et politique devant la nécessaire rupture avec la monnaie unique et la version fédéraliste du projet européen).

     

    "Un gouvernement déterminé peut mener cette action subversive dans l’UE : il peut cesser d’appliquer l’intégralité du traité de Lisbonne, s’affranchir des règles européennes qui imposent aux politiques un carcan néolibéral, et cela sans s’imposer les difficultés supplémentaires qu’engendrerait une sortie de l’euro."

    "S’affranchir du carcan néolibéral de l’UE, sortir de l’application intégrale du traité de Lisbonne, sans sortir de l’UE, c’est démontrer que l’on peut préserver l’acquis de cinquante ans de construction européenne, en se débarrassant du poison néolibéral."

    Résolution du Parti de Gauche sur l'Euro

     

     

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  • Partie 1 : Le rêve européen de Patrick Artus

    Partie 2 : La gouvernance européenne rend Patrick Artus nerveux

    Partie 3 : Patrick Artus se lamente de la déraison européenne


     

    Les travaux de Patrick Artus mettent en évidence les tares congénitales de l'Union Monétaire, dont l'existence en mise en péril fautes d'institutions adéquates à l'échelle européenne. En eurofédéraliste convaincu, cet économiste a été longtemps confiant dans la capacité des européens à surmonter une crise, qui en fin de compte aura servi d'accélerateur à l'intégration politique du continent. C'est pourquoi, il a tout d'abord interprêté les plans de sauvetage, sous forme de prêts aux Etats en difficulté, comme des réponses provisoires, permettant d'assurer la transition vers une Unions de transfert. Quant aux plans d'austérité, ils avaient un sens tant qu'ils visaient à discipliner les Etats aidés afin de se prémunir contre le gaspillage creusant les "mauvais déficits".

    Mais rien ne s'est passé comme Patrick Artus l'avait escompté. Angela Merkel rechigne à octroyer des prêts, et surtout impose en contrepartie des plans d'austérité d'une ampleur dramatique, qui précipitent les pays "bénéficiaires" en dépression économique, et en crise politique majeure. Ceux-ci étant privés de la possibilité de dévaluer, et en absence de solidarité européenne : "le chômage est bien la seule variable d’ajustement (de rééquilibrage) dans la zone euro, ce qui peut être jugé insupportable."

    De ce point de vu, le premier semestre de l'année 2012 a été celui de révisions doctrinales déchirantes. La rationalité économique aurait dû pousser à l'accord autour de mécanismes de transfert, et à la révolution fédérale ? Les peuples du nord refusent de payer pour des "fainéants et des tricheurs" tandis que ceux du sud ne veulent pas se soumettre à l'hégémonie allemande. Pour ses soixante ans, Patrick Artus découvre que des contraintes politiques s'imposent parfois aux lois de l'économie :

    Le fédéralisme "raisonnable" entre ces pays souverains et hétérogènes sera donc plus difficile à définir que ce que croientcertains.

    Souveraineté. Le mot est lâché, il faudra faire avec et cela l'amène à reformuler son objectif initial. Exit le rêve d'une Union de Transfert pure et parfaite, il faut en rabattre sur les montants des transferts qu'il sera possible de négocier avec les Allemands en particulier :

    Les Eurobonds (Eurobills) seraient très compliqués à introduire (...) il vaudrait mieux, il nous semble, réfléchir par exemple à un système européen d’indemnisation du chômage ; à une TVA européenne.

    Moins de transferts dit aussi moins de déséquilibres commerciaux au sein de la zone, au détriment de la spécialisation géographique des facteurs de production :

    "A plus long terme, fédéralisme intelligent aidant les pays en difficulté à développer leur offre exportable, et en même temps finançant tant que c'est nécessaire leur déficit extérieur. "

    "Faire disparaître le déficit extérieur est impossible sans conséquences sociales insupportables dans les pays très désindustrialisés de la zone euro."

    "Il faut réaliser qu’il s’agit d’un ajustement énorme, qui peut nécessiter plusieurs décennies."

    Moins l'Allemagne se montrera coopérative, plus la crise économique, sociale et politique sera intense dans ces pays, en attendant qu'ils redressent leur système productif. Mais alors, il ne faut plus compter sur le fait qu'ils pourraient remboursers leur dettes :

    "La seule solution pour éviter une longue période de stagnation économique, due à un recul de la demande et à une hausse de l'épargne, est d'annuler, d'une manière ou d'une autre, une partie de la dette, en partageant le coût de cette annulation entre les prêteurs et les Etats."

    Il s'agit là d'un veritable aggiornamento idéologique de la part de notre économiste banquier qui avait refusé catégoriquement la possibilité d'un "évènement de crédit" - pour le dire plus abruptement, une banqueroute des Etats surendettés. Mais cette solution à deux avantages : d'une part, l'annulation des dettes impactant par définition davantage les riches, c'est la meilleure réponse à la crise, qui ne l'oublions pas, est due fondamentalement aux inégalités de revenus et de patrimoines, lesquelles d'ailleurs n'ont pas cessé de s'accroitre avec la crise. D'autre part, c'est un moyen de faire payer les allemands - qui sont en définitive les créanciers qui subiront le reset.

     "Cette opération s’opérerait évidemment au détriment des prêteurs : retraités, titulaires d’assurance-vie, actionnaires et déposants dans les banques, pays émergents et exportateurs de pétrole et pays de l’OCDE excédentaires, l’idée étant que la propension marginale à dépenser des emprunteurs est nettement supérieure à celle des prêteurs : c’est pour cette raison que le coût en croissance de la réduction des taux d’endettement serait plus faible qu’avec la technique présente de compression de la dépense des emprunteurs."

    Récapitulons. Le nouveau fédéralisme intelligent prôné par Patrick Artus intègre "la contrainte politique" : le montant des transferts ne sera ce pas à la hauteur de ce qui aurait permis une spécialisation productive optimale au sein de la zone. Cet objectif - plus réaliste - doit être atteint grâce à 3 éléments : annulation des dettes, transferts budgétaires modérés via par exemple une allocation chômage fédérale, et réindustrialisation. Le risque, si on suit la pente mauvaise de la gouvernance européenne, c'est qu'en l'absence totale de solidarité, "l'euro devienne inutile, c’est-à-dire qu’il ne remplisse plus les rôles pour lesquels il a été créé."

    Nous avons maintenant la feuille de route; à l'heure où les esprits les plus pessimistes imaginent le pire pour l'Union Monétaire, que prévoit-il qu'il va arriver ? Voyons les derniers écrits de Patrick Artus :

    Lorsque ces pays (Espagne, Italie, France, Portugal, Grèce, Pays-Bas) comprendront que l’Allemagne n’a pas en réalité de pouvoir de négociation compte tenu de la taille de ses avoirs dans le reste de la zone euro, ils obtiendront de l’Allemagne des réformes institutionnelles rapides (23 mai 2012)

    Finalement 1 mois après : 

    Il faudra bien accepter la position de l’Allemagne (...) Il ne s'agit pas de dire que ces évolutions sont optimales, il s'agit de dire que, compte tenu du rapport de force, elles sont probablement inévitables pour sauver l'euro. (21 juin 2012)

    Autrement dit, ce serait là, la fin de l'utopie fédéraliste de Patrick Artus - les appels de la chancelière à l'union politique ne doivent tromper personne, il s'agit d'imposer à l'europe du sud, des ajustements brutaux, coûteux en terme de chômage et de baisse de niveau de vie, le tout pour précisément éviter de s'en remettre à la solidarité européenne. Mais tout cela rend la situation politique instable comme on le voit déjà en Grèce, et la question de l'appartenance à la zone euro se pose pour des Etats frappés de plein fouet par la crise et privés de politique monétaire, et de politique de change pour y faire face : 

    Pour que la Grèce échappe à la mort lente (programme d’austérité) et à la mort brutale (sortie de l’euro), il faudrait un plan européen massif d’aide à la reconstruction de l’économie grecque et à la création d’emplois en Grèce, plan peu probable aujourd’hui, et très différent de la situation présente où l’aide à la Grèce ne finance que le service de la dette publique grecque détenue par des investisseurs publics.

    Bref, tous aux abris...pour ceux qui veulent les conseils du banquier Artus dans une note intitulée :"Quelles possibilités de couverture contre un scenario d’éclatement partiel de la zone euro ?" :

    Avec la remontée récente des taux d’intérêt sur les dettes périphériques, la question de la pérennité de la zone euro dans sa structure actuelle se pose pour de nombreux agents économiques exposés à la monnaie unique.
    Parmi un ensemble des possibles très vaste, allant de la sortie d’un seul pays comme la Grèce à l’explosion totale de la zone euro, nous retenons un cas intermédiaire, à savoir la sortie de la Grèce, du Portugal et de l’Espagne. Ce choix est motivé par le risque de crises politiques et sociales que les niveaux de chômage atteints, notamment parmi les jeunes, font peser sur ces pays...


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  • Partie 1 : Le rêve européen de Patrick Artus

    Partie 2 : La gouvernance européenne rend Patrick Artus nerveux

    Partie 3 : Patrick Artus se lamente de la déraison européenne


     


    Sous la plume de Patrick Artus s'esquisse un idéal-type de ce que serait une Union Monétaire accomplie. Optimiste, l'économiste veux croire que les logiques économiques imposeront la mise en place des institutions fédérales adéquates. Mais devant le spectacle des hésitations, et des erreurs de la gouvernance européenne, la morosité l'emporte peu à peu sur son enthousiasme initial. 

    Bien sûr, il ne s'attendait pas à assiter du jour au lendemain à une révolution fédérale. La mise en place d'une union de transfert prendra le temps que la pédagogie de la crise fasse son oeuvre et convainque les peuples du Nord que leur intérêt est de se montrer coopératif.

    D'ailleurs, Patrick Artus trouve toutes les raisons à ceux qui exigent des garanties de bonne gestion de la part des pays du sud, jugés peu fiables quant à l'utilisation des deniers publics. Les plans d'austérité sont peut-être légitimes, tant que ceux-ci ne vont pas trop loin :

    On peut demander aux pays en difficulté de corriger leur « mauvaise hétérogénéité » : endettement privé excessif, insuffisance de l’innovation, bulles immobilières, hausses anormales du coût du travail, déficit publics structurels (...) mais on ne peut donc pas leur demander d’équilibrer leur commerce extérieur, ni de réduire leurs coûts salariaux jusqu’au point où ils redeviendraient des pays industriels.

    On peut regretter toutefois l'absence d'un accompagnement en faveur de la croissance qui pourrait venir des pays du Nord :

    Dans les pays du « Nord » de la zone euro, qui ont une croissance assez bonne et peu de problèmes de finances publiques, il faudrait stimuler la demande pour soutenir la croissance des pays en difficulté.

    Rappelons-nous que pour Patrick Artus, le problème vient du fait que les dettes des pays en difficulté sont insolvables et qu'il est en outre nécessaire de financer leurs déficits extérieurs. Or, notre économiste-banquier écarte catégoriquement la solution des défauts souverains qui entameraient la crédibilité de la monnaie unique et déclencheraient une crise bancaire de première grandeur. Pour éviter cette occurence, la stratégie provisoire des Européens est de substituer les investisseurs publics - au premier rang duquel l'Etat allemand et l'Etat français - aux investisseurs privés, c'est-à-dire de prendre en charge les prêts aux Etats en difficulté. Au final, tant que cela concerne les petits pays périphériques, "le montage mis en place par les européens est très intelligent :"

    "La forme de fédéralisme mise en place (subventionnement des taux d’intérêt) est discrète, ce qui est utile dans les pays où les opinions publiques sont hostiles au fédéralisme."

    Mais le rythme de la crise n'est pas celui qui conviendrait à la construction de l'europe fédérale, et les grands pays menacent à leur tour de perdre la confiance des marchés.

    Les solutions de bricolage ne sont pas utilisables si l’Espagne ou l’Italie ne peuvent plus se financer normalement sur les marchés.

    Conformément au diagnostic de Patrick Artus, c'est l'ensemble de la périphérie européenne - insolvable - qui a besoin d'être renflouée. En outre, les errements de gouvernance précipite une crise de liquidité généralisée de sorte que les montants nécessaires, pharamineux, ne peuvent plus être pris en charge par les montages budgétaires - ce qui serait difficilement acceptable pour les opinions publiques -. Ecartée dans un premier temps, l'intervention de la BCE reste la seule solution :

    La réponse à la crise ne pourrait plus être une réponse budgétaire de l'Europe : l'Espagne ne peut plus contribuer à un fonds européens de soutien à l'Espagne ! La seule solution serait alors une réponse monétaire : des prêts ou des achats de dettes des pays par le FMI, par la BCE, financés par la création monétaire et non par des contributions budgétaires.

    Certes, cela a bel et bien évité un éclatement de la zone euro, mais les atermoiements des européens à un prix élevé pour les pays soumis aux dikats de l'austérité. Le cas grec est exemplaire de l'échec de l'orthodoxie - mise en avant par les allemands - et qui entraine le pays dans une  spirale dépressionniste : 

    Non seulement la Grèce connait une récession terrible, causée aussi par la hausse du coût des financements avec la hausse de l’ensemble des taux d’intérêt et des coûts de financement des banques, mais elle ne parviendra jamais, avec la technique employée, à stabiliser son taux d’endettement public. De plus, quelles que soient les réformes structurelles, la Grèce est aussi en train de compromettre sa capacité à retrouver de la croissance à long terme : la perte de production et le recul du taux d’investissement conduisent à la destruction de capacités de production et à la diminution du PIB potentiel et des gains de productivité.

    En plus d'être coûteuse, l'austérité est aussi inutile puisque "ce plan ne comprend rien qui compense l’hétérogénéité structurelle des pays".                                                        


    Finalement, le second semestre de l'année 2011 aura entamé l'optimisme qui prévalait chez Patrick Artus au début de la crise. Les européens hésitent devant le grand saut fédéral que commande pourtant l'union monétaire, et qui ne pourra pas être repoussé éternellement. L'alternative - impensable pour Patrick Artus - est l'éclatement de la zone euro, dont le coût serait monstrueusement élevé :

     Il faut considérer l’EFSF (les achats de la BCE, les prêts du FMI) non pas comme une transition vers le retour à la situation antérieure, en raison du surendettement des pays, mais comme une transition vers le fédéralisme."

    Pour l'heure, le détour emprunté par les européens est très coûteux en terme de perte de croissance, et vire même au cauchemar en Grèce. Le frein à l'intégration fédérale est clairement l'Allemagne de Merkel, non pas seulement par égoïsme national, mais plus fondamentalement parce que la conception maastrichienne de la monnaie unique est dépassée et erronée :

    Le seul espoir vient peut être des élections de 2013 en Allemagne, puisque le SPD, les verts et même une fraction de la CDU (la Ministre du travail Ursula Von Der Leyen par exemple) ont pris position en faveur des « Etats Unis d’Europe », surtout dans le domaine de « la politique budgétaire, la fiscalité ou l’économie ».

    Si la justesse de l'analyse économique nourrit une critique fort juste de la "vision allemande de l'euro", qui a malheureusement prévalue jusque là, la naiveté politique de Patrick Artus nous apprend beaucoup sur les impasses de la conception française, fédéraliste, de la monnaie unique. En effet, le premier semestre 2012 n'a pas validé ses anticipations fédéralistes. La contrainte politique est plus forte que prévue au point peut-être de l'obliger à réviser sa vision du futur. Et si, au bout de la route, n'était pas l'union de transfert ?

    (à suivre)

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  • Partie 1 : Le rêve européen de Patrick Artus

    Partie 2 : La gouvernance européenne rend Patrick Artus nerveux

    Partie 3 : Patrick Artus se lamente de la déraison européenne


    Patrick Artus, à la fois universitaire et directeur des Etudes économiques chez Natixis, est une référence dans le monde économique. Ses notes "Flash Economie" sont une ressource précieuse pour nombre de ses pairs ainsi que pour les acteurs économiques et financiers. Nous avons passé en revue les nombreuses notes consacrées à la crise de l'euro publiées depuis 2 ans (2010/2012).

    L'intérêt de se pencher sur cet auteur nous paraît immense car celui-ci, en partant d'une analyse qui nous semble tout à fait juste de la situation économique de la zone euro, développe des vues eurofédéralistes chimiquement pures.

    Il montre comment la crise révèle les failles institutionnelles de la monnaie unique, dont les effets positifs en terme d'intégration économique du continent rendent nécessaire une évolution vers un fédéralisme entendu comme union de transfert. Convaincu que la logique fédérale est à l'oeuvre, il pronostique la mise en place progressive d'institutions nouvelles, dont il s'efforce d'imaginer les contours.

     * * *


    Le déclenchement de la crise des dettes souveraines en Europe donne l'occasion à notre économiste de marteler avec force la logique d'une intégration monétaire : créer un espace "hétérogène", polarisé entre un centre industriel et financier allemand et une périphérie désindustrialisée au sud :

    La désindustrialisation est une évolution normale et inévitable dans une Union monétaire où les pays se spécialisent, certains dans l’industrie et d’autres dans les services.

    Il a consacré d'ailleurs une étude cartographique montrant un mouvement de spécialisation croissante en Europe.

    A ses yeux, cette évolution est profondément légitime car fondée sur une rationalité économique : les industries se concentrent géographiquement afin de bénéficier des synergies, sources de rendements d'échelle. Or jusqu'en 2007, les marchés n'ont pas compris ces évolutions et ont drainé l'épargne allemande vers les pays en cours de désindustrialisation, alimentant de ce fait les bulles qui ont pu prendre des formes diverses (immobilière, fonction publique...). Depuis 2010, il apparaît clairement que le sud de l'Europe est insolvable sur sa dette, et en déficit commercial chronique :

    - [En ce qui concerne la dette] La seule réponse durable est la création d’Eurobonds, d’un financement commun des pays, pas le financement monétaire.

    - L’hétérogénéité des spécialisations productives conduit à ce que des pays aient des excédents extérieurs structurels et les autres pays des déficits extérieurs structurels [dont le financement] ne peut être réalisé que par des transferts de revenus des pays excédentaires vers les pays déficitaires, donc par la mise en place du fédéralisme ; sinon les pays déficitaires devront quitter l’euro pour dévaluer et faire disparaître leurs déficits extérieurs.

    Les créateurs de l’euro n’avaient donc pas compris que l’euro allait amener l’hétérogénéité, et que l’hétérogénéité allait imposer les émissions communes des Etats et le fédéralisme, c’est-à-dire des institutions totalement différentes de celles qui ont été mises en place initialement.

    La vision allemande, conformément à l'esprit du traité de Maastricht, rejette toute union de transfert. Au contraire de ce que préconise Patrick Artus, il est exigé des pays de la périphérie qu'ils rééquilibrent leurs comptes extérieurs : qu'ils remboursent leur dette et qu'ils réduisent leur déficit.

    Alors que l'euro avait permis aux pays membres de faire disparaître leur contrainte extérieure pour permettre une spécialisation efficace des économies, ces demandes paraissent absurdes, non opportunes à l'heure actuelle et surtout contreviennent au principe même de l'union monétaire :  

    - On ne peut pas demander aux pays du Sud de la zone euro de mener des politiques de rigueur (baisse des salaires pour restaurer la compétitivité en même temps qu’il y a désendettement, réduction des déficits publics) dans l’état présent de leurs économies

    - Si l’euro n’éclate pas, nous craignons par contre qu’il devienne inutile, c’est-à-dire qu’il ne remplisse plus les rôles pour lesquels il a été créé.

    Mais Patrick Artus est fondamentalement optimiste puisqu'il pense que les Allemands sont les grands bénéficiaires de la monnaie unique, et auraient intérêt à prendre à leur charge un mécanisme de transfert en direction de la périphérie :

    L’Allemagne a en réalité beaucoup gagné à sa présence dans la zone euro, d’où l’absence de crédibilité de toutes les menaces qu’elle pourrait aujourd’hui mettre en avant.

    Puisque la réindustrialisation des pays en difficulté est impossible ou bien générerait un effondrement durable de la demande dans ces pays, l’intérêt de l’Allemagne est d’accepter la mise en place d’une organisation fédérale dans la zone euro, afin d’éviter défaut, sortie de l’euro ou chute de la demande dans les pays en difficulté.

    L’Allemagne ne peut pas refuser d’aider les pays du Sud.


    La voie est toute tracée : l'intégration du continent européen va se poursuivre grâce au renforcement de l'Union monétaire, complétée par des mécanismes fédéraux instaurant une union de transfert. L'Europe, après 50 ans de construction pas à pas, va enfin émerger en tant que première puissance économique mondiale.

    Pourtant Patrick Artus va vite déchanter. S'il est trop tôt pour dire ce qu'il adviendra de la contruction européenne, 2 ans après le rêve éveillé fédéral de l'économiste, il apparaît que les Européens se sont engagées dans une toute autre direction. Ce qui nous intéresse à ce stade, c'est de voir comment ses analyses vont évoluer, au fur à mesure des circonvolutions de la gouvernance européenne.


    (Suite à venir...)


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  • Selon Michel Aglietta, les erreurs de la gouvernance européenne menacent de faire éclater la zone euro. En effet, étant donné l'absence de solidarité réelle au sein de la zone euro, les pays affectés pas la crise, au premier rang desquels figure la Grèce, devront se poser la question, si cette situation perdurait, de leur appartenance à la zone euro.

    Ni l'intervention de la BCE, ni les restructurations bancaires et souveraines - nécessaires - ne seront suffisantes si on veut durablement surmonter la crise. Michel Aglietta évoque deux possibilités : l'union de transfert - par mutualisation de la dette - mais surtout la réindustrialisation de la périphérie afin d'éviter les effets pervers de la polarisation de l'activité économique au sein de la zone.

    Mais surtout, c'est un nouveau régime de croissance qu'il s'agit d'inventer pour relever le défi de la crise écologique - on ne peut manquer de faire un parallèle avec le plan Marshall finançant la reconstruction de l'après guerre. Une véritable politique industrielle à l'échelle européenne consisterait à orienter l'épargne via des intermédaires financiers publics, assis sur des fonds issus de la taxe carbone et émettant des obligations, le tout pour financer une croissance verte, orientée vers la réindustrialisation du sud.

    La question que ne traite malheureusement pas Aglietta est celle de la possibilité de réalisation d'une telle utopie. S'il est convaincant dans son rôle d'économiste conseiller du prince, en revanche, on aurait aimé qu'il nous donne des motifs de croire que les bouleversement sociaux-politiques en cours fassent émerger des acteurs européens capables de se saisir d'un tel projet. Or les évolutions récentes tendent plutôt à renforcer la thèse de la fragilité institutionnelle de l'UE et d'un délitement progressif face aux chocs de la crise économique.

    En somme, en amont des préconisations de Michel Aglietta, il manque une économie politique qui ancre le discours de l'économiste-idéaliste dans le monde social.

     

    Michel Aglietta : Pour une euro-fédération

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  • Pour des économistes rationnels, pour qui la gouvernance européenne devrait avant tout chercher à obéir à l'intérêt général, la situation actuelle est incompréhensible. Les divergences économiques et les déficits extérieurs, signes caractéristiques d'une zone intégrée (qui se soucie, en France, du déficit de la balance commerciale du Loir-et-Cher ?) sont montrés du doigt. Plutôt que d'organiser une solidarité financière entre pays membres et une relance budgétaire à l'échelle du continent, la gouvernance européenne impose aux pays déficitaires un retour immédiat à l'équilibre. A l'inverse du bon sens, les choix qui sont faits conduisent à accentuer la récession économique.

    On peut certes accuser le manque de vision européenne ou les dogmes libéraux qui aveuglent les gouvernements actuels. Mais en réalité, c'est l'échec du pari fou qui a été fait il y a 20 ans par les bâtisseurs de la monnaie unique. Partant du fait que les logiques économiques s'imposeraient aux logiques politiques, les fédéralistes maastrichiens comptaient qu'au moment critique, un saut fédéral couronnerait l'intégration économique.

    En réalité, la crise actuelle dynamite cette conception fédérale. Après 10 ans d'approfondissement des liens d'interdépendance entre les économies nationales, il s'opère un rétropédalage violent des politiques économiques, qui, sous les vocables "compétitivité", "équilibre extérieur" conduisent à fragmenter les économies nationales en autant d'îles, splendidement indépendantes les unes des autres. Nos apprentis sorciers assistent, médusés, au retour en force des logiques nationales, qui prend, pour l'économie européenne,  des allures d'automutilation.

     

    "Produire français, grec, italien, portugais, espagnol etc. en espérant vendre aux autres pays, faute de pouvoir compter sur une demande intérieure doublement bridée (...) La compétitivité est pourtant un concept relatif et les politiques cherchant à l'accroître ne peuvent toutes aboutir simultanément."

    Jean-Paul Fitoussi, directeur de l'OFCE

     

    "Si l’euro n’éclate pas, nous craignons par contre qu’il devienne inutile (...) Avec la nécessite pour [les] pays d’équilibrer leur commerce extérieur, ce qui se fait surtout par la compression de la demande intérieure, on voit un recul dans la période récente de la taille des exportations vers les autres pays de la zone euro dans tous les pays."

     Patrick Artus, chef économiste Natixis


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