• L'introuvable social-démocratie, Par Coma81

     

    Partie 1 : Les étapes de la conversion libérale du Parti Socialiste

    Partie 2 : L'introuvable social-démocratie

    Partie 3 : Les origines marxistes du socialisme : Que faire de la démocratie libérale ?

     

    L'expression de Frédéric Lordon : «Parti Socialiste, socialisme parti » résume bien l'évolution constatée à la lecture des cinq déclarations de principes, de la première en 1905 à la dernière en date en 2008. Le reflux du socialisme en tant qu'idéologie est général. Moralement disqualifié pour sa compromisson avec le régime soviétique, le Parti Communiste a électoralement disparu, tandis que l'esprit libertaire de mai 68 a vidé de sa substance la doctrine marxiste- léniniste de l'ancienne extrème gauche trotskiste. Ce n'est qu'à la faveur de la crise récente du capitalisme que le front de gauche, se réclamant de la tradition authentiquement socialiste, a pu engranger des scores significatifs. Au delà du phénomène électoral, il faudait s'interroger sur le contenu doctrinal d'un mouvement pour l'instant davantage dédié à la défense du « modèle social », que capable de tracer des perspectives pour l'avenir.

    Au regard de ces échecs, la question se pose : « peut-on encore se réclamer du socialisme ? ». La réponse est évidente. L'éclipse du Socialisme en tant qu'idéologie dominante, au profit du libéralisme, ne doit pas faire oublier l'influence déterminante qu'il a exercé au moment de la refondation de nos démocraties dans l'immédiat après guerre. Rien n'empêche – rien n'oblige non plus - le socialisme de revenir au premier plan.

    Parmi les raisons du déclin, l'une tient au hiatus entre la doctrine officielle et sa réalisation concrète, « l'Etat social », enfant illégitime du marxisme que celui-ci est réticent à reconnaître. C'est que l'avènement des démocraties sociales en Europe de l'ouest, en même temps que la dérive totalitaire du communisme réel, met en lumière les apories de l'orthodoxie marxiste et force à sa révision.

    Mais, tandis que les uns se sont raidis dans l'orthodoxie, force est de constater que ceux qui se sont engagés sur la voie de la révision doctrinale se sont convertis progressivement, volontairement ou non, au libéralisme. Si, à notre époque, la gauche libérale revendique bel et bien les réalisations passées de l'Etat social, en revanche, elle tend à méconnaitre les principes socialisants qui l'ont inspiré. De fait, la conversion à « l'économie sociale de marché » (Jospin 2002, PS 2008) augure mal de l'avenir. Déjà la gauche gouvernementale reprend à son compte la terminologie en vigueur en Europe. Dans la vision libérale, les « réformes de structure » visent à lutter contre les « rigidités » et les « rentes de situation » en particulier sur le marché du travail. Dis autrement les réformes n'ont d'autres but que de liquider l'héritage des modèles sociaux européens, profitant de « la fenêtre d'opportunité » qu'offre la crise économique.

    Ainsi, l'expérience de la démocratie sociale souffre d'un double déni d'existence : de la part des marxistes qui rejettent en toutes circonstances « l'Etat de Droit bourgeois » et de la part des libéraux, qui, au prix d'une incroyable falsification historique, ne veulent voir dans la réussite économiques des pays européens, que la marque du l'essor du marché et de la mondialisation. L'ironie est que deux doctrines que tout oppose, se retrouvent dans leur tentative de réduire les démocraties sociales à une forme de capitalisme: «capitalisme  monopoliste d'Etat » pour les premiers, «capitalisme régulé » pour les seconds. Avec pour conséquence d'occulter la subversion réelle qu'introduit l'Etat social au sein même du capitalisme.

    Il faut au contraire cultiver la mémoire de ce moment historique fondateur de l'après guerre – véritable miracle démocratique - lorsque les mobilisations populaires massives, relayées par des élites renouvelées par la force des choses, et à l'écoute des revendications sociales, ont rendu possible l'invention de la démocratie sociale. Il est temps de s'inspirer de cette expérience pour régénérer le socialisme et en faire une alternative fondée au libéralisme ambiant. Dans cette perspective, on appellera « social-démocratie », la doctrine qui rend intelligible l'expérience passée (et malgré tout encore présente) de la démocratie sociale, et surtout qui perrmet de dévoiler les voies imaginables de l'émancipation.

    A nos yeux, depuis la conversion du Parti Socialiste au libéralisme, la seule organisation politique qui s'inscrit dans la tradition social-démocrate, que cela soit assumé ou non, est le Front de Gauche. De la tradition au projet, il reste un pas à franchir.

     

     


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  • Commentaires

    1
    DAELIII
    Jeudi 13 Décembre 2012 à 17:45

    Il me paraît impossible que le retour d'une pensée socialiste réelle puisse survenir tant que ses éventuels porteurs refuseront d'analyser les raisons de fond qui ont conduit la gauche en général, socialiste, communiste radicale même, à trahir ses mandanst. Certes vous soulignez ici l'obsolescence de la vulgate communiste. C'est nécessaire, même s'il reste des "croyants" nombreux qui préfèrent visiblement rêver leur foi que tenter de transformer leur vie. Mais c'est très insuffisant. Parler de la réussite des trentes glorieuses pourrait être utile comme exemple d'un gestion socio-économique efficiente, et qui mériterait d'être reprise aujourd'hui dans son esprit (vision à long terme, effort scientifique, égalitarisme salarial, morale, école travailleuse, ......). Mais se contenter de ces rappels nostalgiques ne mènera à rien. Rappelez-vous que cette même gauche, dont vous semblez penser qu'elle détenait alors le Graal, trahissait déjà ses mandants en préparant sans en dire un mot dans ses programmes officiels la "construction européenne", avec toutes les tares sans remède que ses géniteurs étatsuniens y installaient déjà, libéralisme, marchandisation de la vie, domination allemande préparée .... Si un grand homme d'état comme Mendes-France a dénoncé cette trahison cachée dans son discours lors du vote du traité de Rome, il était alors bien seul et il était le dernier. Depuis la trahison a été continue, jusqu'à la disparition quasi actée de la France aujourd'hui.

    Tant que la "gauche officielle", et hélas les "penseurs" non officiels aussi,  préfèrera ses mythes à la défense des travailleurs français, comme l'angélisme béat à la réalité de la compétition des nations, elle continuera à nous trahir en camouflant sa trahison derrière tous les discours et problèmes sociétaux, après nous avoir trahi en nous mentant sur ce qu'elle contribuait à mettre en place durant ces mêmes trentes glorieuses, pour nous trahir en pleine responsabilité avec ce qu'elle a mis réellement en place depuis 1983.

    Tant que la gauche ne sera pas capable de penser le cadre national, le seul dans lequel une société plus juste puisse être tentée, sans parler de socialisme !!, elle ne sera pas capable de faire autre chose que de soutenir le libéralisme débridé, néo ou pas.

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    Coma81 Profil de Coma81
    Jeudi 13 Décembre 2012 à 19:12

    Je veux en effet exprimé l'idée selon laquelle, Nous (la collectivité, et pas forcément la gauche officielle) n'avons jamais eu la théorie de nos pratiques. La doctrine social-démocrate n'exsite pas. Nous sommes passé du marxisme au libéralisme sans la croiser. Peut-être justement parce que elle n'est pas un entre deux.

    La raison est, comme vous le suggérez, que la doctrine social-démocratie est une pensée du fait national. Pour parler comme Marcel Gauchet, que je vous invite à lire étant donnée vos penchants intellectuels, le miracle démocratique de l'après guerre tient tout entier dans l'invention de l'Etat-nation social.

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    3
    myla2
    Samedi 15 Décembre 2012 à 10:28

    Comment pourrait-il y avoir un état nation aujourd'hui, de nouveau, alors que les entreprises sont multinationales, avec des budgets qui dépassent celui des états?

    Peut-on encore croire en l'état? L'état a cassé l'appareil productif, il l'a vendu à vil pris à des entreprises privées, spoliant les intérêts des travailleurs, il a fait des choix contesté et contestable en matière énergétiques, qui pèseront encore longtemps sur l'économie française, il est en train de casser la sécurité sociale en encourageant les assurances privées à prendre en charge la santé... et l'école, en lui imposant des réformes, dont les seuls buts sont de transformer des citoyens libres en salariés décervelés et obéissants.

    Un état nation, pourquoi pas? Pour plus d'égalité et de justice sociale, mais associé à un tissus coopératif fort, doté de moyens de contrôle démocratiques, aussi bien pour la production, que pour les assurances sociales, les moyens de protection, d'éducation, et d'épanouissement des citoyens.  La vie est trop importante pour la confier dans toutes ses dimensions à des politiques, à un état...

    Que les usines, les entreprises, au delà d'une certaine taille n'appartiennent plus à des individus ou groupes mais à ceux qui y travaillent et que ceux ci soient chargés de leur gestion.

    Mais pour cela, encore faudrait il réformer l'école, qui transmet le mépris des classes populaires, le respect des hiérachies sociales, et la soumission. Qui fait croire à ceux qui apprennent plus vite,  qu'ils sont une élite destinée à diriger les autres, qui doivent être récompensés pour cette raison par des salaires mirobolants, alors que les autres, à peine plus dignes d'intérêts que des pourceaux, devraient être heureux qu'on leur octroie un travail... Et qui fait que les ingénieurs, et autres cadres, choisissent le camp des puissants, plutôt que celui des travailleurs... dans ces conditions, comment mettre en place de grandes structures coopératives ou associatives, suffisamment compétitives sur le plan économique?

    PS (!): Je crois qu'il ne faut plus dire que le parti socialiste est de gauche, il a définitivement viré sa cutti...

     

     

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