• "Nous avons un problème systémique devant nous" ou l'échec du plan A, Par Coma81

    "Waouh – une autre banque renflouée, cette fois en Espagne. Qui aurait pu prévoir ça ? Tout le monde, bien entendu. En fait, toute cette histoire ressemble de plus en plus à un sketch : l’économie est sur une pente descendante, le chômage est très élevé, les banques ont des problèmes, les Etats se précipitent à leur secours – mais c’est pourtant toujours les banques qui sont sauvées, jamais les personnes au chômage."

     Paul Krugman, Juin 2012


    "Nous avons un problème systémique devant nous" alerte le président de la Commission Européenne. Ce SOS, lancé en direction des capitales européennes, sonne comme une sentence pour la gouvernance européenne des deux dernières années. Ce mois de juin 2012, les taux d'intérêt sur les dettes espagnole et italienne atteignent des sommets, et tous les regards sont tournés vers l'élection du 17 juin, cruciale pour l'avenir de l'euro, non pas celle en France, mais bien celle en Grèce, ce petit pays dont la crise multiforme aura suffit à déstabiliser l'ensemble de la zone euro.

    Rappelons que l'Europe est confrontée à une crise de même nature que celle qui a touché les Etats-unis en 2008. Si la panique financière venue d'outre-altlantique a servi de détonateur, les malheurs de l'Europe sont dus à ses propres errements ; son secteur bancaire, fautif, a aussi ses subprimes : bulle immobilière irlandaise, espagnole, endettement public grecque et italien... (la France est un mix des deux).

    A problème identique - crise de la dette - même réponse dramatique qui condamne à terme les deux stratégies - européenne et américaine - à l'échec : au lieu de faire le ménage pour de bon, la puissance publique est intervenue pour sauver les banques et garantir les dettes. Certes, les structures institutionnelles ne sont pas les mêmes, de sorte que les politiques de "sortie de crise" sont fortement divergentes : politique monétaire et budgétaire expansive aux Etats-Unis, austérité en Europe. La zone euro de Merkozy va dans le mur plus rapidement que l'Amérique d'Obama.

    Ainsi, en Europe comme partout, le premier mouvement a été, depuis le déclenchement de la crise de 2008, de transférer les dettes privées aux Etats. Toutefois, en l'absence de fédéralisme, la mutualisation de la dette publique n'a pas été automatique, via par exemple l'intervention d'une banque centrale prêteuse en dernier ressort, comme aux Etats-Unis. C'est pourquoi, très vite, trois Etats de la périphérie se sont retrouvés en difficultés : la Grèce, l'Irlande, et le Portugal. Ce n'est qu'à mesure que la crise gagnait en intensité que s'est fait le transfert de la dette périphérique aux institutions quasi-fédérales (FESF, BCE) adossées en définitive au centre allemand. "En contrepartie" du sauvetage du système bancaire européen, le couple Merkozy imposait un peu d'austérité à leurs propres électeurs, beaucoup plus aux peuples des petits Etats périphériques.

    La mutualisation des dettes est présentée à tort en France comme une alternative à l'austérité. Or le plan - pour nos dirigeants - est de combiner les deux selon une logique imparable : transférons la dette, à l'origine éparpillée chez de multiples acteurs publics et privés menaçant de faire faillite, à une structure centrale, publique, permettant de sanctuariser la dette et de rassurer ainsi "les marchés", c'est-à-dire les détenteurs du patrimoine financier. Protégeons les rentiers, principalement ceux du centre (les Allemands) et faisons payer, par l'austérité généralisée, la facture aux contribuables et aux salariés, à commencer par ceux de la périphérie. Evidemment, tout cela s'accompagne d'une propagande visant à masquer la réalité du renflouement des banques - qui pourrait être mal vue par les citoyens européens, en le faisant passer pour une "aide" aux peuples du sud.

    Il ne faudrait pas conclure de tout cela que nos dirigeants seraient mus par des intentions malveillantes. Dans un contexte difficile, le couple franco-allemand qui mène la danse - disons surtout les Allemands - veille d'abord à ne pas compromettre l'équilibre politique interne à leur nation, tant pis pour les petites nations si elles sont la variable d'ajustement. On voit d'ailleurs que l'Espagne et l'Italie sont traitées (un peu) moins durement que les 3 nations périphériques. Question de rapport de force.

    Les responsables politiques en place veulent préserver au maximum le système tel qu'il est, parce qu'il est le reflet du compromis social qui les a porté au pouvoir. Malheureusement pour eux, la crise est le moment où le statu quo devient intenable et où les intérêts de l'oligarchie financière des puissances dominantes rentrent en conflit frontal avec ceux de "la classe moyenne", alors qu'ils avaient jusqu'alors, cahin caha, cohabités. En raison de la profondeur de la crise, les plans d'austérité n'ont pas réussi à endiguer l'accroissement de la dette tandis qu'ils ont largement contribuer à accroître le chômage et la précarité économique.

    Le plan A est un échec et Barroso s'affole. La trajectoire de désendettement global n'est tout simplement pas crédible. Bien sûr, on peut encore peut-être tirer sur la corde - c'est ce que traduisent les appels au "fédéralisme" : il s'agit de finaliser la mutualisation de la dette à l'échelle européenne en contrepartie d'une austérité généralisée - la France est maintenant explicitement visée par les déclarations du ministre de l'économie allemand. Malgré tout, le point de rupture est atteint et quelque chose doit céder. Dans ce cas, quelle forme prendra le plan A' ?

    La première option est de basculer sur un équilibre politico-économique à l'américaine, comme semble l'espérer la gauche française. Le niveau fédéral américain réussit, pour un moment encore, à prolonger le compromis néolibéral. Le deal a été de socialiser le paquet de créances - ou de dettes selon le point de vue - possédées par les riches tout en maintenant des taux d'intérêt très faibles grâce à l'intervention toujours plus soutenue de la FED. Par ce biais, le sauvetage des banques ne se paie pas par des coupes dans les budgets sociaux. Mais ce compromis social est extrêmement instable car il est difficile de prévoir sur quoi débouchera cette fuite en avant de la monétisation des dettes.

     

    "Nous avons un problème systémique devant nous" ou l'échec du plan A, Par Coma81

    Source : BNP

     

    Cette non-solution est-elle transposable en Europe ? Il faudrait pour cela que les Allemands acceptent un rôle accru de la BCE. Quelles garanties - en termes de transfert de souveraineté à une institution fédérale - voudront-ils négocier ? Sachant qu'au bout de la route il y a le mur de la dette et, au mieux, la stagnation économique, on ne voit pas très bien pourquoi nos hommes politiques voudraient se donner la peine de mettre au point cette usine à gaz fédérale, et de courir le risque d'un désaveu démocratique.

    C'est pourquoi de plus en plus de voix s'élèvent pour opter pour une autre solution - repoussée jusqu'à présent par nos responsables qui répugnent à affronter le lobby bancaire, mais la seule qui vaille si on veut un jour sortir de cette crise de part et d'autre de l'Atlantique : la restructuration du secteur bancaire.

    La question qui se pose en ce mois de juin est de savoir si nos dirigeants auront le courage de prendre les mesures qui s'imposent pour réduire la dette et réorganiser le fonctionnement du secteur bancaire. Faute de quoi, le plan B, c'est à dire la fin de l'euro, qui a la faveur de l'auteur de ces lignes, pourrait se réaliser plus vite que prévu.

     

    Ci dessous, une revue de presse très rock n' roll :

    Nigel Farage, député européen anglais de la droite eurosceptique, fait son show habituel - très efficace pour montrer les limites de la logique européenne actuelle. Suit François Lenglet qui explique avec pédagogie aux rentiers qu'il faudra qu'ils passent à la caisse.

    Puis 4 textes, tous sur le même sujet : il faut restrusturer les banques. Bonne nouvelle, Alter Eco se réveille sur le sujet, Krugman très efficace comme à son habitude et Daniel Gros, économiste libéral allemand, qui va dans la même direction.

     

     

     

     

    Encore une banque renflouée, Paul Krugman - Juin 2012. Extrait.

    "Waouh – une autre banque renflouée, cette fois en Espagne. Qui aurait pu prévoir ça ? Tout le monde, bien entendu. En fait, toute cette histoire ressemble de plus en plus à un sketch : l’économie est sur une pente descendante, le chômage est très élevé, les banques ont des problèmes, les Etats se précipitent à leur secours – mais c’est pourtant toujours les banques qui sont sauvées, jamais les personnes au chômage. (...)

    Si l’on assemble toutes les pièces du puzzle, on obtient l’image d’une élite politique européenne prête à sauter sur l’occasion de défendre les banques, mais refusant d’un autre côté d’admettre que ses mesures ne permettent absolument pas d’aider les personnes que l’économie est censée servir."

    RTBF

     

    Comment faire le ménage dans les banques ?, Daniel Gros - Juin 2012. Extrait.

    "Le secteur privé devrait être impliqué, en particulier dans les cas d’insolvabilité. Les parts des actionnaires doivent être diluées et les détenteurs agressifs de la dette devraient contribuer, soit en prenant leur perte, soit via des swaps d’endettement. (...)"

     

    L’Espagne n’a pas de problème de « dette publique » !, Jean Gadrey - Juin 2012. Extrait.

     "(...) Bien entendu, il existe des relations fortes entre les risques bancaires liés à des dettes privées et la dette publique, dès lors qu’on estime qu’un État doit à tout prix sauver ses banques nationales, donc dépenser pour cela des milliards ou des dizaines de milliards d’euros, pendant que la BCE ou le MES (le FMI européen) attribuent des prêts de sauvetage sans contrepartie, eux-mêmes garantis ou financés par des contributions… des États.

    Mais cette solution, jusqu’ici privilégiée par des dirigeants amis des banquiers, apparaît de plus en plus comme un puits sans fond qui va épuiser les fonds publics. On ne coupera pas, à moins de parier sur le suicide de toute idée d’Europe, à une reprise en main publique de la finance assortie d’audits démocratiques des dettes, à des mesures contre la spéculation, et à une réforme de la BCE la contraignant à jouer le rôle d’une vraie banque centrale dont la mission ne serait plus de lutter contre l’inflation mais contre l’effondrement financier, économique, social et écologique. Il n’y a rien de plus urgent, en espérant qu’il ne soit pas trop tard."

    Sur son blog

     

    Leçons espagnoles, Alter Eco - Juin 2012. Extrait.

    "(...) Dans cette affaire, à quelque chose malheur est (peut-être) bon : l’arrivée de la crise au cœur même de l’eurozone va nous obliger à sortir enfin vraiment des sentiers battus. Il va bien falloir transférer cette fois la surveillance des banques à l’échelon européen et remettre en cause l’austérité généralisée qui aggrave nos problèmes au lieu de les résoudre. Du moins il faut l’espérer, sinon…"

     

     

     


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  • Commentaires

    1
    BA
    Vendredi 15 Juin 2012 à 08:15

    Jeudi 14 juin 2012 :

     

    Espagne : Luis de Guindos appelle au calme face aux tensions des marchés.

     

    Le ministre espagnol de l'Economie Luis de Guindos a lancé jeudi un appel au calme face à la hausse des taux des emprunts espagnols, qui ont atteint un nouveau record, soulignant qu'une telle situation n'est pas tenable dans le temps.

     

    "Je suis convaincu que nous prendrons des mesures qui réduiront la pression des marchés dans les prochains jours et les prochaines semaines", a déclaré M. de Guindos devant des journalistes.

     

    L'Espagne s'apprête à chiffrer, d'ici le 21 juin, le montant de l'aide financière qu'elle demandera pour ses banques à ses partenaires de la zone euro, dans le cadre du plan d'aide annoncé samedi dernier et qui pourra atteindre cent milliards d'euros.

     

    "Il est fondamental de rester calme, nous avons un programme concernant les mesures qui doivent être prises, et nous savons qu'il y a des circonstances internationales qui en ce moment ont des conséquences sur les tensions des marchés", a ajouté le ministre de l'Economie.

     

    Dans la foulée de la dégradation de trois crans de la note de l'Espagne par l'agence de notation Moody's, mercredi à Baa3, le taux à dix ans des emprunts espagnols a atteint jeudi un nouveau plus haut depuis la création de la zone euro, tout près de 7% (6,905%), creusant un écart record avec l'Allemagne.

     

    "Un tel niveau de taux n'est pas tenable dans le temps", a souligné le ministre.

     

    (©AFP / 14 juin 2012 17h03)

     

    Espagne : taux des obligations à 10 ans :

    Jeudi 7 juin 2012 : le taux du 10 ans était de 6,090 %.

    Vendredi 8 juin 2012 : le taux du 10 ans était de 6,220 %.

    Lundi 11 juin 2012 : le taux du 10 ans était de 6,508 %.

    Mardi 12 juin 2012 : le taux du 10 ans était de 6,705 %.

    Mercredi 13 juin 2012 : le taux du 10 ans était de 6,754 %.

    Jeudi 14 juin 2012 : le taux du 10 ans était de 6,916 %.

     

    http://www.bloomberg.com/quote/GSPG10YR:IND

     

    2
    Coma81 Profil de Coma81
    Vendredi 15 Juin 2012 à 08:29

    Cela s'appelle une flambée des taux. BA, avez vous des infos sur ce qui va être décidé à très court terme pour stabiliser tout cela ?

    3
    myla2
    Vendredi 15 Juin 2012 à 10:21

    Bonjour,

     

    Dans un autre domaine, mais qui me semble essentiel, voir dans télérama du 13 06 12 les intellectuels de gauche et la politique. Ou sur une place de l'intellectuel indépendant,  qui me semble revenir à l'éducation populaire, à l'intelluel engagé auprès du peuple et non plus auprès du prince.... ENFIN!!!!

    Cordialement,

    myla

    4
    BA
    Vendredi 15 Juin 2012 à 15:47

    Je ne sais pas du tout ce qu'ils vont encore inventer pour essayer de stabiliser tout ça.

     

    Pronostic : ça foirera.

     

    La monnaie unique est programmée pour exploser, et elle explosera.

     

    Quoi qu'ils fassent.

    5
    myla2
    Samedi 16 Juin 2012 à 09:10

    Dans le monde du 15 06 2012, 5 propositions pour la relance de l'économie pour la france dont une de james K Galbraith et une de Michel AGlieta et de jean Charles Hourcade, une autre d'un collectif de sociologues et d'économistes universitaires... mais comme le disait le texte de télérama cité plus haut... les intellectuels français n'ont pas l'écoute des politiques... alors nous sommes pieds et points liés à l'incompétence des experts à courte vue...

    6
    BA
    Samedi 16 Juin 2012 à 16:43

    Samedi 16 juin 2012 :

     

    Allemagne : un responsable conservateur lance un avertissement aux Grecs.

     

    L'un des responsables conservateurs allemands, Wolfgang Bosbach, a estimé samedi que si la gauche radicale grecque l'emporte lors des élections de dimanche, la sortie de la Grèce de la zone euro ne "sera qu'une question de temps".

     

    "Si la gauche radicale s'obstine à dire qu'elle souhaite avoir les aides des autres pays de la zone euro dans leur intégralité mais qu'elle ne veut pas apporter de contreparties, alors ce ne sera qu'une question de temps avant que la Grèce ne sorte" de la zone euro, a souligné M. Bosbach, président de la commission des Affaires intérieures à la chambre des députés, et proche de la chancelière Angela Merkel.

     

    Ce responsable de l'Union démocrate-chrétienne (CDU) assure en outre qu'indépendamment du vote de dimanche, la Grèce ne remplit pas les conditions pour être membre de la zone euro.

     

    "Il manque au pays le dynamisme de son économie, de la compétitivité et une administration efficace. Et ce ne sont pas les nouveaux milliards d'aide qui vont changer ça fondamentalement", a souligné M. Bosbach dans l'édition dominicale du "Frankfurter Allgemeine Zeitung", selon des extraits diffusés samedi.

     

    Selon lui, toutefois, une sortie éventuelle de la Grèce ne sera pas décidée "dans les semaines à venir" mais l'Europe devra aider le pays économiquement dans la phase de transition.

     

    http://www.lesechos.fr/entreprises-secteurs/finance-marches/actu/afp-00449674-allemagne-un-responsable-conservateur-lance-un-avertissement-aux-grecs-334541.php

    7
    BA
    Lundi 18 Juin 2012 à 16:51

    Lundi 18 juin 2012 :

     

    Banques espagnoles : taux record de créances douteuses en avril, à 8,72%.

     

    Le taux de créances douteuses des banques espagnoles, indice de leur vulnérabilité, a encore progressé en avril, atteignant un nouveau record depuis 1994 à 8,72%, a annoncé lundi la Banque d'Espagne.

     

    Les créances douteuses, principalement des crédits immobiliers susceptibles de ne pas être remboursés, s'élevaient en avril à 152,740 milliards d'euros, soit 8,72% du total des créances, contre 8,37% en mars et 8,15% en février.

     

    La zone euro a annoncé le 9 juin qu'elle accordait un prêt pouvant aller jusqu'à 100 milliards d'euros à l'Espagne pour renflouer son secteur bancaire, très affaibli par son exposition au secteur immobilier sinistré depuis l'explosion de la bulle en 2008.

     

    Son taux de créances douteuses, qui n'était que de 3,37% fin 2008, s'est par exemple fortement détérioré depuis le début de la crise.

     

    (©AFP / 18 juin 2012 11h02)

     

    Dette : le taux de l'Espagne inverse la tendance et se tend au-delà des 7%.

     

    Le taux d'emprunt à 10 ans de l'Espagne inversait la tendance lundi matin et se tendait très nettement pour dépasser les 7% et afficher un nouveau record, signe que les craintes sur la zone euro ont repris le dessus malgré le vote grec.

    Espagne : taux des obligations à10 ans :7,173 %. Record historique battu.

    http://www.bloomberg.com/quote/GSPG10YR:IND 

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