• Retour sur la triste polémique entre Sapir et Lordon

     

    Nous présentons les extraits de la polémique, puis l'intégralité de la magnifique analyse d'Alexandre Tsara. Ce dernier est un citoyen éclairé ayant laissé un long commentaire argumenté sur le blog de Frédéric Lordon.

     

    1. Les analyses de Sapir suscitant la polémique :


    Jacques Sapir : "A terme, la question de la... par franceinter

     

    "A terme, la question des relations avec le Front National, ou avec le parti issu de ce dernier, sera posée. Il faut comprendre que très clairement, l’heure n’est plus au sectarisme et aux interdictions de séjours prononcées par les uns comme par les autres. La question de la virginité politique, question qui semble tellement obséder les gens de gauche, s’apparente à celle de la virginité biologique en cela qu’elle ne se pose qu’une seule fois. Même si, et c’est tout à fait normal, chaque mouvement, chaque parti, entend garder ses spécificités, il faudra un minimum de coordination pour que l’on puisse certes marcher séparément mais frapper ensemble. C’est la condition sine qua non de futurs succès."

    Jacques Sapir, Réflexions sur la Grèce et l’Europe, le 21 août

     

    "La troisième question qu’il faudra régler concerne à l’évidence la superficie de ce « front » et ses formes de constitution. De très nombreuses formules peuvent être imaginées, allant de la coordination implicite (pacte implicite de non agression) à des formes plus explicites de coopération. Rappelons ici que lors de l’élection présidentielle de 1981 les militants du RPR ont collé des affiches de François Mitterrand…On ne peut chérir éternellement les causes des maux dont on se lamente et, à un moment donné, la logique de la vie politique voudra que soit on sera pour la sortie de l’Euro soit on sera pour conserver l’Euro. Il n’y aura pas, alors, de troisième voie.

    Il est évident que ces diverses formes d’ailleurs ne s’opposent pas mais peuvent se compléter dans un arc-en-ciel allant de la coopération explicite à la coordination implicite. Mais on voit bien, aussi, qu’à terme sera posée la question de la présence, ou non, dans ce « front » du Front National ou du parti qui en sera issu et il ne sert à rien de se le cacher. Cette question ne peut être tranchée aujourd’hui. Mais il faut savoir qu’elle sera posée et que les adversaires de l’Euro ne pourront pas l’esquiver éternellement. Elle impliquera donc de suivre avec attention les évolutions futures que pourraient connaître ce parti et de les aborder sans concessions mais aussi sans sectarisme.

    Du point de vue des formes que pourraient prendre ce « front, la formule « marcher séparément et frapper ensemble » me semble la mieux adaptée. Ceci n’épuise pas – et de loin – la question de la superficie du « front ». Il faudra vérifier la possibilité de détacher du Parti « socialiste » certains de ses morceaux, vérifier aussi la possibilité de pouvoir compter avec des dissidents de l’UMP et des souverainistes issus des partis indépendants (et on note avec satisfaction les discussions entre Nicolas Dupont-Aignan et Jean-Pierre Chevènement). Il faudra enfin, et ce n’est pas la moindre des taches, unifier la gauche radicale. Ces diverses taches n’ont plus été à l’ordre du jour depuis 1945 dans notre pays. La perte d’expérience est ici considérable, les réflexes sectaires sont largement présents mais, surtout, la prégnance d’une idéologie moralisante se faisant passer pour de la politique constitue le principal obstacle, et la force principale de nos adversaires.

    Les raisons de potentiels désaccords seront extrêmement importantes dans ce « front », s’il se constitue. Mais, la véritable question est de savoir si les femmes et les hommes qui composeront ce « front » sauront dépasser leurs désaccords, quels qu’ils puissent être et aussi justifiés puissent-ils être, pour comprendre que l’objectif de sortie de l’Euro, avec tout ce qu’il implique (et que je ne rappelle pas) impose de mettre provisoirement ces désaccords de côté. C’est à cette aune là que nous verrons si le camp des forces anti-Euro est capable d’affronter les taches de la période."

    Jacques Sapir, Sur la logique des “fronts”, le 23 août 2015

     

    "Le rejet de l’Euro ne suffit pas. Il faut qu’il y ait un accord, au moins implicite, sur les mesures qui seront prises par la suite. Car, si l’Euro est aujourd’hui un problème politique son démantèlement implique une dimension technique évidente, et ces mesures techniques ne pourront être mises en œuvre que sur la base d’un accord politique général. C’est la raison pour laquelle j’ai explicitement fait référence au Conseil National de la Résistance, car dans ce cas il était clair que l’objectif ne pouvait être la seule libération du territoire du joug nazi.

    Cela implique clairement l’abandon pour tout parti qui prendre place dans ce « front » de toute référence à la « préférence nationale » hors, bien entendu, des secteurs régaliens ou nul ne la met en cause. L’idée de préférence nationale, hors le domaine des professions particulières (liées aux fonctions régaliennes de l’Etat qui incluent la sécurité, la justice et l’Education), est en réalité inconstitutionnelle si on regarde le préambule de la Constitution[6]. Il en va de même pour les droits que l’on appelle « sociaux » et qui sont la contrepartie de contributions des salariés et des employeurs. La raison conjoncturelle, liée à l’objectif du « front », est que, dans une logique de sortie de l’Euro, les mécanismes de retour à l’emploi doivent pouvoir jouer sans obstacle. Très concrètement, et au-delà des raisons principielles telles qu’elles sont exposées dans le préambule de la constitution, toute segmentation du marché du travail sous la forme de l’application de la « préférence nationale » conduirait à des pressions inflationnistes importantes qui pourraient compromettre les effets positifs attendus de la sortie de l’Euro.

    C’est l’une des raisons pour lesquelles la participation du Front National à ce « front » n’est pas aujourd’hui envisageable, alors que celle du mouvement politique de Nicolas Dupont-Aignan, Debout la France, l’est pleinement. Mais, cela veut aussi dire qu’il faut être attentif aux évolutions politiques des uns et des autres et, en fonction de ces évolutions, être prêts à reconsidérer la question de la participation de tel ou tel parti ou mouvement à ce « front ». Ceci, d’ailleurs, vaut tout autant pour des fractions du Parti « Socialiste », si elles abandonnaient leur attachement religieux à l’Euro, et qui seraient naturellement partie prenante d’un tel « front »."

    Jacques Sapir, A nouveau sur les “fronts”, le 27 août

     

    2. La (triste) contribution de Frédéric Lordon :

    "Que dire quand ce sont certains des avocats mêmes de la sortie de l’euro qui ajoutent au désordre intellectuel et, identifiés à gauche, en viennent à plaider d’invraisemblables alliances avec l’extrême-droite ? (...)

    Si la sortie de l’euro a à voir avec la restauration de la souveraineté, peu importe de quelle souveraineté l’on parle. Et en avant pour le front indifférencié de « tous les souverainistes ». Nicolas Dupont-Aignan est « souverainiste » : il est donc des nôtres. Et puis après tout Marine Le Pen aussi, ne le dit-elle pas assez. Alors, logiquement, pourquoi pas ? Car voilà la tare majeure du mono-idéisme : il est conséquent sans entraves. Il suivra sa logique unique jusqu’où elle l’emmènera par déploiement nécessaire des conséquences qui suivent de la prémisse unique. Peu importe où puisque, l’Idée posée, on ne peut qu’avoir confiance dans la logique qui, ancillaire et neutre, vient simplement lui faire rendre tout ce qu’elle porte.

    On l’a compris puisque la chose entre dans son concept même : le mono-idéisme suppose l’effacement radical de toutes les considérations latérales – de tout ce qui n’appartient pas à son Idée. Que, par exemple, le Front national – ses errances idéologiques en matière de doctrine économique et sociale l’attestent assez – ait pour seul ciment véritable d’être un parti raciste, que la xénophobie soit l’unique ressort de sa vitalité, la chose ne sera pas considérée par le souverainisme de la sortie de l’euro quand il se fait mono-idéisme. Puisque la Cause, c’est la sortie de l’euro, et que rien d’autre n’existe vraiment. On envisagera donc l’âme claire de faire cause commune avec un parti raciste parce que « raciste » est une qualité qui n’est pas perçue, et qui ne compte pas, du point de vue de la Cause. Voilà comment, de l’« union des républicains des deux bords », en passant par « le front de tous les souverainistes », on se retrouve à envisager le compagnonnage avec le Front national : par logique – mais d’une logique qui devient folle quand elle n’a plus à travailler que le matériau de l’Idée unique.

    Il faut avoir tout cédé à une idée despotique pour que quelqu’un comme Jacques Sapir, qui connaît bien l’histoire, ait à ce point perdu tout sens de l’histoire. Car la période est à coup sûr historique, et l’histoire nous jugera. Si l’on reconnaît les crises historiques à leur puissance de brouillage et à leur pouvoir de déstabilisation – des croyances et des clivages établis –, nul doute que nous y sommes. Nous vivons l’époque de toutes les confusions : celle de la social-démocratie réduite à l’état de débris libéral, celle au moins aussi grave de révoltes de gauche ne se trouvant plus que des voies d’extrême-droite. Or on ne survit au trouble captieux de la confusion qu’en étant sûr de ce qu’on pense, en sachant où on est, et en tenant la ligne avec une rigueur de fer. Car en matière de dévoiement politique comme en toute autre, il n’y a que le premier pas qui coûte – et qui, franchi, appelle irrésistiblement tous les suivants. C’est pourquoi l’« union de tous les souverainistes » mène fatalement à l’alliance avec l’extrême-droite.

    C’est pourtant une fatalité résistible : il suffit de ne pas y mettre le doigt – car sinon, nous le savons maintenant à de trop nombreux témoignages, c’est le bonhomme entier qui y passe immanquablement. (...)"

    Frédéric Lordon, Clarté, le 26 août 2015

     

     

    3. Réponse d'Alexandre Tsara au texte de Lordon

     

    Monsieur,

    Je prends régulièrement plaisir à vous lire. Vous me semblez être un des rares et stimulants économistes de notre époque et vos articles sont précis, ciselés et convaincants, notamment en matière économique. Cependant un tel article me déçoit beaucoup de votre part. Non seulement je ne suis pas en accord avec vos conclusions sans nuances mais votre analyse est biaisée et souffre même de faiblesses méthodologiques. Je vais m’atteler à reprendre point par point votre argumentation afin d’en révéler les approximations et les omissions. Approximations et omissions qui, bien sûr, vont dans le sens de votre démonstration.

     

    1) "Le FN, ce terrible fléau, cette bénédiction"

    Que le FN serve d’épouvantail aux deux partis dominants est une analyse juste mais tout à fait convenue. Le FN joue au niveau électoral le rôle du fascisme sur le plan idéologique : le démon. La menace toujours mortelle et menaçante. Que les deux partis dominants se jouent du FN afin de mieux se maintenir au pouvoir, il faudrait être un grand naïf pour en douter. Les premiers à avoir instrumentalisé le FN sont les socialistes, sous Mitterrand. Je ne vous apprendrai rien dans ce domaine que vous ne sachiez déjà. En revanche vous allez beaucoup plus loin, vous déduisez de cette posture d’épouvantail une complicité, comme une alliance objective entre les deux partis de pouvoir et le FN. Voilà un développement argumentatif qui aurait mérité plus ample développement ! D’une part il est une différence entre instrumentaliser un parti comme négatif politique et idéologique (ce qui suppose que l’on a pas intérêt à ce qu’il parvienne au pouvoir ou menace le jeu d’alternance des deux partis en place) et en faire un instrument dont la venue au pouvoir ou l’accroissement excessif ne serait pas redouté. En l’occurrence, je rejoins sans problème l’idée que le PS a tout intérêt à ce que le FN constitue une troisième force politique, capable d’affaiblir la droite et donc de faciliter la venue au pouvoir de la gauche.

    En revanche le passage du FN de la troisième à la deuxième position voire même la première non seulement affaiblit la droite mais bouscule le jeu installé du parlementarisme de notre Vème République fondé sur l’alternance entre deux partis recentrés, l’un en majorité, l’autre en opposition. Un FN très fort (comme c’est le cas aujourd’hui) met à mal ce confortable jeu de chaises tournantes. La gauche comme la droite s’en trouvent menacés. En un certain sens la stratégie adoptée par Mitterrand est allé bien au delà de ses espérances. Dans un deuxième temps je vous ferai remarqué qu’être l’épouvantail d’un échiquier politique n’induit pas une complicité entre l’épouvantail et les forces installées. Du moins pas forcément. Durant plusieurs décennies en Italie, entre les années 50 et les années 80-90, le Parti Communiste fut, pour le reste de la classe politique, l’épouvantail. Face au péril (réel ou fantasmé) du communisme, la DC et ses alliés ont adopté une stratégie de verrouillage des institutions, ceci avec les socialistes, dans la lignée de la tradition du Connubio. Exactement la stratégie de nos deux partis jusqu’à peu. En Italie les choses allèrent même encore plus loin avec la stratégie de la Tension qui visait à décrédibiliser le parti communiste, ceci en manipulant les néo-fascistes. Peut-on en déduire que le Parti communiste fut l’allié objectif voire même le complice de la droite italienne et lui en faire porter la responsabilité ? Donnez-moi donc votre avis sur la chose. C’est pourtant ce que vous faites concernant le Front National. C’est pour le moins très léger et peu convainquant.

     

    2) "Des signifiants disputés"

    Sans doute la partie la plus envolée et la plus stimulante intellectuellement de votre contribution. Et pourtant ici encore on peut trouver des failles inquiétantes dans votre argumentations.
    Vous commencez par intégrer le PS à un ensemble appelé la "Droite générale". Quelle est-elle ? Si l’on se base sur d’autres interventions de votre part on pourrait penser que vous considérez de droite les mouvements politiques libéraux. Le distinguo que vous établissez semble donc s’effectuer dans le champs de la pensée économique. Soit.
    Cependant quelques lignes plus bas vous rompez avec ces premières lignes et, passant de la question économique à la question des référents de valeurs, vous dressez une opposition aussi caricaturale qu’idéelle entre deux conceptions de la nation que vous essentialisez et absolutisez. Opposer le modèle républicain, avec son universalisme comme horizon d’idéalité et sa conception subjectivisée de l’appartenance à une nation au modèle anti-républicain de la nation comme entité organique et objectivisée est tout à fait juste, mais demeure un peu primaire, un peu "brut" délivré comme tel. Ce sont des concepts-types. Vous avez choisi, sciemment, de ne citer que deux expressions extrêmes de ces théories. Pire, vous vous permettez de mettre sur le même plan deux théories de la Nation qu’un siècle sépare. Sans prendre la peine minimale de restituer le contexte général, intellectuel et politique de l’émission de l’une et l’autre. Vous mettez ici la déontologie de l’historien à rude épreuve. Sauf à tomber dans l’instrumentalisation politicienne ou dans la polémique, toute réflexion sérieuse se doit de considérer un concept non comme un objet parfaitement autonome mais comme une production située dans le temps et l’espace.

    Or, et ceci me dérange vraiment dans votre article, à aucun moment vous ne prenez soin de rendre compte des transformations, bouleversements et recompositions des champs intellectuels et politiques français à la fin du XIXème siècle entre l’affaire Boulanger et la Grande Guerre. A cette occasion, les marqueurs identitaires de ce qui fait la gauche et de ce qui fait la droite se transforme en partie (bien que pas totalement). La pensée de Maurras se situe à ce moment, celui où une nouvelle droite émerge et réinvestit un concept surtout utilisé par la gauche. Tandis qu’à la gauche l’internationalisme se propage. Vous pouvez penser qu’une filiation directe lie les contre-révolutionnaires à Maurras, suivant en cela les travaux de l’historien Zeev Sternhell. Mais dans ce cas pourquoi ne pas citer plutôt Herder ou Burke plutôt que Maurras ? Hors le rapport traditionnaliste des contre-révolutionnaires à la nation n’induit pas nécessairement une posture défensive et aggressive, du fait de la place très importante du christianisme et de son message dans leurs écrits. Un siècle plus tard les maurrassiens sont catholiques par raison plus que de coeur. Vous négligez la capacité des objets Gauche et Droite à se redéfinir,se redéployer dans une relation dialectique d’opposition. Et vous le faites afin de présenter une image, mythique, de deux entités pures et absolument antinomiques et ceci depuis la Révolution française. Une lecture aussi tranchée que peu fondée historiquement barre la route à tout dialogue.

    Précisément, la Révolution française tient dans vos propos une place importante. Je pense que vous avez raison d’y voir l’acte de naissance de la France politique moderne (ceci ne rentrant pas en contradiction avec les lignes précédentes). Ceci dit vous ne rendez compte que d’une certaine vision, un certain discours. Première difficulté : la vision de Robespierre peut-elle être considérée comme celle de tous les révolutionnaires de l’époque ? On observe qu’à côté de cette vision de la Nation tournée vers l’avenir étaient présents des stratégies de légitimation qui tout à l’inverse reposaient sur des mythèmes identitaires, bien loin d’un discours révolutionnaire "de gauche" que vous simplifiez au possible. Ainsi le pamphlet de l’abbé Siéyès "Qu’est-ce que le Tiers-Etat" justifiait-il l’exclusion de la Nation des nobles sur une dichotomie de race entre ces derniers et le Tiers-Etat. Les nobles seraient descendants des francs et les hommes du Tiers descendraient des Gaulois. Mieux, Siéyès justifie cette démarche d’exclusion sur la nécessité des Gaulois de redevenir maîtres sur "leurs" terres au nom de l’antériorité de l’arrivée des Gaulois sur celle des Francs. Voilà bien une argumentation qui n’est pas sans rappeler Maurras et celle des identitaires actuels ! Et n’allez pas me dire que Siéyès ne fut pas révolutionnaire. Sans être ni montagnard ni robespierriste il fut conventionnel et régicide. Vous le voyez votre présentation antinomique de deux définitions de la Nation, quasi éternelles, relève bien plus d’une reconstruction habile de votre part que d’un constat rigoureux historiquement. Les choses sont comme bien souvent beaucoup plus complexes et nuancées.

    Par ailleurs on observe un décalage entre les discours les pratiques. Votre présentation de la vision de Robespierre est séduisante. Mais elle masque une autre réalité. Cette nation française en pleine naissance a dû lutter durement contre ses ennemis pour s’affirmer, s’imposer. Toute Révolution est guerre d’indépendance. Et là on retrouve la dichotomie Ami/Ennemi structurante et étudiée par Carl Schmitt. En 1794, en guerre face au reste de l’Europe, la France vit dans un climat xénophobe. On est bien loin de l’idéal universel que vous citez. On oppose le sans-culotte bien français et viril au contre-révolutionnaire efféminé et cosmopolite. Le cosmopolitisme est combattu comme contre-révolutionnaire. De même ordre est donné (il ne sera jamais appliqué) aux armées de mettre à mort les prisonniers de guerre anglais. Les révolutionnaires étrangers comme Anacharsis Cloots passent à la guillotine tandis que les montagnards constituent globalement le groupe dominant. L’historienne Sophie Wahnich a consacré une étude à ce paradoxe de la situation de l’étranger sous la Révolution : "L’impossible citoyen". Je vous invite vivement à lire ce livre majeur si vous ne l’avez déjà fait. Il met le doigt sur les apories d’un modèle qui joue tout à la fois sur le réinvestissement de religiosité autour du concept de Nation et sur l’horizon d’idéalité de ce même concept et donc sa dissolution annoncée.

     

    3) "Misère du mono-idéisme"

    Pour moi la partie la plus faible de votre billet. Somme toute vous construisez de toute pièce un concept verbiageux pour rendre compte de quelque chose d’assez banal en politique : le réalisme. Soit la capacité de hiérarchiser les problèmes et les solutions qui s’imposent pour les résoudre. Somme toute, dès lors que la politique se définit en premier lieu comme l’art de définir l’ennemi (mais peut-être n’êtes-vous pas schmittien), il s’agit de hiérarchiser les dangers. Vous voyez du fétichisme là où il n’a pas lieu d’être. Les accords de la gauche sur les politiques libérales menées par l’Europe ne s’expliquent pas par ce biais mais bien plutôt par un réalisme de type gestionnaire qui les pousse à accepter les lois iniques d’un système non démocratique par peur de l’effondrement d’un système qui les fait vivre. Gauche et Droite se sont convertis au libéralisme et donc à l’Europe sur les ruines des idéologies alternatives du XXème siècle. Ils sont incapables de penser l’alternative. Pire, pour eux cet effondrement d’une structure politique équivaudrait à un retour à une forme d’état de nature entre les nations. Ils s’allient donc contre l’ennemi commun : la transformation radicale des modalités de réglementation et de domination politique. Votre concept de mono-idéisme est assez peu convainquant.

    Dans votre deuxième sous-partie de cette partie vous placez sur le même plan Nicolas Dupont-Aignan et le Front National. Voici qui est bien curieux. Votre dualisme extrême vous oblige à ignorer la pluralité des droites existantes en France. Notamment ici vous oubliez un fait essentiel et structurant dans la vie politique française et ceci depuis bien longtemps : l’existence d’une droite gaulliste. Certes les débats furent vifs sur ce point entre René Rémond et Zeev Sternhell mais mettre dans le même sac les enfants de Maurras et ceux de De Gaulle relève d’un curieux numéro d’équilibriste. La conception de la Nation chez les gaullistes est plus proche de celle des fils de Robespierre. On peut même se demander si se n’est pas la droite qui est passée à gauche en acceptant la République, le jeu parlementaire et l’héritage de la Révolution. Ceci à la fin du XIXème siècle, reléguant la droite précédente dans les marges d’une droite radicale extra-parlementaire.
    Toujours est-il que mettre sur le même plan Marine Le Pen et Nicolas Dupont-Aignan est une manœuvre grossière. Dans un entretien récent l’historien Michel Winock rappelait la filiation idéologique différente et même opposée de ces deux personnalités politiques.

    Et justement tout ce que vous reprochez au Front National ce n’est pas un point précis de son programme, non, vous appuyez sur le fait qu’il est "raciste", reprenant ici les critiques les plus stériles du personnel politique opposé au Front National. Stratégiquement, votre accusation n’est plus très efficace... Et même si l’on choisit de s’y attarder un peu on constate que vous traitez le Front National, dans tout votre article d’ailleurs, comme un bloc homogène. C’est tenir peu de cas des tensions multiples qui traversent ce partis en ce moment. Tensions qui le rendent tout à fait incapable de prétendre gérer un pays tant les modalités de réglementations des conflits dans ce conflits reposent sur un pur rapport de force familial. Bien entendu il serait aventureux de penser que le FN a totalement changé. Cependant l’arrivée de nombreux souverainistes de gauche avec Philippot ainsi que de profils comme celui du gaulliste Paul Marie-Couteaux (depuis éliminé) semble indiquer que plusieurs familles aux héritages divers cohabitent dans cette grosse PME familiale assez attrape-tout qu’est devenu le FN. Permettez-moi de prendre un exemple que je trouve révélateur. Lors de la Manif pour Tous le FN est parti en ordre dispersé. Au fond toute une partie de ce parti a refusé de s’opposer au mariage pour tous tandis que l’autre partie (derrière Marion Maréchal Le Pen) a choisi de s’y opposer vivement. Clairement à cette occasion les fractures internes ont été mises à jour.

    Or, je pense que pourriez en convenir, un parti héritier de Maurras et des valeurs portées par sa tradition, aurait lutté de toutes ses forces contre un tel projet de loi. On observe depuis quelques années d’ailleurs un mécontentement croissant des milieux liés au FN à l’ancienne. Pour eux le parti est passé "à gauche". Ainsi, le FN ne met-il pas en avant les thèmes chers aux identitaires tel que le Grand Remplacement, la défense de la Civilisation... Stratégie me répondrez-vous ? De la part de Marine Le Pen peut-être, mais il semble plus compliqué d’imaginer Florian Philippot, au vu de ses engagements passés et de sa vie, comme un maurassien identitaire dissimulé. Au fond deux voies semblent s’offrir à ce parti : celle de Marion et celle de Florian, avec Marine comme maîtresse de maison distribuant les points et infléchissant son discours au gré des situations.
    Votre analyse me paraît donc ici aussi bien faible. L’opprobre que vous jeté sur les gaullistes souverainiste de droite est non seulement infondé mais mensonger au regard de l’histoire. Quant à Jacques Sapir, au fond il n’a jamais parlé que de liens possibles dans l’avenir avec le FN sur certaines questions tout en précisant que cela dépendait de la voie que prendrait ce parti. Ceci n’engage que peu et reconnaissons que la perspective d’une recomposition du FN autour de Philippot dans une filiation crypto-gaulliste, sans être très vraisemblable, n’est pas impossible.

     

    4) "Le jugement de l’histoire"

    Ici votre argumentation repose d’avantage sur des présomptions et des incantations que sur une analyse apaisée de la situation. Tout d’abord vous nous présentez comme une fatalité le passage d’un individu à l’extrême-droite et ceci définitivement dès lors qu’il commence à dialoguer avec elle. "Fatalité résistible", fondée sur de "trop nombreux nombreux témoignages" dite-vous. Peut-être pensez vous à l’ouvrage de Philippe Burrin sur la dérive fasciste et à ses protagonistes : Déat, Doriot et Bergery. Certes, mais ce n’est nullement une fatalité. Je vais vous citer quelques noms d’hommes d’extrême-gauche ayant dialogué avec l’extrême-droite et qui n’ont pas succombé à la "tentation" si je puis dire voire même de ceux qui sont passés à l’extrême-droite puis sont revenus à l’extrême-gauche.

    En 1911 fut fondé le Cercle Proudhon qui a permis à des socialistes révolutionnaires (Georges Sorel, Édouard Berth => son disciple) de dialoguer avec des maurrassiens de l’Action française. L’histoire de ce cercle est méconnue mais elle est pourtant éclairante. Sorel et Berth ne sont pas pour autant tombé dans le maurrassisme loin de là puisqu’ils ont plus tard salué la Révolution bolchevique. Signe qu’on peut dialoguer avec d’authentiques membres de la droite radicale (et Maurras en était un) sans se renier Monsieur Lordon. Exemple plus frappant encore ! Celui de Georges Valois. Anarchiste dans sa jeunesse, il adhère ensuite à l’Action française puis fonde en 1926 le premier parti fasciste de France : le Faisceau. Dans les années 1930 il retourne à gauche et se rapproche de Marceau Pivert, le leader de l’aile gauche de la SFIO (proche de certains trotskistes). Georges Valois est mort dans un camp de concentration nazi en 1945, comme tant d’autres héros morts pour la France. Dernier exemple : Paul Nizan. Dans les années 20 il adhère à l’Action française puis se rapproche du Faisceau de Georges Valois. A l’époque il admire le fascisme italien. Pourtant dans les années 1930 il devient membre du Parti Communiste et écrit son célébre livre sur les Chiens de garde. Son passé fasciste est moins connu de nos jours.
    Tous ces exemples Monsieur pour bien montrer qu’il n’y a aucune fatalité à chuter et à rester à l’extrême-droite quand on dialogue avec elle. Vous pouvez donc dormir sur vos deux oreilles Monsieur Lordon, Monsieur Jacques Sapir n’est pas condamné à devenir maurrassien en dialoguant avec Nicolas Dupont-Aignan ou même avec Marine Le Pen.
    Ces contre-exemples viennent infirmer ce que vous nous présentez comme une véritable loi dans le domaine de la politique. Le dialogue n’implique pas le reniement et la capitulation, simplement l’acceptation que les arguments du contradicteur valent la peine d’être discutés, affinés, appuyés ou contredites. Ce serait faire insulte à Monsieur Jacques Sapir que de le croire incapable de défendre ses propres idées.

     

    5) "Egaré pour rien"

    Là votre trame argumentative s’enrichit d’une perspective nouvelle et d’une approche spécifique. Cette perspective c’est celle du renoncement du FN à tenir ses promesses de manière volontaire. Votre approche, c’est celle d’une essentialisation du concept de "Capital", je suppose dans une acceptation marxiste la plus rigide. Pour ce qui est de la capacité du FN à tenir ses promesses l’exemple d’Alexis Tsipras nous montre que la bonne volonté ne suffit pas. Mais oui vous allez plus loin, pour vous le FN est néo-corporatiste. Vous êtes au moins cohérent avec le début de votre post. L’Action française avait sur le plan économique un positionnement corporatiste marqué, je vous l’accorde. Mais là où le bas blesse c’est que pour tirer une conclusion aussi convaincue du vrai programme du FN (d’ailleurs quel texte officiel récent produit par ce parti pourrait le laisser penser ?) il faudrait déjà prouver qu’il est l’héritier de Maurras et juste de Maurras. Et là les faiblesses de votre analyse au point précédent se répercutent à ce niveau de votre développement. Que faire des nouveaux profils du FN tels que Philippot ? Serait-il corporatiste lui aussi ? De plus, là encore les idées changent. Si Maurras était corporatiste dans les années 30, ne peut-on envisager que ses héritiers aient abandonné cet aspect de sa pensée ? Tous les marxistes n’adhèrent plus à l’économiciste du Marx de la maturité (par exemple feu le philosophe marxiste italien Costanzo Preve que je vous invite à lire). Si les idées s’affinent et peuvent se transformer chez les héritiers de Marx, pourquoi pas chez ceux de Maurras ?

    Vous parlez également du capital comme d’un sujet agissant de manière coordonnée, rationnelle. Alors peut-on inclure le petit patronat sous un tel concept ? Nous avons, à ma connaissance, un dense tissu de PME en France. Je vous laisse la possibilité ici de me réfuter vous devez mieux le savoir que moi. Mais il s’agit d’un réseau éclaté peu susceptible d’agir en commun. Dans le passé, peu de régime ou de partis ont été soutenus par l’action concertée, économique notamment, des petits patrons (ce qui ne veut pas dire que ces derniers n’aient pas des préférences politiques).
    Alors il s’agit du grand patronat ? Celui qui a financé les fascistes italiens (Confindustria, Confagricoltura) et les nationaux-socialistes. Là encore votre incantation pour laisser croire à une situation pas si éloignée de celle des années 1930 tombe à l’eau. Lénine a écrit un très beau livre sur l’impérialisme et ses relations avec les logiques du capitalisme. Dans ces années le grand patronat recherchait une protection de son marché intérieur, garantie par le protectionnisme voire l’autarcie des régimes fascistes. De plus, l’impérialisme agressif et colonialiste des fascismes assurait à ces entreprises des situations de monopoles sur des espaces sauvegardés. A l’époque les modalités de déploiement de l’autorité étatique et de la domination monopolistique pouvaient parfaitement concorder.
    Mais une analyse rigoureuse de votre part aurait exigé une étude des dynamiques propres au capitalisme de nos jours et aux nouvelles formes d’impérialismes.
    Premièrement nous sommes, je crois, passé à un nouveau stade de l’expansion du capitalisme et de ses modalités d’action que Lénine n’avait pas perçu. Désormais les entreprises ne sont plus liées à des états, à des pays, elles sont trans-nationales. Elles jouent sur la globalisation et sur la parfaite libéralisation du marché des capitaux et sur la possibilité de mondialiser le processus productif lui-même, profitant des différences de législation et de niveau économique. Aujourd’hui plus besoin pour nos multinationales d’une conquête coloniale sur fond d’idéologie nationaliste pour se déployer et réaliser le maximum de leur profit. Bien au contraire... Nos multinationales profitent de notre système libéral européen et du discours dominant sur le développement économique des pays pauvres pour s’implanter mondialement. Comme Carl Schmitt l’avait bien compris, les nouvelles guerres asymétriques et le discours mondialiste dominant faisant de la croissance économique le but à rechercher à tout prix font le jeu de ce système capitaliste et lui permettent de diversifier et de complexifier son logiciel de domination.

    Or ceci nécessite une libre circulation dans tous les domaines, y compris humains. La position du grand patronat allemand est significative à cet égard, il appelle à favoriser l’immigration, du moins pour peu qu’elle soit qualifiée. L’"Immigration choisie" sarkozyste est l’ultime avatar de cette posture libérale et cynique. A l’inverse je ne vois pas en quoi de nos jours le grand patronat aurait à se réjouir d’une venue au pouvoir du FN (pour le petit patronat c’est différent mais à travers le concept de capital je pense que vous parlez du grand patronat). Un parti qui aujourd’hui fait du protectionnisme et ferme les barrières migratoires d’un pays, mettant fin à la globalisation, va ainsi à l’encontre des intérêts du grand capital. Ce dernier l’a bien compris et le MEDEF a une position beaucoup plus dure envers le FN qu’envers... le PS. A moins que vous ne pensiez que le FN s’aligne sur une politique libérale, européenne et favorable à la globalisation et fera même dans la défense d’une "immigration choisie". Mais dans ce cas en quoi serait-il encore d’extrême-droite ? Il deviendrait un parti comme les Républicains ou le PS... Très décevant certes pour ceux qui auraient cru en lui mais finalement nous avons déjà ces gens au pouvoir.. Non, la grande faille de votre argumentation est que vous essayez de nous faire croire que grand patronat et extrême-droite partagent les mêmes intérêts. Ce qui pouvait être vrai dans les années 1930 ne l’est plus aujourd’hui.

     

    6) "A gauche, et à gauche seulement"

    Pour finir voici vos espoirs, ce que vous nous proposez. La voie semble bien étroite permettez-moi de vous le dire. Vous en appelez à une alternative bien à gauche. Encore s’agirait-il de proposer une définition développée et argumentée de ce qu’est la gauche pour vous. Votre appel à Robespierre s’avère, comme je l’ai développé plus haut, assez faible sur le plan intellectuel, d’un manichéisme intéressé.
    Vous citez Tsipras et son parti Syriza, vous semblez
    appuyer le travail qui fut le sien jusqu’à son renoncement. Dois-je vous rappeler que tout ce travail ne fut possible qu’avec l’alliance précisément des souverainistes de droite grec (les Grec Indépendants). Oui, les alliés de Nicolas Dupont-Aignan. Celui-ci même que vous rangez avec mépris dans le même sac que les héritiers de Maurras. Voilà une bien étrange démonstration que la votre qui, pour défendre une alternative à gauche et à gauche seulement, prend pour exemple un parti alternatif de gauche qui a accepté non seulement de dialoguer mais de s’allier avec un parti de droite. Votre exemple va à l’encontre de ce que vous entendez démontrer. Vous rendez vous compte seulement de l’incohérence d vos propos dans cette partie ? Prendre pour exemple une stratégie qui est l’inverse de celle que l’on défend relève ni plus ni moins du masochisme intellectuel et politique.
    Concluons. Vous vous plaignez à la fois de la posture internationaliste des partis d’extrême-gauche qui empêche de permettre un retour à un niveau politique de décision national afin de battre en brèche la volonté politique libérale de nos élites européiste. Dans le même temps vous accusez également le PS d’avoir abandonné la gauche. Puis vous vous attaquez à Jacques Sapir et à ceux qui prônent un dialogue ou un rapprochement avec les souverainistes de droite tout en citant comme exemple de votre stratégie jusqu’au-boutiste un parti qui a choisi précisément l’alliance avec un parti de droite.

    Quand on observe la situation des forces politiques en France aujourd’hui, autour de trois pôles : PS, LR, FN dont deux (PS, LR) partagent les mêmes valeurs, quand on observe l’état de la gauche critique, divisée et morcelée, on peut vite en conclure que votre post , qui refuse jusqu’au dialogue avec des néo-gaullistes comme Dupont-Aignan, ne peut aboutir qu’à une seule situation : le renforcement du contrôle des deux partis dominants sur la situation politique.
    Je me permets en conclusion de vous rappeler une conférence où vous souteniez la "politique du pire" en appelant à voter pourquoi pas UMP plutôt que PS. Permettez-moi de vous faire remarquer que votre politique du pire est assez fade et très loin de ce qu’elle désigne réellement. Faire la politique du pire c’est croire au chaos régénérateur, penser qu’un effondrement total des mécanismes politiques des règlements des conflits permettra une perte dans le monopole dans la violence et ainsi à des forces radicales de se retrouver en situation de force. Ce fut la stratégie des contre-révolutionnaires français au début de la Révolution qui ont aidé les Jacobins contre les Feuillants. Certains ont payé par la suite de leur vie cette stratégie dangereuse. Votre version de la politique du pire n’est rien d’autre qu’un appel à l’alternance dans l’espoir (vain car nos institutions font que les partis modérés se renforcent dans l’alliance avec les plus radicaux) d’un renversement du rapport de force entre PS et gauche de la gauche. Il s’agit d’une petite combinaison politicienne pas d’une authentique "politique du pire".

    J’espère que ces lignes vous parviendront. Ne prenez pas ombrage de leur ton parfois passionné.

     

     


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  • Commentaires

    1
    Vendredi 28 Août 2015 à 12:59
    Utile contribution de Lordon qui n'est pas dupe de l'opération de relooking de Marine Le Pen. Îl suffit d'ailleurs de lire les tweets et les articles des Identitaires pour mesurer combien il n'y a que les naïfs qui pensent que le FN n'est plus d'extrême droite.
    Le FN promeut un capitalisme national, ce qui signifie que ce seront les classes possédantes qui domineront toujours et les autres qui seront exploitées.
    Je ne défends ni le capitalisme de la mondialisation à la sauce euro, ni le capitalisme national, je combats les deux.

    Enfin, faire confiance à l'extrême droite ou ne pas mesurer sa dangerosité, ça rappelle forcément de mauvais souvenirs.
    2
    Vendredi 28 Août 2015 à 19:43

    Lordon accrédite l'idée selon laquelle Sapir appellerait à s'allier au FN. Ce qui est faux.

    Par ailleurs, Le problème n'est pas que le FN promeuve un capitalisme national, c'est le risque qu'il fait courir pour la cohésion nationale en stigmatisant une partie des français.

    Certains libéraux de gauche à la Montebourg, tout comme la droite gaulliste défendent un capitalisme national. Il faudra faire alliance avec des gens comme eux dans la lutte qui vient contre les libéraux fédéralistes européistes.

    Il n'y aura que deux camps et vous devrez choisir.

     

    3
    Alexandre Tzara
    Vendredi 28 Août 2015 à 20:16

    Monsieur, 

     

    Je vous remercie vivement d'avoir eu la gentillesse de publier ma réponse à l'article de Frédéric Lordon sur votre blog. J'en suis très touché. Bien entendu vous pouvez la faire circuler. 

    Je ne connaissais pas votre blog. Je vais dès aujourd'hui le suivre. 

    Cordialement,

     

    Alexandre Tzara 

    4
    Samedi 29 Août 2015 à 00:53
    GdeC

    il n'apparait qu'aveec trop d'évidence que le combat que je mène contre l'Xdroite n'est pas quant à toi ta ligne de positionnement. Mais à ne vouloir pas voir, on se rend aveugle. Sapir a très clairement dit qu'il ne rechignerait pas une alliance avec l'Xdroite pour la seule raison qu'il est pour la sortie de l'euro, médiocre raison, qui ne devrait pas lui suffire, même en focntion de ses propres critères. En outre, il convient de rappeler qu'il prône actuellement un rapprochement avec Dupont Aignan, dont il va jusqu'à dire dans un tweet qu'il est "plus à gauche que certain"... C'est tout dire. Un grs qui a fait savoir qu'il ne verrait aucun inconvénient à nommer MLP comme ministre.. voilà voilà, a boucle est bouclée. Et donc, nous n’aurions pas compris... Tu finiras seul dans ce cul de sac idéologique je crois.  Il est indéfendable. Sapir dérive, comme bien 'autres, c'est un fait. En outr, faire aussi aveuglément confiance à quelqu’un qui à ce que je sache est économiste, et non sociologue, et n'a aucune vision sociétale autre que sa seule sacro-sainte sortie de l'euro, c'est bien là se fourvoyer.

    5
    Alexandre Tzara
    Samedi 29 Août 2015 à 02:39

    Lutter contre l'extrême-droite est une chose... Encore s'agit-il d'avoir conscience de ce qui la caractérise, des recompositions qui peuvent l'affecter et des transformations qui peuvent être la sienne. Entre le début du XIXème siècle (De Maistre) et le début du XXème (Mussolini), l'"extrême-droite" a tout de même évolué dans une relation dialectique avec l'extrême-gauche, la gauche et la droite. 

    Jacques Sapir propose de lutter contre le libéralisme qui est la drogue des partis au pouvoir. L'enjeu est de savoir si la lutte contre le libéralisme permet de s'allier avec la droite anti-libérale. En fait il s'agit d'une hiérarchisation des problèmes. C'est là le principe du réalisme politique. Au XXème siècle communistes et libéraux se sont alliés contre le fascisme. En dépit de leurs visions du monde opposées. Désigner l'ennemi (Carl Schmitt) avant toute chose, et ensuite construire. 

    Actuellement nous sommes dans un jeu à trois blocs. Une gauche anti-libérale/libertaire; un bloc dominant  libéral/libertaire (mariage pour tous, avortement, divorce => un vrai conservateur à l'ancienne n'accepterait pas cela) et une droite anti-libérale/anti-libertaire. Il me semble que vu la situation des forces de la gauche de la gauche refuser ne serait-ce que de dialoguer avec les anti-libéraux de l'autre rive ne peut que renforcer les logique de recentrage des forces politiques. On va vers un modèle nordique avec un centre-gauche et un centre-droit et pas d'alternative... Quand aux méthodes "révolutionnaires", la Révolution ne se décrète pas, la Révolution française s'est faite (au début du moins) sans révolutionnaires (cf Timothy Tackett). 

    Il semble que pour vous la menace principale soit l'extrême-droite. Soit, mais je crains que dans notre conjoncture ce réflexe ne renforce le PS, le vote utile et les "fronts républicains" avant toute chose. Désigner comme ennemi principal le libéralisme ne revient pas à se renier et à passer à l'extrême-droite, les exemples historiques existent, je les cite dans ma contribution (pensons tout d'abord à Georges Sorel). 

    6
    Alexandre Tzara
    Samedi 29 Août 2015 à 02:54

    Je ne peux que vous conseillez de consulter les écrits du philosophe marxiste italien Costanzo Preve mort récemment et qui avait accepté de dialoguer avec Marco Tarchi. Preve était en quête de réponse face au nouvel ordre de domination. Il a contribué à développer une pensée originale à partir de Marx, une forme communautarienne de marxisme. Pour ce faire il a discuté de cette notion avec des penseurs de droite comme Tarchi et les a même convaincu de revoir leur jugement sur Marx. 

    En Italie ces choses sont possibles et Costanzo Preve fut respecté jusqu'à la fin, pas ostracisé. En France il est étonnant que le cloisement des groupes de pensées soit si étanche. 

    7
    Alexandre Tzara
    Samedi 29 Août 2015 à 02:55

    Un de ses éléves poursuit son oeuvre: Diego Fusaro. Je me désole qu'en France aucun marxiste ne connaisse Costanzo Preve qui était relativement célébre en Italie. 

    8
    Samedi 29 Août 2015 à 11:49
    GdeC

    Si pour toi l'ennemi est davantage le ps que l'Xdroite, nous n'avons plus rien à nous dire. Ton verbiage ne masque que ta compromission.

    9
    Samedi 29 Août 2015 à 11:53

    @ Gdc

    La xénophobie et l'islamophobie est certes une terrible menace pour la société française.

    Mais en désignant le FN comme ennemi principal, vous prenez le symptôme pour le mal.

    Nos adversaires doivent être l'UMPS qui ont conduit à la situation catastrophique dans laquelle nous sommes. Il faut combattre leurs idées : le libéralisme, le libre échange, l'européisme. Nous devons réhabiliter la nation, la souveraineté, la démocratie, le socialisme (ce que fait très bien Lordon fort heureusement).

    Le FN s'est développé sur l'abandon par la gauche de ces valeurs.

    Quant à l'alliance avec la droite gaulliste et souverainiste, elle est une nécessité. Reste à savoir qui représente ce courant en France. Certainement pas le FN aujourd'hui. La question de l'évolution à terme de ce parti reste posée. Et ni vous ni moi ne connaissons l'avenir.

    10
    Samedi 29 Août 2015 à 11:56
    GdeC

    je te laisse à ton soliloque. Face à un tel conditionnement idéologique, je ne peux plus rien faire pour toi. tu es hermétique.

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      Commentaire :


    11
    Samedi 29 Août 2015 à 12:03

    @Gdc

    [Si pour toi l'ennemi est davantage le ps que l'Xdroite, nous n'avons plus rien à nous dire. Ton verbiage ne masque que ta compromission.]

    Vos alliés socialistes au pouvoir sont en train de signee le TAFTA, traité de libre échange avec les Etats-Unis.

    Savez-vous ce que cela signifie pour la société française ? pour la démocratie ?

    L'accession au pouvoir du FN ne sera que la suite logique de cette catastrophe. Il sera temps alors de combattre ce parti.

    Mais tant que le FN n'est pas au pouvoir, il ne doit pas être l'adversaire principal. Ne faisons pas le jeu du système UMPS.

    12
    Alexandre Tzara
    Samedi 29 Août 2015 à 15:28

    @GdeC: Alors là vraiment je suis assez déçu. Vous venez ici pour faire part de votre désaccord et dès que l'on entame avec vous une discussion argumentée pour ouvrir un dialogue, confronter de manière respectueuse nos points de vue vous bottez en touche et vous préfèrez vous en aller avec dédain...

    L'enjeu n'est pas de savoir si, dans l'absolu, il vaut mieux s'allier avec des libéraux de gauche contre des anti-libéraux de droite ou l'inverse. Il s'agit, là encore, de comprendre les évolutions et le redéploiement de ces courants et d'établir une priorité de lutte. On peut constater que la violence libérale, symbolique comme plus concrète, s'exerce de manière directe. C'est même un système de domination économique et politique en pleine complexification et renforcement de ses capacités. A l'inverse le danger de la droite anti-libérale en cas de dialogue apparaît bien comme une projection, le plus souvent relevant d'un discours mobilisant les exemples fascistes du siècle précédent. Cette projection mériterait déjà d'être questionnée pour comprendre dans quelle mesure elle est d'actualité, comme je l'écris dans ma réponse à Frédéric Lordon que je ne suis même pas sûr que vous ayez lu. 

    Ensuite, un dialogue voire même une alliance très conjoncturelle n'est pas une alliance visant à prendre le pouvoir ensemble, juste à faire tomber celui en place. Dès lors que Sapir parle surtout des néo-gaullistes comme Dupont-Aignan il est encore plus saugrenu de mobiliser les exemples du fascisme... 

    A la limite que vous soyez dédaigneux à mon égard je m'en moque, mais je trouve assez bête que vous n'essayez même pas de sauver ce que vous devez considérer comme des brebis égarées. Je vous ferai remarquer que de se complaire dans une pureté à la fois idéologique et politique me semble être un cul de sac bien terrible. N'oubliez pas les leçons d'Antonio Gramsci (un autre philosophe marxiste italien): la victoire politique passe aussi par la victoire culturelle. Avec des postures pareilles, vous êtes en train de perdre ce combat culturel. Cela fait trente ans que la gauche critique recule sur ce terrain. On ne peut pas s'en réjouir. Car ce sont les néo-libéraux qui en profitent. 

    13
    RST
    Dimanche 30 Août 2015 à 15:59

    @Alexandre Tzara

     

    Vous n'avez pas compris que dans "Gauche de Combat" le mot le plus important c'est "Combat". Ce genre d'individu n'est intéressé que par une chose : combattre tout ceux qui ne pensent pas comme lui. Le dialogue ne l'intéresse absolument pas. Il est incapable de prendre en considération un argument qui ne va pas dans son sens. Tous ceux qui n’acquiescent pas à ses propos sont ses ennemis. Il n'est pas là pour dialoguer, il est là pour prêcher "la vérité" et débusquer les hérétiques.
    C'est grâce à ce genre de comportements que l'on comprend mieux comment des gens à priori normaux ont pu commettre des abominations, persuadés qu'ils étaient d'être des missionnaires appelés à sauver l'humanité.

    14
    Alexandre Tzara
    Dimanche 30 Août 2015 à 19:57

    @RST: Je vous remercie monsieur, de pointer le doigt sur un des problèmes majeurs de la gauche critique, le sectarisme. La notion de combat est noble, pour peu qu'on ne combatte pas aveuglement. Je n'ai rien contre l'idée de lutter contre l'extrême-droite, encore s'agit-il de définir laquelle (elle est plurielle comme la gauche radicale) et d'établir une hiérarchie des priorités. 

    Hélas Monsieur Jacques Sapir vient butter sur des individus qui ne prennent pas la peine de questionner les catégories qu'ils utilisent... J'ai lu votre article sur votre blog et j'en partage l'esprit. Si tous pouvaient avoir votre ouverture d'esprit ! 

    Tiens d'ailleurs, Jacques Sapir lui-même tient à remercier ses soutiens dans un billet paru cette après-midi que je invite à consulter. 

    15
    Mardi 1er Septembre 2015 à 00:26

    Cette aventure grecque va permettre de clarifier la situation.

    Il y a deux gauches : non pas les "radicaux" front de gauche contre les "modérés" du PS ; mais les internationalistes révolutionnaires auxquels la nation fait horreur, et les républicains de gauche qui pensent que toute révolution est une lutte d'indépendance.
    Les premiers ont une communauté de pensée avec la sociale démocratie fédéraliste, les autres sont prêts à des alliances avec la droite souverainiste gaulliste.
    Bref, le temps est venu  du divorce au sein de la gauche "radicale".

    16
    Nissart
    Samedi 5 Septembre 2015 à 15:54

    Je trouve le débat légitime, par contre je ne vois pas l'utilité de la troisième intervention reproduite qui sert à démonter l'article de Lordon, avec de bien faibles arguments en plus. Par exemple sur la nation, je ne sais pas ce que l'auteur a voulu faire comme démonstration, mais c'est loupé.


    Lordon explique seulement qu'il y a la nation de gauche, révolutionnaire, et celle de droite. Il dit qu'il faudrait réhabiliter la première pour combattre la seconde. Je ne vois pas en quoi le fait que les deux aient été pensées à un siècle d'écart change quoi que ce soit au propos, vu que ce qu'il met en lumière c'est qu'il faudrait qu'actuellement l'on réhabilite la première contre la deuxième (dans une opposition synchronique). Il ne fait pas un retour diachronique sur l'émergence de l'une et de l'autre.


    Exemple  : "Première difficulté : la vision de Robespierre peut-elle être considérée comme celle de tous les révolutionnaires de l’époque ?"
    Je ne vois pas en quoi c'est intéressant, dans le cadre de ce débat, de poser la question, puisque Lordon explique bien qu'il prend pour sa démonstration - donc qu'il choisit comme modèle pour la gauche, comme modèle national qu'il faut réhabiliter - celle de Robespierre. Qu'est ce qu'on s'en fout que Siéyès en ait proposé une quelque peu divergente, les Girondins aussi en avaient une différente, et alors ? En clair, Lordon ne dit pas que celle de Robespierre résume la pensée de tous les révolutionnaires, il ne pose même pas le débat, il prend juste une conception de gauche de la nation qui date de l'époque révolutionnaire et qu'il pense idoine pour la gauche contemporaine.

    C'est un exemple parmi d'autres de vouloir développer des idées qui sont censées "révéler les approximations et les omissions" qui sont en fait des éléments dont Lordon ne parle même pas...

    17
    Nissart
    Samedi 5 Septembre 2015 à 16:19

    Autre exemple paragraphe suivant : "Et justement tout ce que vous reprochez au Front National ce n’est pas un point précis de son programme, non, vous appuyez sur le fait qu’il est "raciste", reprenant ici les critiques les plus stériles du personnel politique opposé au Front National. Stratégiquement, votre accusation n’est plus très efficace... Et même si l’on choisit de s’y attarder un peu on constate que vous traitez le Front National, dans tout votre article d’ailleurs, comme un bloc homogène."

    Là l'auteur se fourvoie encore car que dit Lordon : "Que, par exemple, le Front national – ses errances idéologiques en matière de doctrine économique et sociale l’attestent assez – ait pour seul ciment véritable d’être un parti raciste, que la xénophobie soit l’unique ressort de sa vitalité, la chose ne sera pas considérée par le souverainisme de la sortie de l’euro quand il se fait mono-idéisme.".

    Voilà très clairement, il explique bien que le FN est un parti dont le SEUL ciment est le racisme, donc ce qui sous-entend bien qu'il considère toutes les tendances, mais qu'il précise bien que celles-ci sont cimentées en un seul parti par le partage d'une idée fondamentalement raciste. Là est la partie heuristique de l'argumentation de Lordon, ce n'est pas qu'il dit simplement que le parti est raciste (d'ailleurs ce n'est pas parce que tout le monde le dit que c'est faux et que ça ne doit pas être reprécisé à chaque fois), mais que le ciment principal du parti est le racisme.

    Cela permet de revenir à la question de départ, Sapir a fait une erreur pour moi en s'adressant aux partis. Je pense qu'il devrait plutôt s'adresser aux ELECTEURS de Dupont-Aignan et du FN en essayant, par exemple envers l'électorat populaire qui vote au FN (et pouvait voter communiste avant), de faire valoir une position de gauche pour la sortie de l'euro.

    18
    Samedi 5 Septembre 2015 à 20:31

    "Qu'est ce qu'on s'en fout que Siéyès en ait proposé une quelque peu divergente, les Girondins aussi en avaient une différente, et alors ?"

    Sapir partage probablement la conception de la souveraineté que développe Lordon. Mais Sapir pense que l'alliance est naturelle  entre souverainistes des deux bords ce qui lui vaut d'être excommunié par Lordon et d'autres à gauche.

    L'exemple révolutionnaire montre que des conceptions différentes de la souveraineté peuvent cohabiter dans un front commun pour renverser la monarchie.

    "Voilà très clairement, il explique bien que le FN est un parti dont le SEUL ciment est le racisme, donc ce qui sous-entend bien qu'il considère toutes les tendances, mais qu'il précise bien que celles-ci sont cimentées en un seul parti par le partage d'une idée fondamentalement raciste."

    C'est le point clé du débat. Sapir considère qu'il y aurait une partie du FN, d'obédience gaulliste et fondamentalement non raciste, susceptible d'être ralliée à terme dans un front commun.

    Je serais enclin à penser que dans le cas où un front anti-euro se constitue, certains cadres et militants du FN (seconde génération) seraient tentés d'y participer à titre individuel. La question se poserait de l'attitude à avoir à leur égard. Pour ma part je considère qu'il faudrait les accueillir à bras ouverts, sans considérer leur racisme supposé comme un élément indélébile. Autrement dit, les militants d’extrême droite n'ont pas toujours été d'extrême droite et peuvent faire le chemin inverse.

     

    19
    Alexandre Tzara
    Samedi 5 Septembre 2015 à 21:20

    @Coma81: Je partage tout à fait vos propos ci-dessus. Que Nissart considère votre réponse comme la mienne propre.

    20
    Pierre M. Boriliens
    Dimanche 6 Septembre 2015 à 03:27

    Bonsoir,

    Je voulais faire une critique point par point de votre article, mais j'y ai renoncé. Parce que contrairement à Lordon, vous utilisez beaucoup trop d'approximations conceptuelles, qui vont parfois jusqu'aux contre-vérités historiques. Vous l'avouerais-je ? J'ai même calé quand vous avez cité Sophie Wahnisch, qui serait certainement la première à démolir vos arguments et de belle manière, encore...

    Je me bornerais donc à partager complètement l'avis exprimé dans les commentaires 16 et 17 de Nissart...

    21
    Impressionnée
    Dimanche 6 Septembre 2015 à 11:55

    Bonjour, 

    Je suis impressionnée par le texte de monsieur Tzara sans pour autant savoir encore quoi en penser. Il faut que j'y réfléchisse. Ne seriez-vous pas prof d'histoire, autrement ?

    Bon, en fait je ne commente jamais les blogs mais là, je le fais pour une raison bien précise. J'aimerais savoir où l'on peut trouver le texte de Michel Winock dont il est ici question. J'espère que quelqu'un me répondra. 

    Cordialement

    22
    Alexandre Tzara
    Dimanche 6 Septembre 2015 à 15:45

    @Pierre.M Boriliens: Votre critique est pour le moins déconcertante. Comment me défendre face à une accusation d'approximation conceptuelle et de contre-vérités historiques absente de toute justification et développement ? Je vous ferais remarquer que Coma 81 a très bien répondu aux deux critiques de Nissart. 

    Quant à Madame Sophie Wahnich n'ayez crainte je ne prétendais pas qu'elle fût du même avis que moi sur l'orientation générale de mes propos. Cependant, je me suis contenté de citer son ouvrage issu de sa thèse afin d'indiquer à Monsieur Lordon que contrairement à ce qu'il prétend le discours robespierriste sur la nation n'est pas sans contradictions et difficultés. A partir du moment où une nation est en guerre contre d'autres afin de défendre son existence et son modèle, les plus sacro-saints principes d'ouverture à l'autre et d'universalisme s'en retrouvent mis à mal. La logique politique schmittienne de l'affrontement ami/ennemi reprend ses droits. L'ouvrage de Madame Wahnich sur les étrangers sous la Révolution pointe cette difficulté mais elle refuse pour autant d'en tirer toutes les conséquences quant à l'efficience pratique de ces principes érigés en système. C'est tout ce que je voulais dire. 

    Quant à savoir si elle aurait démoli mes arguments de la plus belle manière, là encore vous brodez, nul ne le sait en tout état de cause pour l'instant. 

    23
    Pierre M. Boriliens
    Dimanche 6 Septembre 2015 à 23:18

    Quel est le rapport entre l'attitude par rapport à la destitution de Louis XVI et la question de la souveraineté nationale qui nous occupe ?

    Par exemple...

     

    24
    Alexandre Tzara
    Lundi 7 Septembre 2015 à 00:01

    @Pierre M. Boriliens: Je vous remercie d'avoir daigné préciser le motif de votre critique. Du moins l'un d'entre eux.

    Quel rapport entre la destitution de Louis XVI et la question de la souveraineté nationale ? Siéyès. 

    Ceci mérite que je re-précise le moment de mon argumentation où j'ai cru devoir écrire ces quelques lignes. Monsieur Lordon nous présente deux visions antagoniques de la nation. Deux discours opposés dont l'un remonte à la Révolution et serait celui de la gauche, vision de la nation qui est celle de Robespierre. L'autre est la vision de la droite, celle de Maurras, héritier de la Contre-Révolution (Lordon ne l'écrit pas mais puisqu'il se tait sur les discours contre-révolutionnaires de la Nation produits à l'époque de la Révolution et qu'il l'oppose au modèle de Robespierre c'est l'effet qu'il recherche). 

    J'ai tenu à indiquer à Monsieur Lordon que cette dichotomie ne rendait absolument pas compte de la pluralité des discours sur la Nation. Ainsi Siéyès publie en 1789 un pamphlet dans lequel sa vision de la Nation trouve sa légitimité non dans le désir commun de vivre ensemble et dans un horizon d'idéalité porté vers le futur mais dans l'antécédance de la possession de la terre par les Gaulois (ancêtres du Tiers) sur les Francs (ancêtres des nobles). Ceci justifiant l'expulsion de la nation des nobles, la véritable discrimination anti-noble de la part du Tiers, abilité à redevenir maître chez lui. Son pamphlet est un appel au meurtre sur des dizaines de pages contre des nobles, ceci en raison de leur ascendance et non pas seulement de leur position de domination. 

    Pour le moins voici une argumentation plus proche de celle de Maurras que de celle de Robespierre telle que présentée par Lordon, c'est-à-dire très lisse. Hors, ceci ferait-il de Siéyès un homme de droite ? Un anticipateur de Maurras ? Un contre-révolutionnaire ?  Nullement. Il a participé au processus révolutionnaire et a même siégé à la Convention et a voté la mort de Louis XVI. Ce régicide me sert d'exemple pour indiquer à Monsieur Lordon que sa présentation duale est biaisée, que la gauche ne se réduit pas aux héritiers de Robespierre et la droite à ceux de Maurras. Qu'il existe des discours tiers (comme celui de Siéyès). Que des éléments "robespierristes" et "maurassiens" sur la nation peuvent étonnement cohabiter ensemble parfois. 

    Dès le départ, dans la tradition révolutionnaire de la vision de la Nation, matrice intellectuelle de la Gauche, étaient présents des discours de légitimation qui se rapprochent plus de certains discours de la Droite actuelle. Siéyès ne nie pas la souveraineté nationale et les droits de la Nation qu'il défend face aux privilégiés. Mais l'image de la Nation qu'il dépeint dans son pamphlet est davantage celle d'une communauté de sang organique que celle de citoyens ayant choisi de se regrouper volontairement pour un horizon futur. 

    Tout ceci indique, tel que je l'ai écris dans ma réponse à Monsieur Lordon, que les choses sont plus compliquées que ce qu'il écrit et qu'elles auraient méritées un traitement plus nuancé, moins caricatural.

     

    J'espère vous avoir aidé à comprendre le rapport entre le régicide voté par Siéyès et sa vision de la souveraineté nationale.  

    25
    Atelier
    Lundi 7 Septembre 2015 à 00:40
    A A. Tzara

    (Préambule : je suis adhérent à l'UPR, je précise afin qu'on ne m'accuse pas de me dissimuler )

    Je trouve votre réponse très intéressante. Pour ma part je pourrais voter pour un front de libération nationale qui rassemblerait des partisans de tous bord au sein d'un programme commun comme le fut le programme du conseil national de la résistance.

    Il s'agirait d'un mouvement provisoire qui viserait essentiellement à restaurer la souveraineté nationale. Pour cela il faut sortir de l'UE, de l'Euro et aussi de l'OTAN, ce serait déjà un bon départ.

    Certains militants du FN ( les gaullistes un peu perdus ) ont toute leur place dans ce mouvement, tout comme les militants communistes voire centristes peu importe. Oui peu importe puisqu'il suffit de vouloir redonner du sens à la vie politique française en faisant en sorte que les décisions des citoyens aient un effet sur le réel. Or cela passe d'abord par la restauration de la souveraineté nationale.

    Vous observerez que je parle des militants, pas du parti. Car si votre propos sur !a complexité du FN est sans doute juste, je continue de penser que c'est un parti à problème. Non pas car il serait raciste ( je n'en sais rien s'il l'est, mais avouez que l'idée que le FN est un parti raciste se défend plutôt bien ), mais parce que le FN sabote ses campagnes et semble chercher délibérément la défaite. Comment expliquer les "dérapages" réguliers des membres de la famille Le Pen sinon par l'hypothèse que c'est un parti qui cherche la défaite ? Même un parti authentiquement raciste s'y prendrait de manière plus subtile en France en 2015.

    On ne peut pas s'allier avec un parti qui cherche manifestement à cliver sciemment les opinions afin de devenir l'objet de rejet d'une large partie de la population. On ne peut pas s'allier avec des saboteurs.

    Je crois que ce débat est un peu vain car les intervenants discutent de la fréquentabilité du FN au regard de son racisme. Alors que le critère de disqualification se situe déjà dans le fait que le FN cherche manifestement la défaite à chaque élection.

    Qu'en pensez-vous ?
    26
    Pierre M. Boriliens
    Lundi 7 Septembre 2015 à 13:00

    A A. Tzara

    Au moment où s'est posée la question de la destitution de Louis XVI il y avait 2 réponses possibles : oui ou non ! Et une fois ceci fait, les oppositions ont continué comme avant...

    S'est par exemple posée la question éducative. Siéyès a sorti un programme, Condorcet un autre très différent, Robespierre encore un (celui de Le Peletier de Saint-Fargeau) radicalement différent des 2 autres... Ils ont pourtant tous voté oui à la question précédente. Et alors ?

    27
    Alexandre Tzara
    Lundi 7 Septembre 2015 à 13:11

    La question de la mort de Louis XVI est une question centrale: la Nation peut-elle condamner à mort un roi ? Son roi ? Dans une perspective contre-révolutionnaire ceci est impossible. J'ai cité cet exemple afin d'indiquer à Monsieur Lordon qu'on pouvait trouver plusieurs versions de la Nation au sein de la tradition politique révolutionnaire. Voilà tout. Son texte semblait exclure une telle possibilité. Ceci implique que des individus ayant des visions différentes de la Nation puissent se retrouver ensemble.

    28
    Pierre M. Boriliens
    Lundi 7 Septembre 2015 à 18:13

    Je ne peux que reprendre la réponse de Nissart, puisque vous ne cessez de rabâcher sans rien dire qui pourrait justifier votre position. En en rajoutant un louche déplacée sur l'importance de la mort de Louis XVI pour les contre-révolutionnaires. Quel est le rapport avec mon post précédent ?

    "Première difficulté : la vision de Robespierre peut-elle être considérée comme celle de tous les révolutionnaires de l’époque ?"
    Je ne vois pas en quoi c'est intéressant, dans le cadre de ce débat, de poser la question, puisque Lordon explique bien qu'il prend pour sa démonstration - donc qu'il choisit comme modèle pour la gauche, comme modèle national qu'il faut réhabiliter - celle de Robespierre. Qu'est ce qu'on s'en fout que Siéyès en ait proposé une quelque peu divergente, les Girondins aussi en avaient une différente, et alors ? En clair, Lordon ne dit pas que celle de Robespierre résume la pensée de tous les révolutionnaires, il ne pose même pas le débat, il prend juste une conception de gauche de la nation qui date de l'époque révolutionnaire et qu'il pense idoine pour la gauche contemporaine.

    29
    José Marie Montagne
    Lundi 7 Septembre 2015 à 20:23

    Sapir, Lordon, Tsara, vous commetez la même erreur, sauf à démontrer en quoi le FN de Mme Le Pen serait d'extrême droite !

    30
    Alexandre Tzara
    Lundi 7 Septembre 2015 à 20:34

    C'est plutôt vous qui faites exprès de ne pas comprendre ce que je ne cesse de vous expliquer. Relisez la réponse de Coma81 à Nissart si les miennes ne vous suffisent pas.

    De plus le fait que Siéyès aie voté la mort de Louis XVI ne constitue qu'une ligne de ma longue réponse à Lordon, réponse que vous considérez dans son ensemble très faible.

    N'être capable, comme vous, que de citer une phrase illustrative de cette réponse en tout et pour tout pour justifier votre opposition, c'est très faible. 

    31
    Pierre M. Boriliens
    Lundi 7 Septembre 2015 à 21:22

    Je vous ai dit pourquoi. C'est toujours le même problème : les gens écrivent une page de choses très approximatives ou même fausses, et il faudrait y consacrer 10 pages ou plus  pour démonter un à un leurs pseudo-arguments...

    Alors j'en ai pris un, pour montrer qu'on pouvait avoir voté la destitution de Louis XVI sans pour autant avoir quoi que ce soit d'autre en commun, puisque dès le lendemain les positions les plus divergentes, - et inconciliables -, reprennent leurs droits...

    Déjà ça, vous ne voulez pas l'admettre... Pas la peine de continuer...

     

    32
    Alexandre Tzara
    Lundi 7 Septembre 2015 à 21:55

    Siéyès n'a pas fait que voter la destitution de Louis XVI. Il a accompagné tout le processus révolutionnaire de 1789 à 1794 (même si sous la Terreur il se fait plus discret). J'ai choisi l'exemple du vote sur la mort du roi car il s'agit d'un vote symbole, un contre-révolutionnaire n'aurait pu accepter de voir un souverain héritier d'une tradition exécuté au nom de la Nation. Siéyès partage la culture des révolutionnaires, comme Robespierre. Sauf que cette culture ne repose pas simplement sur une vision de la Nation robespierriste telle que présentée par Lordon mais aussi sur des éléments plus identitaires, moins universalistes. Ceci ruine l'argumentaire de Lordon: la vision de la Nation à gauche n'est pas seulement celle de Robespierre et des éléments de la vision de la Nation chez Maurras se trouvent aussi à gauche. De quoi relativiser la vision tranchée et dualiste qui est celle de Lordon. Je crois que c'est clair non ? Siéyès et Robespierre partagent bien plus que le simple vote sur le sort du roi, ceci à travers ce vote même. Seulement Lordon cherche à nous enfumer en nous faisant croire que la vision identitaire et enracinée de la nation ne se trouve que chez la droite anti-républicaine et contre-révolutionnaire. C'est juste beaucoup plus compliqué.Deux hommes qui votent la mort de Louis XVI en janvier 1793 ne peuvent être contre-révolutionnaires, on ne peut exécuter un souverain légitimé par Dieu ou la tradition, les deux notions clées de la pensée contre-révolutionnaire. Seule une culture révolutionnaire partagée permet de prendre une telle décision et de faire primer les droits de la Nation régénérée sur la Tradition et la Monarchie de droit divin. Lisez donc le livre d'Albert Soboul si vous ne comprenez pas les enjeux du procès de Louis XVI. 

    Voilà. Je ne vois pas comment être plus clair. Vous êtes trop fainéant pour rédiger dix pages construites pour formuler vos désaccords, permettez-moi, après avoir fait l'effort de rédiger 7 pages construites à Monsieur Lordon pour exprimer les miens, de ne pas daigner le faire avec vous. 

    33
    Alexandre Tzara
    Lundi 7 Septembre 2015 à 22:51

    Le dernier billet de Jacques Sapir, très intéressant sur la souveraineté: 

    http://russeurope.hypotheses.org/4272

    34
    R&D
    Mardi 8 Septembre 2015 à 09:55

    L'homme civilisé pense qu'il en a fini avec ses instincts primitifs et que se sont ses ennemis qui en sont possédés. Or, non seulement ils n'ont pas disparus mais ils sont forcés de s'exprimer de façon indirecte, ce qui est beaucoup plus dangereux. Dit plus directement: sous couvert de bonnes manières, l'homme moderne civilisé dispensent ses leçons de bien vivre à ses ennemis ce qui lui évite de s'occuper de son ombre. En effet, quoi de plus confortable et rassurant que de pouvoir désigner ses ennemis avec certitude. Le FN est taillé pour cela. Il concentre toutes les parts d'ombre que l'homme civilisé ne peut voir en face. Par conséquent, l'homme moderne civilisé se fera un devoir de trier dans la même poubelle tous ceux qui se rapprochent dangereusement des lignes du FN. Et tout y passe, sans nuance et sans discernement: prononcer le mot souveraineté, et vous en êtes, étudier une sortie de l'€, même punition, dialoguer avec ces pestiférés, c'est une preuve, et la liste est longue. Ce que Jacques Sapir dit en filigrane, c'est qu'en stigmatisant nos ennemis frontaux nous nourrissons la bête qui est dans notre dos. En d'autres termes "Notre main droite ne sait pas ce que fait notre main gauche". Le FN écouté et considéré se dissoudra comme un morceau de sucre dans l'eau claire. 

    35
    langris
    Mardi 8 Septembre 2015 à 14:51

    On peut tout simplement dire que lors du CNR, il y a eu des gens de la droite extrème présents.

    Car ils ont été dans les premiers à résister,il a fallu l' invasion de l' Union soviétique pour faire arriver la gauche en nombre, dans la résistance.

    Je pense que Sapir s' appuie sur le même raisonnement.

    Il a raison, pour s' en sortir il faut être nombreux.

    Faire semblant, où pas, de ne pas le comprendre est grave.

    36
    Chibounidia
    Vendredi 15 Janvier 2016 à 16:00
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