• Euro : le centre gauche prend peur...

    Philippe Murer fait partie de la bande des intellos eurocritiques dont les plus médiatiques sont Emmanuel Todd et Jacques Sapir. Il s'est amusé à exhumer une tribune d'acteurs politiques et économiques - majoritairement de centre gauche - publiée en 1997 annonçant un avenir radieux à la monnaie unique.

    Ce mois de juin 2012 est précisément celui où, dans les colonnes du Monde, s'exprime clairement, même parmi les défenseurs les plus acharnés du projet eurolibéral, des doutes quant à la pérénité de l'euro. Le raccourci temporel saisissant révèlant a postériori la naiveté et la frivolité des élites gouvernantes.

     

    Euro : le centre gauche prend peur...

     

      "L’euro sera l’un des piliers d’une cohésion nouvelle" (1997)

     

      "Si l’union européenne continue pendant quelques mois à se défaire sous nos yeux, en suivant très exactement les scénarios les plus pessimistes, ici exposés depuis des années, elle n’existera bientôt plus" (2012)

     

    De der en der, Libération - Juin 2012. Texte Intégral.

    Et s’il était déjà trop tard ? Et si la crise de l’euro n’était déjà plus soluble, faute de temps, d’argent frais, de croissance, de volonté politique, de consensus sur le projet européen ? A la veille d’un énième sommet sous tension, il est permis de se demander s’il existe encore une dernière chance, après la dernière chance. Tant de fois depuis plusieurs années, les dirigeants ont échoué à trouver une autre parade qu’éphémère. Ils ont cru acheter du temps en érigeant la procrastination en méthode de résolution de crise. Il ne s’agit pas de jouer les Cassandre, de professer un catastrophisme complaisant ou, moins encore, d’affirmer que le salut pourrait venir d’une fuite en avant nationale. Mais il est un fait : tous les éléments d’une explosion sont réunis. Cette zone monétaire baroque se heurte aussi violemment à ses contradictions structurelles qu’à une conjoncture exécrable. Les engagements pris par l’Espagne, l’Italie, et même la France, sans parler de la Grèce, pour l’année 2013, paraissent hors de portée, sauf à croire encore, contre vents et marées, que la machine infernale de l’austérité fabrique des miracles. Trop tard donc ? Le pire n’est jamais sûr. Un accord à l’arraché peut encore surgir, mais on peine à penser que le fossé des désaccords entre les 17 pays de la zone euro puisse être comblé. Il faudrait un sursaut dont les prémisses sont invisibles. L’histoire roule comme si certains dirigeants - dont au premier rang Angela Merkel - misaient désormais sur l’éclatement de la zone et sur la constitution d’un noyau dur de pays partageant, et leur monnaie, et leur souveraineté.


    « L’Euro, une chance pour la France, une chance pour l’Europe », Le Monde - Octobre 1997. Extrait.

    Parmi les signataires : Jacques Attali, conseiller d’État, Christian de Boissieu, universitaire, économiste ;  Pascal Lamy, directeur général du Crédit lyonnais.

    "L’euro sera l’un des piliers d’une cohésion nouvelle. C’est un acte de confiance dans l’avenir, un facteur d’espérance et d’optimisme, qui permettra à l’Europe de mieux affirmer sa destinée et d’entrer de plain-pied dans un XXIe siècle fondé sur la paix et la liberté".


    Euro : dernier verre au bar du "Titanic" ?, Le Monde - Juin 2012. Extrait.

    "La zone ne parvient pas à maîtriser la tempête soulevée par son endettement. La crise prend des formes différentes - faillite d'un Etat à Athènes, menaces sur les banques à Madrid. A chaque fois, les remèdes apportés semblent insuffisants, trop compliqués, mal adaptés, trop lents à produire leurs effets. Pacte de stabilité et de croissance, "six-pack" destiné à renforcer ce dernier, "semestre européen", traité budgétaire, etc., rien, aucune de ces solutions aux appellations barbares n'a semblé mettre en place à temps, de façon convaincante, une "structure de gouvernance" sérieuse de l'union monétaire européenne. (...)

    Mais sauf perspective ambitieuse, la zone euro continuera à aller comme un unijambiste clopinant d'un obstacle à l'autre. Et ses membres continueront à se demander s'ils ne sont pas dans la position d'un passager du Titanic prenant un dernier dry martini au bar avant l'iceberg."

     

    L’Europe, en fin, Jacques Attali - Juin 2012. Extrait.

    "Si l’union européenne continue pendant quelques mois à se défaire sous nos yeux, en suivant très exactement les scénarios les plus pessimistes, ici exposés depuis des années, elle n’existera bientôt plus. (...)"

     

    Les comptes Target 2 : l'équivalent d'interventions de change, un très bon indicateur du risque d'éclatement de l'euro, Patrick Artus - Juin 2012. Extrait.

    "Lorsque le compte Target 2 (positif) de la Bundesbank (de l'Allemagne) augmente et que parallèlement le compte Target 2 d'un autre pays de la zone euro devient davantage négatif, cette opération est exactement équivalente à une intervention de change de l'Allemagne visant à stabiliser le taux de change entre l'Allemagne et cet autre pays, donc à éviter l'explosion de l'euro. De manière totalement similaire, quand la Chine accumule des réserves de change en dollars pour éviter l'appréciation du RMB, la Banque Centrale de Chine accumule un actif et les Etats-Unis un passif, et il y a création monétaire (de RMB). La taille des comptes Target 2 des Banques Centrales nationales de la zone euro correspond donc à la taille des réserves de change qu'il est nécessaire d'accumuler dans les pays de la zone euro "à monnaie forte" pour éviter l'éclatement de l'euro ; c'est donc un très bon indicateur de ce risque d'éclatement. (...)

    Les comptes Target 2 positifs augmentent beaucoup à partir de l'été 2011 ; ceci correspond bien à une période de tension sur les taux d'intérêt sur les dettes périphériques et sur les primes de risque sur les banques."


     

    Pourquoi l'euro nous condamne à une austérité éternellement renforcée,  Pierre Levy - Extrait.

    "Le nouveau maître de l’Elysée a annoncé que le cortège présidentiel respecterait désormais les feux rouges – ce qui est louable ; il a surtout confirmé qu’il n’avait nulle intention de franchir les lignes rouges des dogmes budgétaires européens. Il est cohérent : sans le respect de ceux-ci, la monnaie unique ne peut exister. En effet, les économies des différents pays sont très hétérogènes ; en conséquence, dès lors qu’on a fait disparaître les monnaies nationales, la seule « variable d’ajustement » qui reste a pour nom : baisse des dépenses publiques, pression sur les rémunérations (ledit « coût du travail ») – autrement dit restrictions sociales sans fin.

    En d’autres termes, on ne peut garder un euro désormais à bout de course sans une austérité éternellement renforcée. Au sein des directions syndicales, comme parmi ceux qui se proclament « la gauche de la gauche », que ce soit à Paris, à Athènes ou ailleurs, un tel constat est encore tabou.

    Pour combien de temps ?"

    Dans Marianne

     


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