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Quelle crise du capitalisme ?
Et Pendant ce temps là présente les points de vue de grands auteurs au sujet de la Grande Crise qui a débuté en 2008. Quelle est sa nature, ses causes, et finalement ses conséquences sur le système capitaliste lui-même ? Quelle sera l'ampleur des mutations ? A quoi ressemblera le monde d'après ?
Pour nous aider à y voir plus clair dans le débat, nous empruntons la typologie de Jean-Maxence Granier avec l'ambition de classer les différentes façons dont ces auteurs parlent de la crise. La synthèse, largement reprise sur la toile, est accessible sur son site : Sémiotique de la crise. Il a identifié quatre visions de la crise, classées selon sa gravité :
Les postures A et B correspondent à une lecture "néolibérale" de la crise qui ne remet pas en cause l'hégémonie du marché. Dans le premier cas, il s'agit uniquement d'une crise de liquidité du système bancaire. Elle est un accident assimilable à un phénomène météréologique. Une fois que les Etats auront rétabli la confiance, le cycle de reprise s'amorcera naturellement. Dans ce second cas, il s'agit d'une crise financière, due aux dérives et excès du capitalisme financier. Il faut une meilleure régulation de la part des Etats (Etat garant du droit) afin de préserver les mécanismes de marché (appel à plus de transparence).
Les postures C et D développent l'idée d'une rupture nécessaire avec le néo-libéralisme. Dans le premier cas, la crise clôt un cycle de 30 ans de "mondialisation" correspondant à la montée des inégalités, le pouvoir de la finance, la crise de la démocratie... Dans le second cas, le capitalisme serait victime d'un essouflement sur longue période, qui ouvre une période d'instabilité et débouche, peut-être, sur l'émergence d'autre chose.
Les postures A et B : sauvons la mondialisation
Alain Minc : "La crise est grotesquement psychologique (2009)
Christine Lagarde : "[Il est] largement excessif de conclure que nous sommes à la veille d’une grande crise économique" (2007)
Elie Cohen et Philippe Aghion : "Nous plaidons donc pour que l’achèvement du marché unique des services financiers soit tenu pour une priorité de premier rang " (2006)
Elie Cohen : "Dans quelques semaines, le marché se reformera et les affaires reprendront comme auparavant" (2007)
Daniel Cohen : "La crise de 1929 n'aura pas lieu " (2007)
La posture C : la fin du néolibéralisme
Joseph Stiglitz : "(A propos de la mondialisation) reste à savoir si le changement sera la conséquence inéluctable d’une crise, ou le fruit mûrement réfléchi d’un débat démocratique" (2006)
Nouriel Roubini : "Le modèle anglo-saxon du laissez-faire a misérablement échoué." (2011)
Robert Boyer : "La crise est plus grave que celle de 1929"(2011)
Thomas Piketty : "Au 20ème siècle, ce sont les guerres qui ont fait table rase du passé, et qui ont temporairement donné l'illusion d'un dépassement structurel du capitalisme. Pour que le 21ème siècle invente un dépassement à la fois plus pacifique et plus durable, il est urgent de repenser le capitalisme dans ses fondements, sereinement et radicalement." (2009)
Marcel Gauchet : "Ce qu’il faut opposer au néolibéralisme donc, c’est l’irréductibilité du politique et du gouvernement, c’est-à-dire la politique avec pouvoir contre la gouvernance et sa politique sans pouvoir"
Frédéric Lordon : "La présente crise sera peut-être surmontée une fois de plus – non sans douleurs économiques réelles. Mais ce ne sera que partie remise." (2008)
La posture D : La crise finale du capitalisme
Dominique Lévy et Gérard Duménil : "Bien que les rapports de classe soient maintenus, cette pression populaire viserait à leur atténuation, et au tout premier chef, à la répression des classes capitalistes, voire à leur élimination progressive, une tâche que l'ordre social de l'après-guerre n'a pas su mener à bien."
Immanuel Wallerstein : "La situation devient chaotique, incontrôlable pour les forces qui la dominaient jusqu'alors, et l'on voit émerger une lutte, non plus entre les tenants et les adversaires du système, mais entre tous les acteurs pour déterminer ce qui va le remplacer. Je réserve l'usage du mot "crise" à ce type de période. Eh bien, nous sommes en crise. Le capitalisme touche à sa fin."
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Par Coma81 le 28 Septembre 2011 à 07:00
Sémiotique de la crise (partie 2)
Par Jean-Maxence Granier
Notre but n’est pas ici de décrire ou d’expliquer une nouvelle fois la crise actuelle mais de voir comment elle est interprétée dans le champ socio-économique et politique. Si, en effet, il y a bien consensus sur sa gravité, on constate qu’il existe différentes manières bien différentes de lui donner sens et ce sont ces manières que l’on voudrait disposer selon les polarités définies plus haut de manière générique. On voudrait pour chaque pôle possible voir quelles sont les causes principalement mises en avant pour expliquer cette crise et quelles sont les solutions majeures proposées.
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