• L'article du jour : L’OCDE convertie à l’anti-libéralisme ?, Par la Fondation Copernic

    "Ce qui interroge le plus cette institution (OCDE) d’ordinaire largement acquise aux réformes structurelles en matière de libéralisation du commerce international ou de déréglementation du marché du travail, c’est le fait que ce sont les réformes réglementaires qui ont marqué les dix dernières années qui expliquent le plus la hausse des inégalités des revenus du travail."

    Copernic


    « L’inégalité peut aussi nourrir un certain ressentiment social, le protectionnisme et un courant antimondialiste. Ainsi la population ne supportera plus le libre-échange, et l’économie de marché si elle estime y perdre pendant qu’un petit groupe de gagnants ne cesse de s’enrichir »

    OCDE


    L’OCDE convertie à l’anti-libéralisme ?, Par la Fondation Copernic - Avril 2012. Texte intégral.

    Le dernier rapport de l’OCDE intitulé « Toujours plus d’inégalités, pourquoi les écarts de revenus se creusent ? » [1] est intéressant à plus d’un titre. C’est certainement en effet la première fois que cette institution, réputée pour ses prises de position particulièrement libérales en matière de politique économique, livre un document aussi complet sur les effets économiques, sociaux, voire politiques du libéralisme dans les pays développés. Un premier rapport publié en 2008 [2] pointait déjà un net accroissement sur les 30 dernières années de l’écart de revenu entre les riches et les pauvres dans la plupart des pays développés. Le présent rapport, confirme et amplifie ce constat. Mais l’originalité de ce nouveau document réside avant tout dans l’interrogation qu’il porte sur les causes de ces inégalités et sur leurs liens avec les politiques sociales et de l’emploi mise en oeuvre au cours de ces dernières décennies.

    Des inégalités croissantes dans les pays de la zone OCDE ...

    Aujourd’hui dans les économies avancées, le revenu des 10% les plus riches est neuf fois plus élevé que celui des 10% les plus pauvres. Mais cette moyenne cache des disparité beaucoup plus importantes. Ainsi, dans des pays traditionnellement fortement inégalitaires comme les USA, le Royaume-Uni, l’Italie ou le Portugal d’un coté, et le Chili, le Mexique, la Turquie de l’autre, cet écart va de 1 à 15 et de 1 à 27. L’OCDE estime que sur les derniers 10 années les inégalités ont augmenté d’environ 10 % et que dans certains pays comme le Japon le revenu réel de ceux qui se situent en bas de l’échelle des revenus a reculé par rapport au milieu des années 80. Parmi les pays émergents seul le Brésil a réduit les inégalités de revenu, mais celles-ci restent cinq fois plus élevées que dans la zone OCDE.

    Mais chose plus surprenante, c’est en Allemagne et dans les pays du nord de l’Europe à tradition sociale-démocrate (et particulièrement en Suède et au Danemark) que les inégalités ont le plus augmenté au cours de ces dernières années (+ 20% entre le début des années 80 et aujourd’hui).

    ... qui s’expliquent largement par la pression exercées sur les salaires

    Première explication donnée par l’OCDE à l’accroissement des écarts de revenu : la hausse (déjà commentée par ailleurs) des salaires les plus élevés, nettement supérieure à celle de l’ensemble des rémunérations. L’OCDE ajoute que si les salariés les moins payés ont été les premières victimes de cette concentration des revenus sur les plus riches, les classes moyennes ont également fait les frais d’une forme de développement qui privilégie les seuls travailleurs qualifiés des secteurs de la finance, de l’information ou de la communication.

    Mais ce qui interroge le plus cette institution d’ordinaire largement acquise aux réformes structurelles en matière de libéralisation du commerce international ou de déréglementation du marché du travail, c’est le fait que ce sont les réformes réglementaires qui ont marqué les dix dernières années (renforcement de la concurrence sur les marchés des biens et des services, atteinte aux droits des salariés, hausse des emplois à temps partiel, remise en cause des conventions collectives, stagnation des minima sociaux, baisse des allocations chômage, recul des salaires minimums relativement au salaire médian...) qui expliquent le plus la hausse des inégalités des revenus du travail. Dés lors, l’OCDE constate avec amertume que si, pendant la crise, l’emploi a été préservé dans des pays tels que l’Allemagne, ou la déréglementation du marché du travail a été la plus violente, c’est au prix d’une hausse sans précèdent des emplois ultra-précaires et de la pauvreté des travailleurs désormais réduits à travailler sur des contrats de travail de très courte durée (mini-job) ou pour un Euros de l’heure. Ainsi dans l’ensemble des pays de l’OCDE la part de l’emploi à temps partiel est passé de 11 % en moyenne au début des années 90 à 16 % à la fin des années 2000, les progressions les plus fortes s’observant dans certains pays européens comme l’Allemagne, l’Espagne, l’Irlande et les Pays-Bas. Au final, ce sont les salariés à bas salaire qui ont vue leur durée de travail diminuée dans des proportions nettement plus élevées que celles enregistrées pour les hauts revenus, ce qui n’a fait que contribuer à la hausse des inégalités de revenus.

    De plus, les rédacteurs du rapport confirment que les revenus du capital en augmentant plus vite que ceux du travail ont accentué la tendance décrite précédemment. Ils pointent qu’à l’autre extrémité de la distribution des revenus, les prestations sociales et le système fiscal jouent, depuis le milieu des années 90, un rôle de moins en moins distributif ce qui accélère la paupérisation des classes populaires. Ce déclin de la capacité redistributive des prestations sociales s’explique, selon l’OCDE, par le resserrement des critères d’octroi de ces aides, c’est à dire dans un langage moins euphémisé par la chasse aux supposés fraudeurs, par la limitation des droits des plus pauvres et l’introduction de contreparties pour pouvoir bénéficier des aides publiques. Il s’explique également par le décrochage depuis 20 ans, comme c’est le cas en France, des aides sociales par rapport aux revenus du travail et plus encore à ceux du capital.

    Dans son rapport l’OCDE s’est également penché sur le poids des facteurs sociaux, et en particulier de la composition des ménages, comme variable explicative de l’augmentation des inegalités. Les travaux réalisés montrent non seulement que les familles ou les salaires sont les plus élevés n’ont guère été touchées par la crise, mais surtout que se développe de plus en plus une tendance à une homogamie sociale des ménages. Dit autrement, la relative mixité sociale qui pouvait auparavant exister au sein des couples, est en train de disparaître. Nous assistons à un véritable processus de getthoisation sociale, avec d’un coté des ménages composés de hauts salaires, et de l’autre des couples partageant les plus faibles revenus. Ainsi, alors que les femmes ouvrières sont les premières victimes de la précarisation du marché du travail, les épouses des salariés les mieux rémunérés sont celles dont les taux d’emploi ont le plus progressé. Traduction de ce phénomène, aujourd’hui 40 % des couples bi-actifs appartiennent au même décile de revenu (ou à des déciles adjacents), contre un tiers il y a vingt ans. Si cette ségrégation sociale et économique entre ménages a joué un rôle dans l’augmentation des inégalités, l’OCDE note cependant que c’est la libéralisation du marché du travail qui reste le facteur explicatif essentiel.

    Pourquoi les pouvoirs publics doivent ils s’inquiéter ?

    Un tel constat, d’autant plus accablant qu’il émane de l’OCDE, ne laisse pas d’interroger sur les raisons d’une telle lucidité de la part d’un tel organisme. L’explication est à trouver dans la peur des classes dirigeantes. La peur de la révolte des classes populaires qui ne supportent plus de voir la richesse produite accaparée par une poignée de financiers et de capitalistes. Pour s’en convaincre il n’est pas nécessaire de relire les classiques du marxisme. Il suffit simplement de citer le rapport lui même. Ainsi, évoquant les effets de la crise économique sur les jeunes générations qui n’ont comme seul avenir que le chômage, les rédacteurs de ce rapport notent que les les jeunes précaires « ont été rejoints par des protestataires qui estiment porter la plus large part du fardeau d’une crise dont ils ns sont en rien responsables, tandis que des individus au revenu élevé semble épargnés ». La révolte des indignés n’est visiblement pas restée inaperçue aux yeux de nos économistes. Et le rapport de poursuivre : « L’inégalité peut aussi nourrir un certain ressentiment social, le protectionnisme et un courant antimondialiste. Ainsi la population ne supportera plus le libre-échange, et l’économie de marché si elle estime y perdre pendant qu’un petit groupe de gagnants ne cesse de s’enrichir », fin de citation ! Le moins que l’on puisse dire c’est que l’OCDE a clairement identifié le problème. Et comme disait Tancredi, le neveu du Prince, dans le Guépard de Giusepe Tomasi di Lampedusa, face aux changements politiques qui s’annonçaient avec l’arrivée de Garibaldi en Sicile en 1860 : « Si nous voulons pour que tout reste comme avant, il faut que tout change ». Ce principe c’est également celui que prône Sarkozy quand il dénonce les méfaits du capitalisme débridé pour mieux assurer sa survie.

    Sur le site Fondation Copernic


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