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Leçon argentine pour le retour au drachme
En 2002, la crise argentine atteignait son paroxysme avec la fin de la parité fixe du peso avec le dollar. Les deux textes que Joseph Stiglitz écrivit à l'époque, expliquant les enchaînements de la crise et les erreurs commises, offrent un parallèle confondant avec la situation actuelle en Grèce. Un texte de juin 2012 de l'Office Français des Conjonctures Economiques s'inspire du scenario argentin pour imaginer celui d'un retour au drachme.
Tout comme la Grèce, l'Argentine a été la "bénéficiaire" de plan de sauvetage par le FMI consistant en des prêts en contrepartie de mesures d'austérité :
L'austérité fiscale devait rétablir la confiance. Mais les chiffres des programmes du FMI n'étaient que fiction. Tout économiste digne de ce nom aurait pu prédire que les politiques de réductions fiscales allaient inciter un ralentissement, et que les objectifs du budget ne seraient pas atteints. Inutile de préciser que le programme du FMI ne remplit pas ses engagements. La confiance se rétablit rarement quand l'économie entre dans une récession profonde avec un taux de chomâge à deux chiffres. (Stigiltz)
Finalement, suite à l'échec du plan, un gouvernement "révolutionnaire" arriva au pouvoir et congédia le FMI en annnulant la dette :
L'écroulement de l'économie argentine est à l'origine de la plus importante cessation de paiement de toute l'histoire. Tous les experts sont d'accord pour affirmer qu'il ne s'agit que du dernier épisode dans un ensemble de politiques de subventions orchestrées par le FMI, qui a ainsi gaspillé des milliards de dollars sans parvenir à sauver les économies que ces subventions devaient aider. (Stiglitz)
Déjà à l'époque, plutôt que d'admettre l'absurdité de la politique économique menée par les banquiers internationaux, la propagande s'acharna sur la corruption d'un pays impropre à la bonne gouvernance. On pense fortement à ce que la Grèce subit chaque jour comme insulte de la part de ses "sauveurs" :
Le FMI travaillera d'arrache-pied à se débarrasser de ces accusations : on parlera de corruption, ou du manque d'engagement argentin dans les mesures appropriées. (Stiglitz)
Finalement, grâce à la dévaluation à près de 70% du peso couplé à la répudiation de la dette, la situation s'améliore rapidement, malgré l'effondrement initial :
Avec une croissance nominale de 9 % par an et une inflation maîtrisée, l’Argentine a finalement récupéré son niveau d’avant-crise en 2004. Comment l’Argentine est-elle sortie du dollar « par le haut » ? (OFCE)
Pour Stiglitz la clé de la réussite, une fois délesté du fardeau de la dette, est le retour d'une politique de croissance axée sur le financement de projet privé et public.La situation est simple : les ressources réelles de l'Argentine, ses citoyens, avec leur degré élevé de talents et de compétences, son sol fertile, ses biens d'équipement, demeurent. L'économie doit être réactivée et les politiques gouvernementales doivent se concentrer sur cette tâche. Si le secteur privé ne parvient pas à améliorer la disponibilité du crédit à lui seul et qu'aucun pays voisin ne se présente pour l'aider, comme l'a fait le Japon en Asie orientale, le gouvernement doit jouer un rôle plus actif dans la restructuration des établissements de crédit existants et dans la création de nouveaux établissements. (...)
Centrer l'attention sur la réactivation précise pourquoi l'accent placé sur les crédits du FMI se révèle peu judicieux. Les crédits du FMI serviront à rembourser ce dernier et non à réactiver l'économie.
Mais l'OFCE, dans un texte, une fois n'est pas coutume, d'économie politique quasi marxiste, explique que le choix du redressement ne peut passer que par une spoliation des détenteurs de capitaux, en particulier internationaux :
Après le secteur public qui a déjà restructuré 50 % de sa dette, le retour à la drachme, toutes choses égales par ailleurs, fera émerger des conflits financiers entre créanciers et débiteurs privés qui paralyseront le système de paiement. (...) L’option poursuivie jusqu’ici a consisté à répartir le coût de la résolution de la crise grecque sur les créanciers d’une part, via la restructuration de la dette publique, et sur les débiteurs d’autre part, via les efforts structurels (réduction des salaires et transferts sociaux) et l’augmentation de la pression fiscale. A contrario, une sortie de la zone euro accompagnée d’une restructuration des dettes privées et publiques « façon Argentine » imposerait le coût de la résolution davantage aux créanciers, principalement le reste de l’Europe. Cela explique le regain de tension dans les propos de certains pays européens créanciers à l’égard de la Grèce, ainsi que la confusion qui règne dans le débat européen actuel : en l’absence d’une solution optimale aux effets neutres, chaque partie défend ses propres intérêts au risque d’y laisser la peau de l’euro.
C'est pourquoi Jacques Sapir, l'économiste proche du Front de Gauche, se place dans l'optique dans laquelle se trouverait Syriza si jamais ce parti accédait au pouvoir. Il montre que la Grèce, si elle le souhaite, possède des moyens de pression, par sa capacité à créer de la monnaie euro, pour renégocier à son avantage les plans actuels. A défaut, elle a les moyens de sortir de l'euro :
Elle pourrait, avant la disparition de l’Euro, se servir de cet argent pour fonder une banque publique qui reprendrait le crédit aux entreprises et aux particuliers dans une situation où sa compétitivité aurait été restaurée.
Le retour à la drachme serait-il un drame insurmontable?, OFCE - Juin 2012. Extrait.
(...) L’objectif ici, dont on trouvera plus de détails dans la Note de l’OFCE (n°20 du 19 juin 2012), est de décomposer l’exposition des pays de la zone euro (et notamment la France) à la dette publique et privée grecque. L’exposition à la dette publique grecque transite par trois canaux principaux :
1) les deux plans d’aide budgétaire de mai 2010 et mars 2012 ;
2) la participation à l’Eurosystème ;
3) l’exposition des banques commerciales.
(...) La France apparaît comme le pays le plus exposé de la zone euro, à cause de l’exposition de ses banques à la dette privée grecque, via des filiales en Grèce. Si l’on ne considère que la dette publique grecque, en revanche, c’est l’Allemagne qui apparaît comme le pays le plus exposé à un défaut grec.Sur le blog de l'OFCE
Quels sont les risques du retour à la drachme encourus par les Grecs ?, OFCE - Juin 2012. Extrait.
(...) Quels sont les risques pour les Grecs du retour à la drachme ? Cette option conduirait-elle nécessairement le pays au chaos ? Quelques éléments de réponse peuvent être trouvés dans l’expérience argentine du retour au peso en 2002.
En Argentine, la parité fixe peso/dollar au taux de un peso pour un dollar fut établie par la loi du 1er Avril 1991. Le dollar pouvait être utilisé indifféremment dans les transactions internes. Il en résulta une circulation de dollars dans les transactions courantes et la dénomination des actifs financiers en dollars. Concrètement, en moyenne, dans les années 1990, plus de 70 % des dépôts bancaires et deux tiers des crédits au secteur privé étaient libellés en dollars. Ce montant a culminé au dernier trimestre 2001, la veille de l’abandon du régime, quand 75 % des dépôts privés et 80 % de l’ensemble des crédits étaient libellés en dollars.
Le fort attachement de la population argentine au dollar a été conforté tout au long des années 1990 par la promesse de chaque candidat aux élections présidentielles de maintenir ce régime. Aussi l’abandon du dollar en janvier 2002 s’est fait dans un contexte politique particulièrement dramatique, marqué par la démission successive de cinq présidents et un désarroi populaire qui a retenti bien au-delà des frontières argentines. Le peso a subi une dévaluation de plus de 70 % par rapport au dollar et l’épargne domestique a fui de façon massive vers des comptes bancaires étrangers. Si le troc est resté marginal, les provinces et l’Etat central ont commencé à émettre leur propre monnaie pour payer les fonctionnaires et leurs fournisseurs. Selon la Banque centrale argentine, ces monnaies parallèles ont représenté 30 % des billets en circulation en moyenne tout au long de 2002.
Ainsi, le contexte dans lequel l’Argentine a rétabli sa monnaie nationale en 2002 était en partie comparable au contexte grec actuel : une forte confusion politique, une grave récession et surtout une monnaie nationale sans réelle crédibilité.
Contre toute attente, malgré l’ampleur de la crise, le désordre social et politique et la fragmentation monétaire qui laissaient prédire une période de 10 ans pour retrouver le niveau de PIB d’avant la crise, la reprise économique s’est amorcée dès le second semestre 2002. Avec une croissance nominale de 9 % par an et une inflation maîtrisée, l’Argentine a finalement récupéré son niveau d’avant-crise en 2004. Comment l’Argentine est-elle sortie du dollar « par le haut »?
Le défaut sur 90 milliards de dollars de dette publique, suivi d’un pacte fiscal entre les provinces et l’Etat central et de maîtrise des dépenses ont redressé les finances publiques. Mais ce qui fait l’originalité de l’expérience argentine, c’est la réforme monétaire opérée dès janvier 2002. (...)
Comment une telle règle s’est-elle imposée malgré les effets de richesse désastreux sur les créanciers ?
La conversion au taux de un pour un (ou 1,4 pour 1) imposée par les autorités a opéré un règlement du conflit sur les dettes en faveur des débiteurs au détriment des créanciers nationaux et étrangers. Or le principal agent débiteur dans l’économie est le secteur productif, c’est-à-dire les entreprises. En leur offrant une sortie de crise protégée, les nouvelles règles monétaires ont neutralisé les effets de bilan et permis que la dévaluation retrouve des effets expansionnistes classiques. En effet, la balance commerciale est devenue excédentaire et l’économie argentine a pu alors profiter du contexte mondial florissant du début des années 2000. Les exportations sont passées de 10 à 25 % du PIB et dès 2004, le niveau du PIB était de 2 % supérieur à la moyenne des années 1990. Autrement dit la règle monétaire a permis le retour à la croissance et à l’emploi, ce qui explique qu’une majorité de la population y a adhéré.(...)
Au total, plusieurs enseignements peuvent être tirés de l’expérience argentine. Premièrement, le principal risque pour la Grèce d’une sortie de l’euro est une faillite généralisée du secteur privé. Après le secteur public qui a déjà restructuré 50 % de sa dette, le retour à la drachme, toutes choses égales par ailleurs, fera émerger des conflits financiers entre créanciers et débiteurs privés qui paralyseront le système de paiement. (...) L’option poursuivie jusqu’ici a consisté à répartir le coût de la résolution de la crise grecque sur les créanciers d’une part, via la restructuration de la dette publique, et sur les débiteurs d’autre part, via les efforts structurels (réduction des salaires et transferts sociaux) et l’augmentation de la pression fiscale. A contrario, une sortie de la zone euro accompagnée d’une restructuration des dettes privées et publique « façon Argentine » imposerait le coût de la résolution davantage aux créanciers, principalement le reste de l’Europe. Cela explique le regain de tension dans les propos de certains pays européens créanciers à l’égard de la Grèce, ainsi que la confusion qui règne dans le débat européen actuel : en l’absence d’une solution optimale aux effets neutres, chaque partie défend ses propres intérêts au risque d’y laisser la peau de l’euro.
Sur le blog de l'OFCE
L'Argentine se redresse, Joseph Stiglitz - Septembre 2002. Extrait.
Les premières lueurs du redressement de l'Argentine se profilent à l'horizon. Pour beaucoup, ce qui s'est passé, et ce qui se passe encore, dans ce pays constitue un mystère. L'abandon de la " convertibilité " (un système de taux de change fixe) était censé être un désastre, ce qui fut le cas. La production a chuté et le chômage a augmenté de manière spectaculaire. La crainte de ces coûts, combinée à des renflouements du FMI, a empêché l'Argentine d'abandonner son conseil monétaire bien après qu'il soit devenu évident que le système ne pouvait pas être maintenu. Cet entêtement a empiré la situation lorsque tout s'est effondré.
Mais ce fut surtout la crainte d'une inflation galopante qui a conservé l'attachement des Argentins à un système qui ne pouvait pas fonctionner. Lorsque j'ai demandé autour de moi, lors de mes voyages à Buenos Aires, pourquoi l'Argentine persistait dans cette folie économique, tous m'ont fait la même réponse : " Oui, lorsque le Brésil s'est effondré, son inflation est restée modérée ; mais le Brésil est le Brésil, et nous sommes l'Argentine ". Je pouvais presque sentir de la fierté dans le manque de confiance des Argentins dans leurs institutions et dans la capacité de ces dernières à gérer le pays sans les chaînes de la convertibilité.
L'inflation galopante tant crainte ne s'est pas matérialisée jusqu'à présent. On ne peut pas nier que l'inflation normale a été associée à d'importantes augmentations des prix à l'importation qui suivent toujours les fortes dévaluations, mais plutôt que de déclencher une spirale d'augmentations tarifaires, les taux d'inflation paraissent diminuer. L'Argentine semble vraisemblablement rejoindre la longue liste de pays (Brésil, Corée, Russie, Thaïlande et Indonésie) qui ont géré des dévaluations sans inflation galopante.
Pour un économiste, le redressement de l'Argentine ne constitue pas une surprise. La dévaluation incite à plusieurs forces roboratives. Les exportations sont moins onéreuses et les revenus dérivés des exportations (exprimés en pesos) ont augmenté de manière spectaculaire. Le tourisme et les industries connexes sont en forte progression. Le remplacement des importations se déroule sous vos yeux : un magasin de vêtements qui a vendu l'année dernière des vêtements importés vend désormais uniquement des marchandises produites au niveau national.
Comme en Asie du sud-est après sa crise de 1998, c'est un manque de crédit qui inhibe ces forces roboratives. Le fait que les banques appartiennent à des banques étrangères était supposé garantir leur stabilité ; il était prévu que les banques étrangères viendraient à la rescousse de leurs filiales argentines si celles-ci avaient besoin d'argent. Les dépôts faits dans les branches des banques américaines de Buenos Aires devaient être aussi sûrs que les dépôts faits à Miami. Malheureusement, les déposants ont appris la leçon inverse.
D'un autre côté, les banques étrangères ne parvenaient jamais à garantir un crédit approprié aux PME argentines. Ce manque de crédit a étouffé la croissance, ce qui a contribué aux infortunes économiques du pays, et à l'heure actuelle, le crédit est quasiment épuisé.
On ne peut pas nier que certaines banques nationales continuent à accorder des crédits. Mais si le redressement doit être maintenu, les crédits doivent être étendus soit en créant de nouvelles institutions financières, soit en développant les institutions existantes. En Argentine, les coopératives de crédit peuvent jouer un rôle particulièrement important étant donné le manque apparent de confiance dans le secteur bancaire plus traditionnel. Il est également primordial de renouveler le crédit commercial dont l'importance a été reconnue au début de la crise d'Asie orientale, crise dans laquelle le Japon, dans un geste de bon voisinage, a avancé 30 milliards de dollars via l'initiative Miyazawa, somme dont une grande partie a été utilisée pour financer le crédit commercial et aider à relancer l'économie.
La situation est simple : les ressources réelles de l'Argentine, ses citoyens, avec leur degré élevé de talents et de compétences, son sol fertile, ses biens d'équipement, demeurent. L'économie doit être réactivée et les politiques gouvernementales doivent se concentrer sur cette tâche. Si le secteur privé ne parvient pas à améliorer la disponibilité du crédit à lui seul et qu'aucun pays voisin ne se présente pour l'aider, comme l'a fait le Japon en Asie orientale, le gouvernement doit jouer un rôle plus actif dans la restructuration des établissements de crédit existants et dans la création de nouveaux établissements.
L'implication du gouvernement dans l'octroi de crédits pourrait-elle créer des niveaux d'inflation dangereux ? Diriger le crédit afin d'augmenter l'approvisionnement des marchandises n'a pas à être inflationniste ; au contraire, l'accroissement de l'approvisionnement de marchandises produites au niveau national peut constituer un instrument efficace pour combattre l'inflation.
Une comptabilité appropriée séparant les dépenses destinées à changer la structure financière des banques des dépenses courantes, comme celles requises pour diriger les hôpitaux et les écoles, préciserait que ces dépenses ne sont pas inflationnistes en elles-mêmes. Seule l'expansion du crédit autorisée par ces dépenses pourrait s'avérer inflationniste. Dans une économie devant surmonter de graves problèmes, dans laquelle les ressources sont sous-exploitées et les crédits manquent massivement, une expansion modeste du crédit ne déboucherait pas en fait sur une inflation élevée.
Centrer l'attention sur la réactivation précise pourquoi l'accent placé sur les crédits du FMI se révèle peu judicieux. Les crédits du FMI serviront à rembourser ce dernier et non à réactiver l'économie. Soi-disant, le crédit du FMI " restaurera la confiance " dans l'économie, mais cela dépend en fait des conditions imposées. Si le FMI impose une contraction fiscale ou une stratégie peu judicieuse pour restructurer le secteur financier (comme ce fut le cas en Indonésie), l'économie en sortira alors affaiblie, ce qui entraînera par la suite une érosion supplémentaire de la confiance.
Si, d'un autre côté, le crédit du FMI est accordé selon des conditions raisonnables, il apportera une contribution positive à la restructuration. Mais il ne constituera pas une panacée. En effet, le crédit du FMI ne traitera que de manière limitée les principaux problèmes économiques, excepté dans la mesure où il libérera des fonds provenant d'autres sources internationales, fonds qui seront utilisés pour réactiver l'économie.
La communauté internationale peut aider l'Argentine en ouvrant ses frontières aux marchandises argentines, en prenant au sérieux la rhétorique du libre-échange et en reconnaissant que le commerce peut jouer un rôle important non seulement pour une croissance à long terme, mais également pour le redressement économique. Les exportations contribueront à réactiver l'économie de l'Argentine tandis que les consommateurs d'Europe et d'Amérique bénéficieront de marchandises de haute qualité à des prix inférieurs. Telle est l'une des méthodes en vigueur pour faire fonctionner la mondialisation et en faire profiter ceux qui sont dans le besoin.
Project Syndicate
Leçons d'Argentine, Joseph Stiglitz - Janvier 2002. Extrait.
L'écroulement de l'économie argentine est à l'origine de la plus importante cessation de paiement de toute l'histoire. Tous les experts sont d'accord pour affirmer qu'il ne s'agit que du dernier épisode dans un ensemble de politiques de subventions orchestrées par le FMI, qui a ainsi gaspillé des milliards de dollars sans parvenir à sauver les économies que ces subventions devaient aider. (...)
L'austérité fiscale devait rétablir la confiance. Mais les chiffres des programmes du FMI n'étaient que fiction. Tout économiste digne de ce nom aurait pu prédire que les politiques de réductions fiscales allaient inciter un ralentissement, et que les objectifs du budget ne seraient pas atteints. Inutile de préciser que le programme du FMI ne remplit pas ses engagements. La confiance se rétablit rarement quand l'économie entre dans une récession profonde avec un taux de chomâge à deux chiffres.
Un dictateur militaire, tel que Pinochet au Chili, aurait peut-être pu réprimer les troubles politiques et sociaux qui naissent de telles conditions. Mais dans la démocratie argentine, ce fut impossible. Lors de mes visites répétées en Argentine, je me suis étonné de la capacité argentine à endurer ces souffrances ; pour moi, le plus surprenant fut que les troubles aient mis si longtemps à se manifester, non pas que les désordres publics renversèrent le président argentin.
(...) La mondialisation expose un pays a de terribles chocs. Les pays doivent faire face à ces chocs, et les ajustements de taux des changes font partie des mécanismes de régulation.
(...) Ignorer le contexte social et politique est dangereux. Tout gouvernement qui met en oeuvre des politiques qui laissent une grande partie de la population sous-employée ou sans emploi faillit à sa mission principale.
(...) La force économique (ou la confiance) se rétablit rarement avec des politiques qui mènent une économie dans une dépression profonde. Pour avoir insister sur des politiques de réductions, le FMI porte une large part de responsabilité.(...) Le FMI travaillera d'arrache-pied à se débarrasser de ces accusations : on parlera de corruption, ou du manque d'engagement argentin dans les mesures appropriées. Bien sûr, le pays devait mettre d'autres réformes en oeuvre, mais la situation s'aggrava quand l'Argentine suivit les conseils du FMI sur les politiques de réductions fiscales. La crise argentine devrait tous nous rappeler les besoins pressants de réformer le système financier mondial, et la réforme en profondeur du FMI doit en être le point de départ.
Project Syndicate
Interview donné au Quotidien Grec « AVGHI », Jacques Sapir - Mai 2012. Extrait.
La première option est d'inverser complètement la stratégie européenne en arrêtant l'austérité, en investissant pour relancer l'économie, en mettant en place un grand plan pour remettre l'économie parralèle dans l'économie légale pour augmenter les recettes fiscales. La deuxième possibilité est de laisser les Grecs sortir de la zone euro. Aujourd'hui le pays n'a pas la possibilité d'être gouverné. Négocier va être très compliqué. C'est un pari un peu fou, mais tout le monde considère que la Grèce est le membre gangréné de l'Europe. La stratégie de sortie de la zone euro était auparavant évoquée à mots couverts, elle fait aujourd'hui partie des scénarios, voir même du scénario central. Mais ce sera compliqué et éprouvant, car cela risque de se passer dans la panique.
Source : http://www.euractiv.fr/xavier-timbeau-sortir-grece-euro-pari-fou-interview
Copyright © EurActiv.frSortir la Grèce de l'euro "est un pari un peu fou"
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Copyright © EurActiv."La politique d’austérité imposée par la Troïka ne fonctionne pas. Elle pousse la Grèce dans une dépression qui réduit ses ressources fiscales et reproduit le déficit budgétaire. C’est une politique absurde et inhumaine. Les dirigeants qui ont signé le mémorandum soit ignorent tout de l’économie et de l’histoire, car nous savons depuis les années 1930 que de telles politiques sont condamnées à l’échec, soit ont sciemment commis un crime contre leur propre pays. Les Grecs ont eu raison de se révolter. C’est par la reconstruction de l’économie qu’il faudrait en réalité procéder. Mais pour cela, il faudrait investir massivement dans le pays, ce que l’on se refuse de faire.
Les menaces proférées contre la Grèce sont en réalité vides de sens. D’abord, il faut savoir qu’il n’existe pas de dispositions légales pour expulser un pays de la zone Euro. Ensuite, qu’un défaut et une sortie de la Grèce seraient coûteux pour les autres pays. Enfin que si les autorités Européennes se décident de suspendre le versement de l’aide, le gouvernement Grec peut réquisitionner la Banque Centrale et créer des Euros pour remplacer cette aide. Bien sûr, cela se ferait en contravention avec les dispositions du traité de l’Union Économique et Monétaire ; mais c’est techniquement possible. La Grèce a des moyens de pressions ses partenaires, et elle doit en user.
(...) Une telle politique serait doublement avantageuse. Soit elle convaincrait les autres pays qu’il vaut mieux re-négocier un plan d’aide intelligent, ce qui est exactement ce que veulent les Grecs, soit elle mettrait la Grèce en bonne position dans le cas d’un éclatement de la zone Euro. Si, devant l’action du gouvernement Grec, les pays de la zone Euro décidaient de dissoudre cette zone, alors la Grèce ayant liquidé ses dettes publiques (et supprimé la part de son déficit budgétaire qui provient des intérêts de cette dette) et solvabilisé ses entreprises, serait alors en bonne position pour affronter la dissolution de l’Euro et une dévaluation importante. Elle pourrait, avant la disparition de l’Euro, se servir de cet argent pour fonder une banque publique qui reprendrait le crédit aux entreprises et aux particuliers dans une situation où sa compétitivité aurait été restaurée.
(...) Il faudrait autoriser les États à se refinancer directement à la Banque Centrale Européenne, faire baisser le taux de change de l’Euro face aux autres monnaies et en particulier au Dollar, et financer un grand programme d’investissements de 500 à 700 milliards en Europe. Mais l’Allemagne refuse obstinément cette politique.
Dans ces conditions, nous allons vers un éclatement de la zone Euro, dont il est stupide de vouloir faire porter la responsabilité à la Grèce. La véritable cause de cet éclatement est l’intransigeance, passée et présente, de l’Allemagne."
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