• Intervention de la BCE : décryptage (mise à jour)


    Attention grosse bêtise de Christian Chavagneux (Alternatives Economiques), sur son blog :

    "La BCE n’intervient pas pour sauver les créanciers privés, qui étaient grassement rémunérés et le seront moins, mais pour sauver les débiteurs publics qui seront moins obligés de recourir à une austérité extravagante pour calmer les marchés. Si l’austérité dure moins longtemps, les déficits et la dette aussi, ce qui réduit les titres publics émis plus vite que sans l’intervention. C’est l’Etat concerné qui en profite et sa population."

     

    Or en réalité, grâce à cette action les mesures d'austérité vont pouvoir malheureusement continuer encore un peu plus longtemps.

    Comme le disent les keynésiens de l'OFCE :"Sauver l’euro ne servira à rien si on ne sauve pas d’abord l’Union européenne des conséquences sociales désastreuses de l’aveuglement budgétaire."

     Ou encore Patrick Artus : "Le pire est évité, mais on ne fait rien pour sortir de la crise des économies réelles"

    Olivier Berruyer : "La BCE, donc le contribuable, va porter le risque de défaut désormais, pour les beaux yeux des marchés."

     Jacques Sapir : "Ces mesures ne peuvent en effet cacher la victoire des thèses les plus dures de la Bundesbank"

    La Tribune : "L’effet des mesures de la BCE [seront] nettement déflationniste, elles [contribueront] à plonger l’économie dans une spirale récessive"




    Amis des acronymes, voici venu l’OMT, l'OFCE - Septembre 2012. Extrait.

    "La possibilité d’une sortie de la zone euro d’un pays qui serait en opposition avec ses pairs est toujours possible, mais dans le cas où la volonté de préserver l’euro est partagée, la BCE peut intervenir et jouer un rôle comparable aux banques centrales des autres grands Etats. Beaucoup d’espoirs sont donc autorisés par cette porte ouverte vers une sortie de la crise des dettes souveraines en zone euro. Pour autant, certains éléments, comme la conditionnalité, pourraient vite poser problème.  (...) Le marché qui est maintenant sur la table place aujourd’hui les pays de la zone euro dans un dilemme redoutable. D’un côté, l’acceptation du Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance de la zone euro (TSCG) conditionne l’éligibilité au FESF et au MES[1] et elle conditionne donc désormais l’éligibilité au programme OMT. Refuser de signer le traité budgétaire, c’est refuser par avance l’intervention potentielle de la BCE et donc accepter que la crise se prolonge jusqu’à l’éclatement de la zone euro ou jusqu’à un défaut dévastateur sur une dette souveraine. D’un autre côté, signer le traité, c’est accepter le principe d’une stratégie budgétaire restrictive sans discernement (la règle de réduction de la dette publique inscrite dans le TSCG sera dévastatrice) qui va enclencher en zone euro une récession en 2012 et peut-être en 2013. (...)

    Trouver une nouvelle marge de manœuvre (l’OMT) pour se lier immédiatement les mains (le TSCG et l’aveuglement de la Troïka sur la stratégie budgétaire) serait un gâchis formidable. Seul un revirement dans la stratégie budgétaire permettrait d’exploiter la porte ouverte par la BCE. Bref, sauver l’euro ne servira à rien si on ne sauve pas d’abord l’Union européenne des conséquences sociales désastreuses de l’aveuglement budgétaire."

    Sur le blog de l'OFCE



    "Derrière la décision de la BCE, il y a l'ombre d'Angela Merkel. Si Berlin ne s'est pas opposé à une action qui viole les principes de l'Allemagne, c'est qu'elle sert - aussi - les intérêts politiques de la chancelière.(...) Il semble donc bien que la chancelière ait décidé de mener à bien une stratégie qu’elle a mise au point cet été. Devant la fronde de son propre camp face à sa politique européenne et à un an de nouvelles élections fédérales, Angela Merkel ne veut prendre aucun risque. Pas question donc de renforcer les moyens accordés au Mécanisme européen de Stabilité (MES), ce qui nécessiterait d’en passer par un vote au Bundestag qui serait loin d’être acquis et qui fragiliserait sa coalition. Pas question pour autant de fâcher trop ouvertement avec les sociaux-démocrates plus europhiles par une politique trop complaisante pour les eurosceptiques de son propre camp. Enfin, pas question de prendre le risque d’une implosion ou d’une fragilisation de la zone euro par la sortie de la Grèce ou une attaque des marchés contre l'Italie. Ceci mettrait en effet à jour l’échec de la politique menée par la chancelière depuis le printemps 2010."

    "Pour bénéficier de l’action de la BCE, les pays de la zone euro devront en effet se soumettre aux mêmes conditions que celles posées pour une aide du Fonds européen de stabilité financière (FESF). Autrement dit, pour se voir racheter « à l’infini » sa dette de moins de 3 ans de maturité, il faudra accepter d’en passer par la venue de la Troïka et des « programmes d’ajustement » budgétaire. A priori, pour les pays « bénéficiant » déjà du soutien du FESF (Irlande, Portugal et Grèce), cette condition ne changera rien. Pour les autres, la question de ces programmes va se poser. (...)

    On perçoit alors le danger : pour réduire son « spread », un pays comme l’Italie pourrait accepter de nouveaux programmes de rigueur qui plomberont encore plus la croissance italienne déjà dans une récession profonde. Du coup, l’effet des mesures de la BCE serait nettement déflationniste, elles contribueraient à plonger l’économie dans une spirale récessive. « Ces mesures vont aggraver les politiques d’ajustement et enfoncer un peu plus la zone euro dans la récession, voire dans la dépression, rendant impossible l’ajustement recherché », analyse Jacques Sapir. (...)

    On semble donc loin des craintes allemandes d’hyperinflation. En réalité, les décisions de la BCE n’ont qu’un seul objectif : maintenir l’euro en créant de facto une socialisation des dettes. Mais ceux qui y voient un programme expansionniste risque d’en être pour leurs frais."

     source : Et si le "bazooka" de la BCE était une machine à déflation ?

                 BCE : pourquoi Angela Merkel a laissé faire

     Romaric Godin, La Tribune

     


    "Depuis le début de la crise de la zone euro, les autorités européennes ont toujours su mettre en place les mécanismes de soutien évitant les défauts majeurs et l’explosion de l’euro : création de l’EFSF-ESM, achats de dettes publiques par la BCE, repos à long terme, restructuration de la dette grecque. Les Etats continuent à se financer, les déficits extérieurs à être couverts par des entrées de capitaux et la zone euro est encore intacte. Mais, dans le même temps, aucun soutien aux économies réelles n’a été mis en place, au-delà des mécanismes habituels (BEI, fonds structurels), et, avec les politiques budgétaires restrictives et leurs effets induits, les situations économiques de plusieurs pays (Espagne, Italie, Grèce, Portugal, même France) continuent à se dégrader, leur solvabilité continue à décliner.
    Il s’agit bien en ce sens d’une stratégie « minimaliste » : le pire est évité, mais on ne fait rien pour sortir de la crise des économies réelles, ce qui impliquerait des politiques européennes de soutien à la création d’emploi, à l’investissement dans les secteurs exportateurs.
    On peut donc envisager la poursuite de cette dynamique : chaque fois que la crise devient trop sévère, de nouvelles initiatives pour stabiliser les marchés financiers et éviter l’explosion de l’euro (dans le futur, peut-être, expansion de la taille de l’ESM, accès de l’ESM à la BCE) ; mais pas d’amélioration de la situation des économies réelles, donc la perspective du maintien de l’euro mais d’un déclin lent et continuel de l’économie de la zone euro, une longue période de stagnation et de chômage élevé."

    source : La stratégie « minimaliste » de la zone euro depuis le début de la crise

    Patrick Artus

     

    "Comprenons bien. Il ne s’agit pas ici de planche à billets avec risque d’inflation (c’est stérilisé).

    Décryptage, pour éviter de lire des bêtises : Des investisseurs privés ont acheté de la dette espagnole à long terme. Ils risquent de ne pas être remboursés. “Drame”.

    Pas grave, la BCE va leur racheter leur dette, et au prix fort (dont la valeur est en train de revenir près du pair, au vu de cette garantie, c’est la conséquence de la baisse des taux observée).

    Conséquence 1 : les marchés financiers ne vont rien perdre. Conséquence 2 : La BCE, donc le contribuable, va porter le risque de défaut désormais, pour les beaux yeux des marchés.

    Notez que cette politique a été suivie avec la Grèce en 2010 et avec l’Espagne et l’Italie en 2011. Avec pour effet de faire baisser les taux de ces pays quelques semaines, et de leur faire gagner quelques centaines de millions d’euros d’intérêts. Mais la conséquence annexe est que la BCE a désormais 250 Md€ d’obligations pourries, et que si la Grèce fait de nouveau défaut, par exemple, la BCE n’aura plus de capitaux, et les Etats devront la recapitaliser comme prévu dans les traités.

    Au final, on prend le risque de couler la BCE et les Etats pour quelques intérêts privés, bel exemple de Ploutocratie.

    Bien égoïstement, je n’ai pas à payer des impôts pour sauver l’épargne mal placée des plus aisées. Pourquoi ne pas rembourser aussi les actionnaires d’eurotunnel, et les titulaires d’emprunts russes ?"

    source : BCE : Crime monétaire “illimité”

    Olivier Berruyer

     

    "Les mesures décidées par la Banque centrale européenne (BCE) le 6 septembre ont favorablement influencé les marchés. Mais cet enthousiasme sera de courte durée. Ces mesures ne peuvent en effet cacher la victoire des thèses les plus dures de la Bundesbank. Loin de soulager la zone euro dans la durée, elles ne peuvent, au mieux, que lui apporter un répit très temporaire. La crise de compétitivité et les forces de récession et de dépression vont continuer de s’étendre et leur effet se fera très rapidement sentir. (...)

    En ne s’attaquant qu’aux symptômes et non à la cause de cette crise, la BCE contribue à la renforcer. Elle nous prépare, pour les mois qui viennent, des effondrements économiques et sociaux qui mettront très vite à mal le dogme de « l’irréversibilité de l’euro »."

    source : Mario Draghi ou le pompier pyromane

    Jacques Sapir

     

    Par sa bêtise (récurrente) Christian Chavagneux, membre du conseil scientifique d'ATTAC se fait une nouvelle fois le porte parole de la gauche néolibérale. La gauche doit absolument se désintoxiquer de la propagande émanant des marchés financiers.


    Allez, pour la route, encore une intervention de Jean-Michel Quatrepoint : 

     


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  • Commentaires

    1
    Christophe Vieren
    Mardi 18 Septembre 2012 à 15:03

    Je partage le fond. En revanche, un petit conseil si je puis me permettre : lorsque l'on attribue de la "bétise récuRRente" à quelqu'un, faisons-le sans faute d'orthographe. Cela donnera d'autant plus de crédit à vos propos, d'autant qu'ils sont cités par l'IRIS.

    2
    Coma81 Profil de Coma81
    Mercredi 19 Septembre 2012 à 11:59

    reçu 5 sur 5.

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