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La vie après le capitalisme, Robert Skidelsky
"Il se peut que le socialisme ne soit pas une alternative au capitalisme, mais son héritier. Il héritera de la Terre non pas en dépossédant les riches de leurs biens mais en motivant et en incitant à des comportements éloignés de tout désir d’accumulation supplémentaire de richesse."
Robert Skidelsky
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La vie après le capitalisme, Robert Skidelsky, membre de la Chambre des Lords britannique, et professeur émérite d'économie politique à l'Université de Warwick - Janvier 2011. Extrait.
"J’ai publié en 1995 un ouvrage intitulé Le monde après le communisme. Je m’interroge aujourd’hui sur l’existence d’un monde au-delà du capitalisme.
Cette question n’est pas suscitée par le pire effondrement économique survenu depuis les années 30 ; le capitalisme a toujours connu des crises et continuera d’en connaître. Elle est plutôt suscitée par le sentiment que la civilisation occidentale est de moins en moins satisfaisante, embourbée dans un système d’incitations essentielles à l’accumulation de richesse, mais qui sapent notre capacité à en profiter. Le capitalisme pourrait être sur le point d’essouffler son potentiel à créer une vie meilleure – du moins dans les pays riches. (...)
Car « l’esprit du capitalisme » est entré dans la vie de l’humanité assez tardivement dans l’histoire. Précédemment, les marchés pour acheter et vendre étaient contraints par des restrictions juridiques et morales. Une personne qui consacrait son existence à faire de l’argent n’était pas considérée comme un bon modèle à suivre. La cupidité, l’avarice et la jalousie étaient considérées des péchés mortels. L’usure (gagner de l’argent avec de l’argent) était considérée une offense faite à Dieu.
Ce ne fut qu’au 18ème siècle que la cupidité devint moralement respectable. Il fut dès lors jugé qu’il était sainement prométhéen de transformer la richesse en argent et de le faire travailler pour gagner plus d’argent ; parce ce faisant, on faisait du bien à l’humanité. (...)
Le déshonneur de la cupidité n’est probable que dans les pays dont les citoyens ont déjà plus qu’ils n’ont besoin. Et même dans ces pays, de nombreuses personnes sont encore dans le besoin. Des éléments tangibles permettent de penser que les économies seraient plus stables et les citoyens plus heureux si la richesse et le revenu étaient distribués de manière plus égale. La justification économique des profondes inégalités de revenu – le besoin de stimuler les gens à être plus productifs – s’écroule lorsque la croissance ralentit.
Il se peut que le socialisme ne soit pas une alternative au capitalisme, mais son héritier. Il héritera de la Terre non pas en dépossédant les riches de leurs biens mais en motivant et en incitant à des comportements éloignés de tout désir d’accumulation supplémentaire de richesse."
Project Syndicate
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