• Le regard froid de Kenneth Rogoff sur l'Euro

    "Au lieu de restructurer le fardeau manifestement intenable de la dette du Portugal, de l'Irlande et de la Grèce (les PIG), les responsables politiques veulent établir des plans de sauvetage toujours plus importants sous des conditions d'austérité de moins en moins réalistes. Et malheureusement ils passent à l'action" (Septembre 2011)

    Il est devenu de plus en plus clair, au moins pour les grands pays, que les zones monétaires seront extrêmement instables à l’avenir, à moins qu’elles ne suivent les frontières nationales (...) l’euro pourrait ne pas passer le cap même de cette décennie."(Avril 2012)

    Kenneth Rogoff, ancien économiste en chef du FMI et professeur à Harvard

     

     

     

    L’Euro ne peut pas tenir en l’absence d’un centre, Kenneth Rogoff, Professor of Economics at Harvard University- Avril 2012. Extrait

     

    "Alors que le taux de chômage des jeunes atteint 50% dans des pays de la zone euro tels que l’Espagne et la Grèce, une génération est-elle en train d’être sacrifiée pour maintenir une monnaie unique qui s’applique à un groupe de pays trop différents que pour être soutenable ? (...)

    Il est devenu de plus en plus clair, au moins pour les grands pays, que les zones monétaires seront extrêmement instables à l’avenir, à moins qu’elles ne suivent les frontières nationales. Au minimum, les unions monétaires requièrent une confédération, détenant beaucoup plus de pouvoir centralisé de taxation et de mettre en œuvre d’autres politiques que ce que les leaders européens n’envisagent pour la zone euro.

    (...) Mundell ne s’est pas spécialement intéressé aux crises financières, mais il semble assez évident que la mobilité du travail est plus importante aujourd’hui que jamais. Sans surprise, les travailleurs quittent les pays en crise de la zone euro, mais pas nécessairement en direction de sa région nordique plus forte. Au contraire, les travailleurs portugais fuient vers d’anciennes colonies en plein boom comme le Brésil et Macau. Les travailleurs irlandais quittent le pays par centaines pour aller au Canda, en Australie ou aux Etats-Unis. Les travailleurs espagnols se dirigent vers la Roumanie, qui jusqu’aujourd’hui a été une source majeure de travail agricole en Espagne. (...)

    Par la suite, d’autres auteurs reconnurent qu’il y avait d’autres critères essentiels pour le succès d’une union monétaire, qui sont difficiles à obtenir sans intégration politique profonde. Peter Kenen a émis l’idée à la fin des années 1960 qu’une union monétaire, en l’absence de mouvement du taux de change pour absorber les chocs, a besoin de transferts fiscaux pour partager le risque. (...)

     Un corollaire logique des critères établis par Kenen et Obstfeld, et même du critère de mobilité du travail de Mundell, est que une union monétaire ne peut pas survivre sans légitimité politique, plus que probablement grâce à des élections populaires au niveau de la région impliquée. Les leaders de l’Europe ne peuvent continuer en permanence à transférer de gros montants entre pays sans un cadre politique européen cohérent.

     L’Europe ne respectera peut-être jamais aucun critère de zone monétaire «& optimale& ». Pourtant, sans davantage d’intégration économique et politique profonde – qui pourrait ne pas inclure tous les membres actuels de la zone euro au final – l’euro pourrait ne pas passer le cap même de cette décennie."

     

    Project-Syndicate

     


    Un test de gravité pour l'euro, Kenneth Rogoff, ancien chef économiste au FMI et professeur d’économie et de politique publique à l’Université de Harvard - Novembre 2011. Extrait.

     

    "(...) Le nouveau plan s'appuie sur un mélange discutable de douteux gadgets d'ingénierie financière et de vagues promesses de modeste financement asiatique. Même la meilleure partie du plan, la décote de 50% proposée (mais pas vraiment acceptée) pour les détenteurs de la dette souveraine grecque du secteur privé, ne suffit pas à stabiliser les profonds problèmes de dette et de croissance de ce pays.

    Comment se fait-il alors que l'euro s’échange 40% plus cher que le dollar américain, alors même que les investisseurs continuent d'afficher la dette gouvernementale de l’Europe du sud avec grand scepticisme ? Je vois une très bonne raison pour laquelle l'euro doit chuter et six raisons pas si convaincantes que cela, selon lesquelles il devrait demeurer stable ou monter. Commençons par les raisons pour lesquelles l'euro doit chuter.

    En l’absence d'une voie claire vers une union financière et politique beaucoup plus restrictive, qui peut se conduire uniquement par le biais d’un changement constitutionnel, le foyer de transition actuel du système euro paraît de plus en plus intenable. Il semble évident que la Banque Centrale Européenne sera forcée d’acheter des quantités beaucoup plus grandes d’obligations souveraines (à haut risque) de la zone euro. Cela peut fonctionner à court terme, mais si les risques de défaillance de l’emprunteur souverain se matérialisent – comme ma recherche menée avec Carmen Reinhart en suggère la probabilité – la BCE devra à son tour être modernisée. Et si les pays du nord de la zone euro, plus forts, ne sont pas disposés à digérer ce transfert – et si la résistance politique se renforce – la BCE sera peut-être être forcée de se recapitaliser elle-même par l'intermédiaire de création monétaire. Quoi qu'il en soit, la menace d'une profonde crise financière est forte.

    Compte tenu de cela, quels arguments soutiennent la valeur actuelle de l'euro, ou son émergence ?

    Premièrement, les investisseurs pourraient se dire que dans le pire des scénarios, les pays d'Europe du nord évinceront efficacement les pays les plus faibles, en créant un super-euro. Mais alors que ce scénario a un certain accent de la vérité, toute rupture serait certainement très traumatisante, causant un plongeon de l'euro avant qu’il ne recouvre sa valeur de base. (...)

     

    Alors, oui, il existe beaucoup de raisons vaguement plausibles selon lesquelles l'euro, malgré sa crise interminable, est resté si ferme jusqu'à présent par rapport au dollar. Mais ne comptez sur un taux de change euro-dollar stable – et encore moins sur un euro encore plus fort – pour l'année à venir."

    Project Syndicate


    « Les Etats-Unis feront tout pour repousser l'implosion de la zone euro après 2012 », Par Kenneth Rogoff, professeur d'économie et de politique publique à l'Université d'Harvard et ancien économiste en chef du Fonds Monétaire International - Septembre 2011. Extrait.

     

    "Pour préserver l'euro, il faudra une vraie réforme institutionnelle d'ici à un ou deux ans. Les Etats-Unis vont tout faire pour que l'implosion de l'euro ne se produise pas avant l'élection américaine de 2012. Washington aimerait voir l'Allemagne étendre son filet de protection. Je n'ai pas de doute qu'au bout du compte l'Allemagne finira par garantir un montant très important de la dette européenne. Le problème est que les Européens manquent de crédibilité en disant qu'ils ne peuvent pas permettre à la Grèce de faire défaut. C'est ridicule."

     

    Dans Les Echos



    Le FMI tiendra-t-il tête à l'Europe ?  par Kenneth Rogoff, professeur d'économie et de politique publique à l'Université d'Harvard et ancien économiste en chef du Fonds Monétaire International- Septembre 2011. Extrait.

    "La réaction outrée des instances européennes, comme quoi les banques n'ont besoin de rien d'autre qu'un soutien d'appoint à leur trésorerie, devrait renforcer la détermination du Fonds à appliquer la logique à la situation de l'Europe.

    Jusqu'ici, le Fonds a poliment appuyé chaque initiative européenne de sauvetage des économies périphériques surendettées de la zone euro, en engageant des fonds dépassant déjà les 100 milliards pour la Grèce, le Portugal et l'Irlande. Malheureusement, le FMI ne risque pas seulement les contributions de ses membres, mais, finalement, sa propre crédibilité institutionnelle. (...)

    Même hors d'Europe, le FMI a pendant longtemps donné trop de crédibilité aux gouvernements en place, plutôt que de se concentrer sur les intérêts à long terme du pays et de sa population. Le Fonds ne rend pas service aux citoyens européens en évitant de préconiser par tous les moyens une solution plus réaliste, y compris la dévaluation massive de la dette des pays en périphérie de la zone euro et le transfert de garanties des pays du centre vers d'autres pays.

    Comme le Fonds a désormais reconnu les trous béants dans la capitalisation d'un grand nombre de banques européennes, il peut commencer à insister pour que soit adoptée une solution crédible et globale à la crise de la dette de la zone euro, qui comportera une dissolution partielle de la zone euro ou une réforme constitutionnelle fondamentale. L'avenir de l'Europe, sans mentionner celui du FMI, en dépend."

    Project Syndicate

     

    L'euro est en péril, par Kenneth Rogoff,  professeur d'économie et de politique publique à l'Université d'Harvard et ancien économiste en chef du Fonds Monétaire International - Juin 2011. Extrait.

    "L'Europe traverse une crise institutionnelle. Personne semble-t-il n'a le pouvoir d'imposer une solution raisonnable à la crise de la dette des pays de sa périphérie. Au lieu de restructurer le fardeau manifestement intenable de la dette du Portugal, de l'Irlande et de la Grèce (les PIG), les responsables politiques veulent établir des plans de sauvetage toujours plus importants sous des conditions d'austérité de moins en moins réalistes. Et malheureusement ils passent à l'action."

    "L'Europe n'a sûrement pas besoin d'un FMI laxiste. Avec une crise institutionnelle, nous en sommes exactement au point où il doit aider l'Union européenne à prendre les décisions difficiles qu'elle ne peut prendre d'elle-même. Il doit intervenir en faveur du Portugal, de l'Irlande et de la Grèce de manière à restaurer leur compétitivité et à alléger leur dette, tout en leur offrant une perspective réaliste de retour à la croissance. Il doit empêcher que la paralysie institutionnelle de l'Europe ne transforme la dette de la zone euro en une catastrophe économique mondiale."

    Project Syndicate


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