• Euro : les économistes anglo-saxons font la moue

    "Comment certains pays de la zone euro en sont-ils arrivés là ? Le lancement d'une monnaie unique sans davantage d'intégration politique ou économique, idée des plus saugrenues, a certainement joué un rôle, au-delà même des transgressions financières incontestablement commises par des pays comme la Grèce et le Portugal" (Juin 2011)

    Amartya Sen, Prix Nobel


    "Pour le moment, la zone euro en est au point où un divorce à l'amiable est peut-être préférable à des années de déclin économique et de mésentente politique." (Décembre 2010)

    Dani Rodrick, professeur à Harvard

     

    "La zone euro sous sa forme actuelle ne peut plus vraiment être sauvée ; l’euro survivra, mais la zone devra se rétrécir" (2011)

     Robert Skidelsky professeur à l'Université de Warwick


     

     

    Voir les articles  :

    Demain, une Europe morcelée ?, Harold James - Juin 2012

    L’euro dans une zone sur le point de se rétrécir, Robert Skidelsky - Décembre 2011

    A la reconquête de notre démocratie, Par Amartya Sen - Juin 2011

    L'inévitable éclatement de l'euro, par Dani Rodrik - Décembre 2010

     

    Pour les textes de Stiglitz, c'est là

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       Pour ceux de Soros , c'est ici

     

    * * *

     

     

    Demain, une Europe morcelée ?, Harold James - Juin 2012. Extrait.

    "Alors qu'un nouveau sommet n'a apporté aucun résultat, les dirigeants européens seraient bien inspirés d'imaginer à quoi ressemblera leur continent - et le monde - s'ils ne parviennent pas à trouver une solution efficace à la crise financière et économique de l'Europe. Qu'est-ce qui arrivera en cas de désintégration de la zone euro et de celle alors quasi inévitable de l'UE ? (...)

    L'intégration était animée de son propre mouvement historique, les forces antagonistes étaient toujours susceptibles de se réveiller. L'hostilité à la construction européenne tient à la méfiance à l'égard d'une union de transfert susceptible de conduire à une redistribution des richesses. Pourquoi donner notre argent à des gens dans des régions très différentes ? Quelle sorte d'exigence ces étrangers ont-ils ? (...)

    Si le centre politique de l'Europe est perçu comme arrogant et agissant arbitrairement, son autorité va être rejetée. L'adoption d'un nouveau traité peut sembler un processus complexe, mal adapté à la gestion d'une crise financière moderne en évolution rapide, mais c'est le seul moyen de conférer la légitimité voulue aux institutions nécessaires pour résoudre la crise - notamment en donnant l'assurance que les transferts de richesse ne se prolongeront pas indéfiniment.

    Si le processus d'intégration européenne s'inverse, on ne verra pas apparaître un ensemble d'Etats-nations heureux et prospères, à l'image de ce qui s'est passé dans les années 1950 et 1960. Les Allemands du sud se demanderont s'ils ne transfèrent pas une trop grande partie de leur richesse au profit de la vieille ceinture industrielle du nord et les Italiens du nord qui soutiennent la Ligue du Nord anti-européenne voudront échapper à l'autorité de Rome et du sud pour former ce qu'ils appellent "l'Etat indépendant de Padanie".

    Un retour en arrière ne ramènerait pas simplement l'Europe au milieu du 20° siècle. Pourraient réapparaître de petits Etats analogues à ceux du milieu du 19° siècle, sans transfert budgétaire, si ce n'est au sein d'une zone limitée. Mais la dynamique pourrait aller au-delà : au milieu du 18° siècle les territoires germaniques comportaient quelques 350 entités politiques indépendantes et plus de 3000 avant le milieu du 17° siècle. (...)"

    Project Syndicate

     

     

     

    L’euro dans une zone sur le point de se rétrécir, Robert Skidelsky est professeur émérite d'économie politique à l'Université de Warwick - Décembre 2011. Extrait.

    "(...) L’imposition par la chancelière Merkel de son régime de fer à des gouvernements déjà vacillants rend la crise inéluctable. La poursuite d’un discours prônant le salut par la rigueur budgétaire au moment où l’économie pique du nez et où les banques s’effondrent tient de la répétition de l’erreur classique du chancelier allemand Heinrich Brüning, de 1930 à 1932.

    La zone euro a certainement besoin de plus qu’un simple renflouement. Sa périphérie doit redevenir concurrentielle. Certains analystes trouvent d'ailleurs encourageant la fonte actuelle des déficits commerciaux des pays méditerranéens. D’après eux, les déséquilibres structurels des échanges commerciaux au sein de la zone euro sont en train de se corriger d’eux-mêmes. Malheureusement, ces ajustements ne reposent pas sur une hausse des exportations, mais bien sur les baisses des importations en baisse qui découlent du faible niveau d’activité économique. (...)

    L’assouplissement quantitatif, combiné aux investissements publics, pourrait donner l'impulsion de croissance dont la zone euro a grandement besoin pour réduire progressivement le fardeau global de sa dette. Cependant, il est presque certain qu’aucune des deux mesures ne sera mise en place, et encore moins les deux ensembles. (...)

    Cela signifie que la zone euro sous sa forme actuelle ne peut plus vraiment être sauvée ; l’euro survivra, mais la zone devra se rétrécir. Une seule question demeure. Quelle sera l’étendue des travaux de démantèlement ? Quelles en sont les échéances ? Et de quelle manière se dérouleront-ils ? La Grèce et probablement les autres pays méditerranéens déclareront forfait et recouvriront leur pouvoir d’imprimer leur propre monnaie et de la dévaluer par rapport aux autres devises.

    Certes, des ondes de choc se feront sentir dans le monde entier. Mais, parfois, de telles secousses sont salutaires, car elles brisent les embâcles et refont circuler les eaux dormantes de l’économie mondiale."

     

    A la reconquête de notre démocratie, Par Amartya Sen, prix nobel d'économie  - Juin 2011. Extrait.

    " Dans la pratique de la démocratie, l’Europe a été le phare du monde. Il est par conséquent inquiétant de constater que les dangers qui menacent la forme démocratique de gouvernement, se faufilant par la petite porte des priorités financières, ne suscitent pas l’attention qu’ils méritent. Il est temps de se poser de graves questions quant au risque que représente, pour la gestion démocratique de l’Europe, le rôle monstrueusement boursouflé des institutions financières et des agences de notation, qui font désormais la loi en toute impunité sur des pans entiers de la vie politique européenne. (...)

    Comment certains pays de la zone euro en sont-ils arrivés là ? Le lancement d'une monnaie unique sans davantage d'intégration politique ou économique, idée des plus saugrenues, a certainement joué un rôle, au-delà même des transgressions financières incontestablement commises par des pays comme la Grèce et le Portugal. (...)

    C'est une piètre consolation de me rappeler que j'étais fermement opposé à l'euro, tout en étant très favorable à l'unité européenne. Mon inquiétude à propos de l'euro était liée pour une bonne part au fait que chaque pays allait perdre la marge de manœuvre laissée par la politique monétaire et les ajustements des taux d'intérêts, ce qui par le passé avait été d'un grand secours à certains pays en difficulté. Au lieu de quoi aujourd'hui il faut déployer des efforts désespérés pour stabiliser les marchés financiers, au détriment du niveau de vie des citoyens.

    L'Europe pourrait se passer de la liberté monétaire si par ailleurs elle était intégrée sur le plan politique et budgétaire (comme c'est le cas des Etats des Etats-Unis), mais en optant pour ce compromis qu'est la zone euro, l'UE est allée droit la catastrophe. Le formidable projet politique d'une Europe unie et démocratique s'est vu adjoindre une intégration financière incohérente.

    Aujourd'hui, repenser la zone euro poserait de nombreux problèmes, mais ceux-ci doivent être débattus intelligemment : il ne faut pas laisser l'Europe dériver au gré des vents de la finance, prisonnière d'une pensée étriquée, au bilan catastrophique. Avant tout, il faut commencer par limiter la capacité des agences de notation à imposer leurs diktats. Ces agences sont difficiles à discipliner, malgré leurs résultats peu reluisants, mais les gouvernements peuvent peser dans la balance s'ils font entendre leur voix tout en recherchant des solutions, en particulier avec l'appui des institutions financières internationales. Il faut de tout urgence mettre fin à la marginalisation de la tradition démocratique de l'Europe. La démocratie européenne revêt une grande importance pour l'Europe – et aussi pour le reste du monde. "

    Dans The Guardian, traduction Presseurop

     

    L'inévitable éclatement de l'euro, par Dani Rodrik,  professeur d'économie politique, université de Harvard - Décembre 2010. Extrait.

    " Quand un plan  de secours conjoint des pays de la zone euro et du FMI a sauvé la Grèce de la faillite en mai dernier, il était évident que l'opération n'apporterait qu'un répit momentané. Maintenant un domino supplémentaire est tombé. Avec les difficultés de l'Irlande qui menacent de s'étendre au Portugal, à l'Espagne et même à l'Italie, le moment est venu de se poser la question de la viabilité de l'union monétaire européenne.

    Ces mots ne me viennent pas facilement, car je ne suis pas un eurosceptique. Contrairement à d'autres, je croyais que la zone euro s'insérait parfaitement dans un projet européen de grande ampleur. L'Europe a eu la malchance d'être frappée par la pire crise financière depuis les années 1930 alors qu'elle n'est qu'à mi-chemin de son processus d'intégration : trop loin pour éviter les déséquilibres commerciaux ; pas assez pour gérer les crises. (...)

    Le véritable problème en Europe n'est pas le surendettement de l'Espagne ou de l'Irlande ou le poids de la dette espagnole ou irlandaise sur le bilan des banques européennes. Qui se préoccupe du déficit des comptes courants de la Floride ? Non, le véritable problème est l'absence d'institutions paneuropéennes qui seraient nécessaires au bon fonctionnement d'un marché financier intégré. Il y a défaut d'institutions politiques adéquates au centre. L'UE nous a appris une précieuse leçon au cours des dernières décennies : premièrement, l'intégration financière exige la stabilité entre les devises nationales ; deuxièmement, éliminer le risque lié aux taux de change exige que l'abandon des devises nationales se fasse simultanément ; et maintenant la troisième leçon : sans union politique, l'union monétaire est irréalisable entre des démocraties. (...)

    "Les plans de sauvetage de la Grèce et de l'Irlande ne sont que des palliatifs : ils ne diminuent pas l'endettement, ils n'ont pas arrêté la contagion, et l'austérité budgétaire qu'ils imposent retarde la reprise économique.  L'appartenance à la même zone monétaire que l'Allemagne va condamner ces pays à des années de déflation, de chômage et d'instabilité politique sur le plan intérieur. La sortie de la zone euro pourrait être la seule solution réaliste pour y échapper. L'éclatement de la zone euro ne la condamnerait pas définitivement. Des pays pourront s'unir, et le faire avec crédibilité, quand les conditions budgétaires, réglementaires et politiques seront réunies. Pour le moment, la zone euro en est au point où un divorce à l'amiable est peut-être préférable à des années de déclin économique et de mésentente politique."

    Dans La Tribune

     


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  • Commentaires

    1
    BA
    Jeudi 14 Juin 2012 à 07:18

    Mercredi 13 juin 2012 : les dominos tombent les uns après les autres.

     

    Portugal, Irlande, Italie, Grèce, Espagne, Chypre : six Etats foncent vers un défaut de paiement total.

     

    1- Espagne : l'agence d'évaluation financière américaine Moody's a abaissé mercredi la note d'endettement de long terme de l'Espagne de trois crans, à "Baa3". Celle-ci se situe juste au-dessus de la catégorie "spéculative", une sanction sévère pour le gouvernement de Mariano Rajoy.

     

    2- Chypre : l'agence d'évaluation financière Moody's a abaissé mercredi de deux crans la note d'endettement de long terme de Chypre à Ba3, l'enfonçant encore plus loin en catégorie spéculative.

     

    Considérant que l'Union Européenne était à un moment "crucial", le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, a décoché de son côté des flèches en direction de celles des "capitales" qui ne mesurent pas l'urgence de la situation.

     

    "Nous avons un problème systémique devant nous, nous devons avoir un cap et le maintenir. Je ne sais pas si l'urgence est bien comprise par toutes les capitales aujourd'hui", a-t-il déclaré devant le Parlement européen à Strasbourg.

     

    http://www.boursorama.com/actualites/italie-monti-affiche-sa-serenite-malgre-la-flambee-des-taux-d-emprunt-80574aa0b4cacf171c2e010311c52766

     

    José Manuel Barroso vient de dire la phrase la plus importante :

     

    "Nous avons un problème systémique devant nous"

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