• Les vieilles idées d’Emmanuel Macron - Bruno Amable dans Libération, le 16 Novembre 2015

    Extrait :

    "Emmanuel Macron fait de grands efforts de communication pour soigner son image de décideur public jeune et dynamique cherchant à moderniser un pays engoncé dans un carcan d’institutions surannées et paralysé par les égoïsmes catégoriels ; un peu (beaucoup) comme Valéry Giscard d’Estaing au siècle dernier. (...)

    Ce n’est pas l’indigence du discours d’Emmanuel Macron qui importe, c’est l’éventuelle réussite de sa stratégie : faire émerger les forces politiques qui mettront en œuvre une transformation néolibérale (au moins partielle) de l’économie française en prenant appui sur un bloc social articulé autour de classes moyennes qualifiées, le bloc bourgeois. (...)

    En rompant avec une catégorie sociale centrale du bloc de gauche, Macron envoie en direction des partis de droite un signal de crédibilité de sa stratégie de rupture d’avec ce bloc et de sa volonté d’une nouvelle alliance politique s’appuyant sur le bloc bourgeois. Une fois les groupes sociaux de gauche enfin décrochés (les boulets), le PS sera bien obligé de s’allier avec une partie de la droite. Et le vieux fantasme d’une union de la «gauche de la droite» avec la «droite de la gauche» deviendra réalité. L’objectif politique d’Emmanuel Macron n’est pas plus original que ses déclarations."

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  • Sur le site : www.revue-ballast.fr, interview de Zoe Konstantopoulou, ex présidente du parlement grec

     

    Extrait :

    "Le but déclaré du gouvernement, c'était de gagner le référendum. Mais durant la semaine de campagne, il y a eu des interventions de la part de membres du gouvernement qui étaient tout à fait contraires à ce but et qui n'allaient pas dans le sens de protéger la procédure. Par exemple, des déclarations de M. Dragasákis, le mardi 30 juin, disant que le référendum serait annulé. En tant que présidente du Parlement, j'ai clarifié publiquement qu'il n'y avait aucune manière de retirer un référendum décidé par le Parlement. Tsípras a aussi fait des interventions qui allaient dans le sens de gagner. Ma conclusion est que Tsípras ne pensait pas qu'il allait gagner. Je pense qu'il avait perdu le sens de la société, et c'est pourquoi il avait l'air aussi surpris par l'ampleur de la manifestation pour le « non », le 3 juillet — la plus grande organisée à Athènes depuis quarante ans. (...)

    "Pendant cinq années, les créditeurs ont fait la guerre à toute procédure démocratique. Ils n'étaient jamais contents quand il y avait des élections en Grèce, qu'à chaque fois ils présentaient comme un danger contre l'économie. Ils étaient très mécontents avec le référendum. La première fois qu'ils étaient contents d'un processus électoral, c'est quand Tsípras a décidé de dissoudre ce Parlement qui comptait une bonne partie de députés refusant la capitulation. Pour moi, ces élections étaient conclues avec les créditeurs pour se débarrasser de ceux qui résistaient. Elles étaient faites pour qu'il soit impossible, ou presque impossible d'avoir une représentation politique de la gauche anti-mémoranda et anti-austérité"

     

     

     

     


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  • Lire l'article complet sur Contretemps web

    "Une fois de plus la gauche a perdu. Bien sûr, nous conservons ce que Daniel Bensaïd nommait « le droit précieux de recommencer ». Nous n’aurons peut-être même pas besoin de patienter très longtemps, tant les contradictions sociales et politiques s’aiguisent sur le vieux continent. Ce qui nous est interdit, en revanche, c’est de répéter les mêmes erreurs. (...) Plusieurs clés d’interprétation s’offrent à nous. Je choisis ici de mettre un nom sur la débâcle de Syriza: le défaitisme. Le défaitisme est cette attitude qui n’envisage que la déroute et finit par y contribuer. Dans le cas présent, il s’agit d’abandonner sa propre politique plutôt que de renoncer à changer l’Europe. Cette préférence pour la défaite au niveau national au nom d’une inaccessible victoire directement continentale est la raison principale pour laquelle les bifurcations possibles en Grèce ont été enterrées. Le refus de rompre avec l’euro par la gauche fut la pierre angulaire du problème, le lieu où l’absorption de Syriza par ce que Tariq Ali appelle l’extrême-centre fut consommée. (...)

    L’analogie historique la plus pertinente est sans doute le fameux tournant de la rigueur décidée par les socialistes français en 1983. François Mitterrand aurait alors déclaré : « je suis partagé entre deux ambitions : celle de la construction de l’Europe et celle de la justice sociale. Le SME (Système monétaire européen) est nécessaire pour réussir la première, et limite ma liberté pour la seconde ». Comme François Mitterrand, Alexis Tsipras a tranché : pour l’Europe, contre la justice sociale. (...)

    L’idée selon laquelle le Grexit aurait été synonyme d’apocalypse est la principale responsable de la débâcle de Syriza. Cette thèse très courante se retrouve par exemple sous la plume de Pierre Laurent, le secrétaire générale du PCF, qui en fait la clé de voûte de son argumentation en défense de la reddition de Tsipras :« le Grexit, souhaité de bout en bout par le gouvernement allemand, aurait signifié une faillite catastrophique pour les couches populaires en Grèce. (…) En acceptant, contraint, les conditions draconiennes de l’accord, c’est donc en quelque sorte maintenu dans la prison de l’austérité que Tsípras a décidé de continuer à mener le combat, parce que le choix alternatif du Grexit n’était pas celui de la liberté mais celui du condamné à mort ». (...)

    Le climat de terreur vis-à-vis du Grexit s’est déployé sur un double registre : d’une part, celui du choc économique associé au changement de régime monétaire et, d’autre part, celui de la puissance symbolique associée à l’euro qui, au-delà de son rôle monétaire, est chargé des aspirations au rattrapage du côté des pays de la périphérie et, plus généralement, d’un horizon humaniste de dépassement des clivages nationaux. (...)

    En quelques années le signifiant Europe a changé de contenu. Ce mot évoquait la fraternisation de peuples autrefois ennemis, la promesse d’une démocratie post-nationale, celle d’une prospérité partagée. Il est désormais synonyme de dépression économique, d’austérité, d’autoritarisme et de rancœur ravivées entre les peuples. Loin d’apporter une convergence des standards de vie à l’échelle continentale, il a produit une polarisation sociale accrue au sein des pays et entre les pays. Les économies de la périphérie sont cantonnées à un statut de semi-protectorat sous le joug d’un nouvel impérialisme orchestré au premier chef par les classes dominantes allemandes et leurs alliées européennes, à commencer par les multinationales françaises de l’industrie et de la banque.

    La victoire dans les urnes de Syriza le 20 septembre 2015 ne change pas la donne. Au contraire, elle entérine la normalisation de ce parti qui avait promis d’interrompre la litanie des coupes budgétaires et des réformes structurelles qui forment aujourd’hui le seul horizon des partis de l’extrême centre. L’échec d’Unité populaire témoigne de la difficulté de rouvrir la brèche lorsque l’enthousiasme est retombé et que prévaut la logique du moindre mal.

    L’événement qui me hante est celui 13 juillet 2015. Ce petit matin lors duquel les espoirs de millions de grecs et des forces de gauche sur tout le continent se sont évanouis a révélé crument une impasse stratégique : prioriser l’idée européenne implique pour la gauche au pouvoir de se nier elle-même. J’en tire une leçon. Pour ne plus s’écraser dans l’insignifiant, la gauche doit s’arrimer solidement aux intérêts immédiats des subalternes, c’est-à-dire récuser l’austérité et préparer la sortie de la monnaie unique. Au défaitisme de l’autre Europe s’oppose la volonté de rompre."


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