• Le tournant de la rigueur en 1983, a signifié la fin de l'aventure de la sociale démocratie en France. La transformation sociale n'a plus été à l'ordre du jour, et le soutien des classes populaires s'est délité progressivement. Dès lors, les deux partis de gauche, qui partageaient alors une base idéologique et programmatique commune, ont évolué chacun à leur façon.

    Le parti communiste, sans perspective politique dans le contexte hostile de la mondialisation, mais fidèle à sa rhétorique anticapitaliste, s'est effondré électoralement. Deux fois discrédité, par sa grande erreur historique de s'être compromis avec le totalitarisme soviétique, mais aussi par sa stratégie d'alliance avec un parti socialiste désormais converti au capitalisme et à l'économie de marché, il a de moins en moins été en mesure d'attirer à lui les votes contestataires. On sait que le FN s'est chargé très tôt de délester le PC d'une partie du vote des classes populaires, avant que l'essor de l'extrème gauche, à partir de 2002, ne vienne définitivement l'achever.

    Du côté des socialistes, le tournant de la rigueur, a donné le coup d'envoi à une évolution sociale-libérale du parti, qui, avec le déclin du parti communiste, a vu disparaitre toute menace sur sa gauche. Au contraire, le basculement à l'extrême droite des catégories populaires lui a permis de se positionner en rempart contre "le fascisme" et de se recentrer en parti promoteur du libéralisme culturel et défenseurs des minorités. Le rapport récent de Terra Nova, think tank influent du PS, est l'aboutissement de ce long cheminement idéologique, qui veut assumer pleinement le divorce avec les perdants de la mondialisation, ouvriers, employés, ruraux, tous abandonnés à la droite lepéniste.

    Le spectre politique de ces trentes dernières années s'est donc organisé autour de partis dits de gouvernement et de partis anti-système dont les scores n'ont cessé de progresser, d'abord par la droite avec le FN, puis dans la période récente, par la gauche, avec le parti d'Arlette Laguiller et celui d'Olivier Besancenot. Au cours des années 2000, le système a cédé à deux reprises : en 2002, lorsque le candidat du Front National a été qualifié au second tour de l'élection présidentielle, en lieu et place du favori à la victoire, le socialiste Lionel Jospin; en 2005, lorsque le peuple français a voté contre ses élites lors du référendum sur le TCE.

    Le rejet en mai 2005 du projet de "constitution pour l'europe" est une date clé. Elle clôt la période du consensus néo-libéral en France, caractérisée par la très grande proximité idéologique des partis de gouvernement - le philsophe Marcel Gauchet dénoncera la "pensée unique" de la classe dirigeante -, aboutissant à cette situation, absurde, lors de l'élection présidentielle de 2002, d'un candidat socialiste proclamant haut et fort que "son projet n'est pas socialiste"  tandis que son adversaire de droite est qualifié par nombre de commentateurs de "radical-socialiste" (du nom de ce parti de centre-gauche de la 3ème république).

    Plus encore, cette date est celle du divorce des français d'avec la construction européenne, laquelle représentait le fond de commerce idéologique du Parti socialiste. Suite à l'échec des plans de relance en 1981, le parti en avait conclut à l'impossibilité d'établir "le socialisme dans un seul pays", et il lui avait fallu donner un nouvel horizon au peuple de gauche. C'est pourquoi, à partir de 1983, Mitterand fit le choix d'une relance la construction européenne, qui donna le projet de monnaie unique adopté par référendum en 1993. Jean Pierre Chevènement, qui a bien connu cette période en tant que ministre du gouvernement mitterand, témoigna plus tard que le président socialiste en vint à faire de « l’Europe, un mythe de substitution au projet de transformation sociale qui l’avait porté au pouvoir en 1981 ». D'où la profonde légitimité de la construction européenne aux yeux du peuple de gauche, comme possibilité de refaire au niveau européen, ce qui a été défait par la mondialisation. Le choix de l'euro était envisagé comme le prélude à une europe sociale. Afin de convaincre les derniers indécis, quelques semianes avant le référendum de 1993, Jacques Delors pris cet engagement : "Votez Oui à Maastricht et on se remettra au travail tout de suite sur l'Europe sociale

    Mais l'Europe n'a pas tenu ses promesses. La victoire de la gauche en 1997, dans un contexte européen très favorable à la sociale démocratie, a fait naître l'espoir d'un grand pas en avant sur le terrain du social. Déception immédiate suite à l'échec du sommet d'Amsterdam, qui devait être la grand messe de l'emploi, mais qui confirmera la dérive néo-libérale du projet européen. Autre élément important, les peuples européens ont été rattrapés par leur histoire. Dans la foulée de la chute du mur de Berlin, les pays d'ex-europe de l'Est exprimèrent le désir légitime d'intégrer le projet européen, et de sceller ainsi la réunification politique du continent. Ce faisant, s'est éloigné définitivement la perspective d'une plus grande intégration économique et sociale.

    Tout d'un coup, l'Europe est apparue pour ce qu'elle est devenue, libérale. Paradoxalement, l'euro eu donc pour effet de stopper nette la construction européenne, les états se contentant uniquement de jouer chacun leur partition, dans le cadre des règles qui avaient été définies lors du traité de maastricht et qui leurs semblaient suffisantes. Le "non" de 2005 a signifié le rejet d'une europe perçue comme une zone de dumping fiscal et social généralisée.  La fuite en avant de l'élargissement continua après 2005, les politiques de dérégulation aussi. Le traité de Lisbonne, nouveau nom du TCE, est adopté en force, accentuant encore la perte de légitimité des institutions de l'UE aux yeux des français. 

    Le bilan est donc catastrophique pour les socialistes français qui auront accompagné, tout le long, la mutation néo-libérale de l'UE, faisant campagne en faveur de la constitution, avant d'être désavoués par leur propre électorat. La crise actuelle de l'euro, qui pourrait conduire à l'éclatement de la zone, achève de les discréditer, eux qui ont tant investit politiquement sur cette idée.

    Comment comprendre aujourd'hui les propos de Jacques Delors, grand bâtisseur de la monnaie unique, qui reconnait "un vice de conception" ? Selon lui, "l'Union économique et monétaire était fondée sur l'équilibre entre le pouvoir monétaire et le pouvoir économique. Il impliquait qu'à côté de l'indépendance de la Banque centrale européenne (BCE) il y ait un pôle économique qui, compte tenu du contrat et de l'esprit du traité, ne pouvait prendre qu'une forme : la coopération. Cette coopération n'a pas eu lieu." On aurait aimé qu'il s'exprime sur la responsabilité inouïe des socialistes français, qui ont pêché soit par duplicité vis à vis de leurs électeurs, soit par naiveté face à leurs partenaires.

     


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  • Le 16 juin 2011, l'IFOP rendait public les résultats du sondage "Les français et le protectionnisme économique" commandé par la bande à Todd, pour l'occasion regroupée dans l'association « Manifeste pour un débat sur le libre-échange ». Mais on les avait reconnus ces petits malins.

     

    Ils ont réussi ce qu'ils voulaient, c'est à dire faire parler d'eux.

    Lors de la conférence de presse de restitution des résultats (vidéos intégrales), tous les journaux sont là : Marianne, Le Nouvel Observateur, Le Monde, Libération...

    Voici quelques extraits de la conférence :

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  •  " Les impôts de millions d'européens servent à indemniser des gens qui gagnent beaucoup plus d'argent qu'eux ; vous avez un problème de justice sociale majeur. C'est aux épargnants de payer, ce n'est pas aux contribuables. Evidemment c'est très compliqué car les épargnants, ça passe par les banques, et que donc on a un système bancaire qui risque d'exploser... Quand le gens s'en rendront compte, ce sera la montée des populismes."

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  • Faut-il nationaliser les banques ?

    La question a été posée lors de l'univerité du Medef 

     

     

    Voir les articles :

    Les marchés votent la nationalisation des banques, La Tribune de Septembre 2011

    Nationalisons d'urgence les banques françaises !, Philippe Brossard

     Marc Fiorentino à C dans l'air

    Nationaliser les banques, Par Michel Husson 

    "Il faudrait nationaliser les banques pendant 3 ou 4 ans", par Marc Fiorentino

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  • Chapitre XXIV : Notes finales sur la philosophie sociale à laquelle la théorie générale peut conduire

    Traduction de l'Anglais par Jean De Largentaye en 1942. Extraits. 

      

       I

    Les deux vices marquants du monde économique où nous vivons sont le premier que le plein emploi n'y est pas assuré, le second que la répartition de la fortune et du revenu y est arbitraire et manque d'équité.

      

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  • Ce blog ne propose pas une revue de presse. Mais il prétend classer les évènements en fonction d'un cadre de pensée général exposé ici. Présenté sous forme de questionnements, l'auteur a ses propres convictions/hypothèses concernant le déroulement de la crise à venir. Convictions/hypothèses qui expliquent les partis pris en ce qui concerne la sélection de l'information.

    Dans un soucis de transparence, les voici exposées. Dans l'attente de développements ultérieurs:

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  • Traduction française, 1893, Laura Lafargue. Extrait.

     

         Un spectre hante l'Europe: le spectre du communisme. Toutes les puissances de la vieille Europe se sont unies en une Sainte Alliance pour traquer ce spectre: le pape et le tsar, Metternich et Guizot, les radicaux de France et les policiers d'Allemagne.   

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  •  

    Eté 2011, l'agence de notion Standars and poors a dégradé la note des Etats-unis, suite au feuilleton politico-financier du relèvement du plafond de la dette américains, qui a révélé le profond malaise idéologique et politique de la première puissance mondiale.

     

    Les États-Unis sur le déclin, Par Noam Chomsky - Septembre 2011

    " Le mauvais spectacle dont nous avons été témoins cet été depuis Washington, qui a dégouté la nation et confondu le monde entier, n’a pas son pareil dans toute l’histoire de la démocratie parlementaire. Ses partisans ont fini par en avoir peur. Les grands pouvoirs corporatifs qui ont aidé à faire élire ces extrémistes commencent à s’inquiéter de ce qu’ils pourraient bien jeter à terre l’édifice qui leur a permis d’accumuler richesse et privilèges, c’est-a-dire l’État protecteur qui dorlote leurs intérêts.

    La montée du pouvoir corporatif (en ce moment surtout financier) sur la société, a atteint un point tel que les partis politiques, qui n’ont presque plus rien à voir avec les partis que nous avons connu, sont beaucoup plus à droite que la population sur la plupart des problèmes débattus.  (...)

    Le Program on International Policy Attitudes a mené une enquête pour savoir quels moyens le public favoriserait pour l’élimination du déficit. Son directeur, Steven Kull écrit : «Il est clair que l’administration Obama et les Républicains, majoritaires à la Chambre des représentants, ont des solutions complètement opposées aux priorités et aux valeurs de la population pour ce qui concerne le budget».

    Ce sondage illustre une profonde division : « Alors que le public favorise des coupes importantes dans les budgets de la défense, l’administration et la Chambre des représentants proposent de modestes augmentations. La population veut aussi plus d’investissements dans l’éducation, la formation professionnelle et le contrôle de la pollution contrairement à la position des législateurs.

    L’ultime ‘compromis’ (il vaudrait mieux dire la capitulation face à l’extrême droite), est complètement à l’opposé. D’ailleurs il est presque assuré qu’il va mener à un ralentissement de la croissance au seul bénéfice des riches et des grandes entreprises qui affichent déjà des profits record, mais au détriment de tous les autres. (...)

     Les nouvelles institutions financières de l’ère post- âge d’or ont été largement responsables de la crise financière de 2007. Avant cette époque elles avaient gagné un joli pouvoir économique ; elles avaient triplé leur part des profits d’entreprises. Après le crash un certain nombre d’économiste ont commencé à enquêter sur leur fonctionnement en termes purement économiques. Le lauréat du Prix Nobel, Robert Solow estime que leur impact a probablement été négatif : « Leurs succès ont vraisemblablement peu à voir avec l’efficience de l’économie réelle. En plus, ce désastre permet le transfert de la richesse des mains des contribuables à celles des financiers».

    En réduisant ce qu’il nous reste de démocratie, les institutions financières installent les outils pour poursuivre un processus mortel. Elles continueront aussi longtemps que leurs victimes consentirons à souffrir en silence.  "

     

     Les conséquences mondiales du déclin américain, Par Immanuel Wallerstein - Août 2011

    "Aujourd’hui, l’idée que les Etats-Unis ont décliné - et même sérieusement décliné - est devenue banale. Tout le monde le dit, sauf quelques responsables politiques américains qui redoutent de se faire reprocher la mauvaise nouvelle du déclin si jamais ils ouvraient réellement le débat. Le fait est que presque tout le monde aujourd’hui est convaincu de la réalité de ce déclin. (...)

    Evidemment, les plus affectés par le déclin américain sont et continueront d’être les Etats-Unis eux-mêmes. Le milieu politique et celui des journalistes évoquent publiquement les « dysfonctionnements » de la situation politique américaine. Mais celle-ci peut-elle vraiment être autre chose que dysfonctionnelle ? Il faut bien comprendre ce fait fondamental : les citoyens américains sont abasourdis par la simple idée de déclin. Ce n’est pas qu’ils pâtissent seulement matériellement du déclin de leur pays et qu’ils sont profondément angoissés à l’idée de devoir souffrir encore davantage à mesure que le temps passe. Le malaise est plus profond. Ils ont réellement cru dans cette idée que les Etats-Unis étaient la « nation élue », voulue par Dieu ou l’Histoire pour être la nation phare du monde. Leur président, Barack Obama, continuent de leur garantir qu’ils vivent dans un pays « triple A ».

    Le problème d’Obama et de tous les dirigeants politiques, c’est que très peu de personnes y croient encore. Le choc pour la fierté nationale et l’image de soi est redoutable et brutal. Le pays a beaucoup de mal à l’encaisser. La population se cherche des bouc émissaires et se déchaine sauvagement, et de façon peu intelligente, contre les prétendus coupables. Le dernier espoir semble être de trouver un fautif et de considérer que le remède consiste à changer les gens au pouvoir.

    D’une façon générale, les autorités fédérales (le président, le Congrès, les deux grands partis) sont perçues comme la source de tous les maux. On voit se développer une tendance très forte visant à fournir des armes au niveau individuel et à réduire les engagements militaires extérieurs des Etats-Unis. Accuser le milieu de Washington de tous les torts provoque une volatilité politique et des luttes fratricides de plus en plus violentes. Selon moi, les Etats-Unis sont aujourd’hui l’une des entités politiques les moins stables du système-monde. (...)

    Nous sommes entrés dans une époque de fluctuations aiguës, constantes et rapides : taux de change des devises, taux de chômage, alliances géopolitiques, définitions idéologiques de la situation. L’ampleur et la rapidité de ces fluctuations rendent les prévisions à court terme impossibles. Et sans une stabilité relativement raisonnable des prévisions de court terme (à trois ans environ), l’économie-monde se retrouve paralysée. Tout le monde va devoir devenir plus protectionniste et se replier sur ses enjeux internes. Les niveaux de vie vont diminuer. Le panorama n’est pas reluisant. Et en dépit du fait que le déclin américain présente de très nombreux aspects positifs pour de nombreux pays, il n’est pas sûr que dans la mer démontée qu’est devenu le monde actuel, d’autres pays seront en pratique capable de tirer de cette situation nouvelle leur épingle du jeu. "


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  • Le Think Tank, proche du PS, publie un rapport  qui déclenche la polémique au sein de la gauche. La lecture de ce rapport est édifiante et accablante pour ses auteurs, qui proposent ni plus, ni moins d'abandonner les classes populaires, en même temps que tout projet de transformation sociale. Les auteurs sont à la recherche de la coalition des électeurs s'identifiant à ce qui serait devenu selon eux le marqueur principal de la gauche : le libéralisme culturel.

      

    Petit aperçu de la polémique:

    Gauche : quelle majorité électorale pour 2012 ?, Rapport de Terre Nova

    Gauche : d'une stratégie de classe à une stratégie de valeurs, Olivier Ferrand, président de Terra Nova

    «Sans les classes populaires, la gauche ne sert plus à rien, elle n’est plus rien», Par Aquilino Morelle, Professeur associé à Paris-I et conseiller politique de Lionel Jospin à Matignon de 1997 à 2002

     

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  • Fin d'année 2010, Obama, à l'occasion du vote sur la loi fiscale, Obama donne l'intention d'enfin s'attaquer aux cadeaux fiscaux dont les riches américains ont bénéficiés sous l'ère Bush. Trop tard car le président démocrate vient de perdre la majorité au congrès. La ploutocratie fait front pour défendre ses privilèges.

     

    Un humouriste qui s'en prend aux riches qui s'en prennent aux pauvres

     

    L'égoïsme agressif des riches inspira la diatribe du prix nobel d'économie, Paul Krugman, à leur encontre :

     

    La colère des riches, Paul Krugman - Septembre 2010

    L’Amérique est balayée par une vague de colère. Certes, cette colère chauffée à blanc reste un phénomène minoritaire et ne concerne pas la majorité de nos concitoyens. Mais la minorité en colère est vraiment en colère, et ceux qui en font partie considèrent qu’on leur enlève ce à quoi ils ont droit. Et crient vengeance.

    Non, je ne parle pas des « Tea Parties ». Je parle des riches.

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