• Trois économistes, Jacque Delpla, Augustin Landier et David Thesmar, expliquent que la politique économique menée par l'Europe, sous l'impulsion du couple Merkozy, mène au désastre. Certes, ils ne sont pas les seuls qui mettent en cause la gestion actuelle de la crise. Mais le cas de ces trois-là est intéressant à plus d'un titre. D'abord, leur avis compte dans le monde académique, où ils occupent, chacun, une position prestigieuse. Mais, surtout, il se revendiquent de l'orthodoxie libérale dont il est communément admis qu'elle inspire la gouvernance européenne.

    Or, depuis 2008, nous assistons, à l'échelle européenne, à un coup d'Etat financier qui bouscule les règles communes du capitalisme, et détourne, à l'avantage des institutions financières, l'arbitraire de la puissance publique. Deux leviers sont actionnés : 

    - Au nom de la solidarité entre les peuples, l'Europe engage l'argent des contribuables pour sauver la mise des investisseurs privés (dont les banques) qui ont réalisé des placements aventureux dans des titres privés et publics.

    - Cette manoeuvre place les institutions européennes, Etats membres et BCE, en situation de créancières publiques vis-à-vis d'Etats manifestement insolvables. La dette sert de moyen de pression à la coalition des créanciers privés et publics pour déssaisir le pays de sa souveraineté et le mettre en coupe réglée. La politique économique n'est plus ménée dans l'optique de l'intérêt général, mais se donne pour unique objectif  le remboursement de la dette, au prix de sacrifices inouïs pour la population. 

    Face à cette situation nouvelle, un clivage apparaît qui ne correspond pas à l'opposition traditionnelle gauche/droite. A la faveur de la crise, Thesmar, Landier, et Delpla se révèlent bien plus critiques vis-à-vis du pouvoir de la finance, qu'ils étaient supposés l'être pour des hommes de droite, tandis que beaucoup, à gauche, apparaissant partie liée avec les intérêts de la finance, apportent un soutien sans réserve aux plans de sauvetage du secteur bancaire.

    En réalité, nos trois économistes sont des libéraux authentiques qui découvrent tout d'un coup, à la faveur de la crise, que le monde capitaliste fonctionne d'une façon bien différente qu'ils le croyaient. Imprégnés du libéralisme classique, de l'idée de responsabilité/liberté individuelle et de justice contractuelle, ils sont confrontés au néolibéralisme de l'oligarchie financière, qui cherche par tous les moyens à s'emparer et conserver son patrimoine financier, au mépris des règles les plus élémentaires du marché.


     

    "Le sauvetage grec est un chèque cadeau de quelques milliards voire quelques dizaines de milliards aux actionnaires des banques. Qui paie ? Les contribuables européens et grecs. Et tout cela sans la moindre contrepartie : pas étonnant que les banques poussent pour un sauvetage de la Grèce, qui de fait sauve avant tout elles-mêmes" (Mais  2010)

    "Les citoyens irlandais paieront donc les pertes des banques de leur pays, car ce sont elles et non les dépenses directes de leur Etat qui ont mis le feu aux poudres.(...) Les invocations à la solidarité européenne sont hypocrites : peut-on vraiment faire payer aux citoyens irlandais l'insouciance des prêteurs allemands ?" (Décembre 2012)

    "Il faut d'emblée interdire les distributions de dividendes qui creusent la facture anticipée du contribuable dans le sauvetage financier. Enfin, les recapitalisations appuyées sur des fonds publics doivent donner lieu à des prises de participation de l'Etat et dans certains cas à des nationalisations temporaires" (Septembre 2011)

    "Il est temps de s'en remettre à la sagesse des peuples pour délibérer de leur avenir. Après tout, la démocratie, bien plus que la monnaie, est l'identité commune de l'Europe." (Novembre 2011)

    Augustin Landier, professeur à l'Ecole d'Economie de Toulouse et David Thesmar, Professeur à HEC



    "L’Europe sort de la plus grande bulle de crédit de l’Histoire. Trop de dette partout. Vouloir tout rembourser nous condamne à la déflation par la dette, à la stagnation et aux risques d’extrémisme politique" (Novembre 2010)

    "La solution de l'hyperaustérité à la Brüning 1931 amènera à une impasse (cf. Grèce maintenant)" (Février 2012)

     Jacques Delpla, membre du Conseil d'Analyse Economique

     

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  • La crise grecque est devenue, pour les Européens, un feuilleton quotidien qui - jusqu'il y a peu - n'avait pas grand chose à voir avec ce qui se passait dans le pays même, mais dont les personnages principaux étaient nos responsables européens, aux prises avec les marchés financiers. L'évolution des taux d'intéret, la contagion tant redoutée aux autres pays, les chiffres mirobolants des multiples plans de sauvetages, voilà de quoi était faite la trame de cette histoire. Tout le suspens tenait dans l'éventualité de la faillite et de la sortie de la Grèce de la zone euro.
     
    Mais, deux ans après le début de la médiatisation de la crise, 4 ans de récession, la situation prend une dimension toute nouvelle. On s'aperçoit que, au delà de l'inquiétude des Européens sur leur monnaie, la Grèce vit un drame national d'une ampleur inouïe. Le PIB a chuté de 20%. Le chômage avoisine les 20% de la population active. La pauvreté s'accroie. La crise sociale considérable est le prélude d'un tremblement de terre politique, après 40 ans de stabilité politique pour les pays de la zone euro.
     

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  • Pour des économistes rationnels, pour qui la gouvernance européenne devrait avant tout chercher à obéir à l'intérêt général, la situation actuelle est incompréhensible. Les divergences économiques et les déficits extérieurs, signes caractéristiques d'une zone intégrée (qui se soucie, en France, du déficit de la balance commerciale du Loir-et-Cher ?) sont montrés du doigt. Plutôt que d'organiser une solidarité financière entre pays membres et une relance budgétaire à l'échelle du continent, la gouvernance européenne impose aux pays déficitaires un retour immédiat à l'équilibre. A l'inverse du bon sens, les choix qui sont faits conduisent à accentuer la récession économique.

    On peut certes accuser le manque de vision européenne ou les dogmes libéraux qui aveuglent les gouvernements actuels. Mais en réalité, c'est l'échec du pari fou qui a été fait il y a 20 ans par les bâtisseurs de la monnaie unique. Partant du fait que les logiques économiques s'imposeraient aux logiques politiques, les fédéralistes maastrichiens comptaient qu'au moment critique, un saut fédéral couronnerait l'intégration économique.

    En réalité, la crise actuelle dynamite cette conception fédérale. Après 10 ans d'approfondissement des liens d'interdépendance entre les économies nationales, il s'opère un rétropédalage violent des politiques économiques, qui, sous les vocables "compétitivité", "équilibre extérieur" conduisent à fragmenter les économies nationales en autant d'îles, splendidement indépendantes les unes des autres. Nos apprentis sorciers assistent, médusés, au retour en force des logiques nationales, qui prend, pour l'économie européenne,  des allures d'automutilation.

     

    "Produire français, grec, italien, portugais, espagnol etc. en espérant vendre aux autres pays, faute de pouvoir compter sur une demande intérieure doublement bridée (...) La compétitivité est pourtant un concept relatif et les politiques cherchant à l'accroître ne peuvent toutes aboutir simultanément."

    Jean-Paul Fitoussi, directeur de l'OFCE

     

    "Si l’euro n’éclate pas, nous craignons par contre qu’il devienne inutile (...) Avec la nécessite pour [les] pays d’équilibrer leur commerce extérieur, ce qui se fait surtout par la compression de la demande intérieure, on voit un recul dans la période récente de la taille des exportations vers les autres pays de la zone euro dans tous les pays."

     Patrick Artus, chef économiste Natixis


    Voir les articles ci-dessous

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  • La renaissance de l'État-nation, Dani Rodrick, professeur en économie à l’Université de Harvard - Février 2012. Extrait.

    L'un des mythes fondateurs de notre ère est que la mondialisation a relégué l'État-nation au rang de figurant. (...) Selon plusieurs, les décideurs politiques des nations seraient en grande partie impuissants devant les marchés mondiaux.

    La crise financière mondiale a démonté ce mythe. Qui donc a remis à flot les banques, réamorcé la pompe des liquidités, pris le virage de la relance budgétaire et donné aux chômeurs un filet de sécurité empêchant ainsi que tout ne vire à la catastrophe ? Qui est en train de réécrire les règles de surveillance et de règlementation des marchés financiers afin d'éviter que cela ne se reproduise ? Qui est le plus souvent tenu responsable de tout ce qui ne tourne pas rond ? La réponse est la même partout : les gouvernements nationaux. Le G-20, le Fonds monétaire international et le Comité de Bâle sur le contrôle bancaire n'étant en majeure partie que des spectacles d'apparat. (...)

    L'idéologie du laissez-faire gérée par des technocrates internationaux ne constitue pas une alternative plausible à l'État nation. En fait, ultimement, les échanges commerciaux ne profiteront pas de l'érosion de l'État-nation tant que des mécanismes viables de gouvernance internationale ne sont pas en place. (...)

    Le problème est que nous sommes encore sous l'emprise du mythe du déclin de l'État-nation. Les dirigeants politiques se disent impuissants, les intellectuels inventent des plans de gouvernance mondiale peu plausibles et les perdants du système jettent de plus en plus le blâme sur l'immigration ou les importations. Toute proposition pour redonner le pouvoir d'intervention à l'État-nation fait généralement fuir les gens respectables, comme si elle pouvait ramener la peste au pays.

    Il est certain que la géographie des liens et des identités n'est pas immuable ; elle a en fait évolué au cours de l'histoire. Ce qui signifie qu'il ne faut pas rejeter d'emblée l'avènement possible d'une véritable conscience planétaire accompagnée de communautés politiques transnationales.

    Mais il est impossible de faire face aux enjeux contemporains avec des institutions qui n'existent pas (encore). Pour l'instant, les gens doivent se tourner vers leurs gouvernements nationaux pour des solutions, ce qui demeure l'action collective la plus porteuse d'espoir. L'État-nation est sans doute un anachronisme hérité de la Révolution française, mais c'est le seul instrument dont nous disposons.

    Project-Syndicate


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  • Deux articles édifiants, mettant en doute la probité de la BCE et de ses dirigeants dans les négociations portant sur la restructuration de la dette grecque, viennent de paraître ces jours-ci.

    Joseph Stiglitz, tout d'abord, s'est demandé pour quelle raison étrange la BCE apportait son appui à une restructuration "volontaire" de la dette grecque, comme si elle cherchait à éviter à tout prix l'officialisation du défaut partiel, lequel aurait pour effet de déclencher l'activation des CDS (assurances sur crédit). Les banques qui avaient eu la prudence de s'assurer contre risque de défaut se trouvent lésées et sont d'autant plus réticentes à céder sur les négociations avec l'Etat grec. Ecartant l'argument selon lequel le risque systémique serait plus important en cas de défaut officiel, Joseph Stiglitz tire la conclusion suivante : "En réalité la BCE fait probablement passer l'intérêt des quelques banques qui ont émis des CDS (assurance contre le risque de défaillance d'un crédit) avant celui de la Grèce, des contribuables européens et des prêteurs qui ont agi prudemment en s'assurant (...) Ainsi qu'on le voit ailleurs, les institutions qui n'ont pas à rendre des comptes de manière démocratique peuvent être la proie d'intérêts particuliers."

    Le lecteur, qui vient d'apprendre que la BCE ne protégeait ni l'intérêt des Européens, ni même celui des banques en général, n'en saura pas plus quant aux "intérêts particuliers en question". Mais quelles sont donc ces mystérieuses banques, émettrices d'assurances sur défaut, qui semblent être l'objet de toutes les attentions ? "Goldman–Sachs ou Merril–Lynch" répond Arnaud Parienty, professeur d'économie. Cela lui fait se demander sans détour, sur le site d'Alternatives Economiques : "Doit-on lier son insistance étonnante à ce que la restructuration de la dette grecque soit volontaire à la carrière au sein de Goldman Sachs de Mario Draghi ( le président de la BCE) ? ".

    Ce qui est troublant dans cette histoire, c'est que les accusations extrêment graves portées par ces deux auteurs, en particulier par le prix Nobel d'économie, dont l'audience est mondiale, n'aient été relayées par aucun média (à ma connaissance) ni suscité de réactions chez leurs collègues ou dans le monde politique.

    Voir les 2 articles ci dessous.

     

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  • Dans une tribune efficace publiée dans Le Monde-Economie, l'économiste Paul Jorion expose une fois de plus cette réalité qui commence à se faire jour dans la presse depuis la crise : l'incroyable explosion des inégalités de revenus et de patrimoines depuis 30 ans à l'échelle mondiale et aux Etats-unis tout particulièrement. Le capitalisme est une "machine à concentrer la richesse" qui fatalement mène à une crise globale dont on ne peut espérer sortir qu'en répartissant mieux la richesse produite.

    Mais depuis la contre-révolution néolibérale des années 80, il s'exerce un système de contraintes idéologiques et intitutionnelles dont il faut pouvoir au préalable se libérer. Le dogme du marché autorégulé rend le monde aveugle et impuissant face à la crise, à l'image des responsables de la banque centrale américaine, qui, comme le rapporte un journaliste du Monde, en 2006, juste avant le déclenchement de la crise la plus grave depuis les années 30, prédisaient une croissance robuste pour les prochaines années.

    Les politiques économiques, centrées sur la lutte contre l'inflation et la libéralisation du marchés du travail, non seulement sont impuissantes à résoudre la crise, mais en plus menacent de précipiter les économies dans la dépression. L'Europe est, depuis Maastricht, un terrain de jeu privilégié pour les fous du marché. Ce n'est pas un hasard si elle est devenue, comme on le voit actuellement, le foyer principal de la crise. L'OFCE (Office Français des Conjonctures Economiques) regrette qu'au lieu d'être la protection qu'elles ont prétendu être, les institutions européennes renforcent les politiques non coopératives au sein de la zone euro.

    Encore faut-il bien comprendre la nature du néolibéralisme, qui doit autant à l'orthodoxie libérale qu'au socialisme dirigiste. Selon Sandra Bockman, le débat ne porte pas tant sur la place respective de l'Etat et du marché, que sur le degré de liberté démocratique qu'il faudrait revendiquer contre l'autoritarisme néolibéral.


    Voir les 4 articles :

    - La machine à concentrer la richesse, Paul Jorion

    - En 2006, pour la Fed, rien à signaler, Le Monde

     - La crise économique est une crise de la politique économique, Jean-Luc Gaffard

    - Les origines socialistes du néolibéralime, Sarah Kolopp

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  • Le complexe d'Orphée, Jean-Claude Michéa

     

    La gauche est en pleine tourmente, au point qu'un militant a du mal à s'y retrouver.  Au moment où éclate une crise qui confirme la nature de classe du capitalisme, une partie des socialistes lance un appel à se détourner des classes populaires.

    Qu'est ce qui cloche avec la gauche ? Comment a-t-elle pu en arriver là ?

    Jean Claude Michéa, qui depuis longtemps travaille sur le rapport qu'entretien la gauche avec l'idée du progrès, nous livre une clé d'interprétation. En décalage avec la représentation traditionnelle d'une gauche défenseur du petit peuple, il montre comment la gauche progressiste libérale, portée par la bourgeoisie intellectuelle, est, au fond, la force sociale la plus en adéquation avec l'avancée du capitalisme.

    Pour Michéa, seul le socialisme populaire, authentiquement anticapitaliste, peut nous sauvegarder de la barbarie, à condition de mettre au centre des préoccupations, non pas les lendemains qui chantent, mais la préservation et l'entretien des rapports humains décents.  Il y a donc une dimension proprement conservatrice dans cette aspiration des classes populaires à ne pas être soumises à la culture individualiste et mercantile, et qui les maintient à distance de la gauche actuelle.

     

     


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  • Faisons connaissance avec Thomas Piketty, professeur à l'Ecole d'Economie de Paris, spécialiste reconnu des inégalités et de la fiscalité, ayant notamment écrit Les hauts revenus en France au XXème siècle. Dans ses travaux, il pointe du doigts la très forte augmentation des inégalités de revenus et de patrimoines dans les pays occidentaux ainsi que la faillite du modèle social de redistribution en France.

    Proche du parti socialiste et éditorialiste occasionnel au journal Libération, il est la bête noire des riches et de la droite de classe, qui voit en lui un horrible égalitariste menaçant la fortune du bourgeois.

    Au cours de cette conférence au Collège de France, il dresse un portrait du capitalisme au cours des deux derniers siècles et tente d'en tirer des enseignements pour imaginer à quoi pourrait ressembler celui du 21ème siècle. 

    Comme Marx l'avait compris, le capitalisme engendre naturellement des inégalités de revenu et de patrimoine mettant en péril les équilibres sociaux au risque de provoquer des conflits majeurs. La réduction des inégalités obervée au cours du 20ème siècle fut le résultat des catastrophes puis des politiques volontaristes menées pour préserver la démocratie.

    L'aspect inquiétant du capitalisme du 21ème siècle est le retour en force des inégalités et d'une société de classe. Thomas Piketty espère que cette fois-ci la démocratie saura faire face à ce défi sans sombrer de nouveau dans le chaos et la guerre. Extrait :



      

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  • Depuis 2008, les Etats consacrent l'argent des contribuables à sauver les banques. Devant l'énormité de la chose, les citoyens ont dans un premier temps versé dans l'incrédulité, les responsables se chargeant de les rassurer en leur assurant que la crise bancaire n'était qu'une petite panne passagère, pourvu qu'on mette un peu d'huile dans les rouages (distribution d'argent gratuit aux banques).

    Maintenant qu'il apparaît que l'ardoise a été laissée aux citoyens - ceux-ci étant en outre touchés de plein fouet par des restrictions  budgétaires -  la tension  va commencer à monter. Ici un journaliste irlandais qui demande à un responsable européen (de la BCE) pourquoi au fait le peuple irlandais a dû payer pour sauver les banques privées irlandaises, le tout au plus grand bénéfice d'investisseurs et de banques européennes compromises dans l'affaire.  

     

     

     

    Les portugais aussi sont en colère, mais en chanson :

     

     

     

    Mais nous en France on s'en fout parce qu'on a Dany Brillant.... quoique...

     

     


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