• Article du jour : Italie 1 Allemagne 0, François Leclerc



    RÉMISSION, par François Leclerc - Juin 2012. Extrait.

    "L’alerte rouge est passée, la vieille tradition des négociations européennes au finish a été respectée, mais ce n’est qu’une rémission. Des mesures destinées à calmer le jeu ont été finalement décidées dans la nuit par le Conseil européen de Bruxelles.

    (...) Les fonds de stabilisation financière (FESF et MES) vont pouvoir renflouer directement les banques, après accord de la BCE, ainsi qu’acheter de la dette publique afin de détendre le marché, sans qu’une Troïka redoutée et honnie n’intervienne dans les pays qui demanderont à bénéficier de ces aides. (...)

     L’union politique dont le gouvernement allemand faisait un préalable ne l’est plus mais elle reste sur la table, destinée à donner des gages de respectabilité démocratique ultérieurs à des abandons de souveraineté à négocier par étapes. Menée par les gouvernements espagnol et italien, la bagarre a reçu le plein appui des autorités françaises, dans l’attente de la fin du sommet.

    (...) Cependant, une question essentielle a été écartée : celle des moyens financiers. Car si les fonds de stabilisation financière sont appelés à pleinement jouer leur nouveau rôle, ceux dont ils disposent ne sont pas inépuisables. Ce qui impliquera soit de les accroître, soit d’accorder au MES une licence bancaire lui permettant d’accéder aux guichets de la BCE.

    (...) Dans l’immédiat, les précédents épisodes ayant montré combien les marchés pouvaient être versatiles, la détente enregistrée va devoir se confirmer. Le gouvernement allemand va se replier sur de nouvelles lignes de défense."

    Sur le blog de Paul Jorion

     


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  • Partie 1 : Le rêve européen de Patrick Artus

    Partie 2 : La gouvernance européenne rend Patrick Artus nerveux

    Partie 3 : Patrick Artus se lamente de la déraison européenne


     

    Les travaux de Patrick Artus mettent en évidence les tares congénitales de l'Union Monétaire, dont l'existence en mise en péril fautes d'institutions adéquates à l'échelle européenne. En eurofédéraliste convaincu, cet économiste a été longtemps confiant dans la capacité des européens à surmonter une crise, qui en fin de compte aura servi d'accélerateur à l'intégration politique du continent. C'est pourquoi, il a tout d'abord interprêté les plans de sauvetage, sous forme de prêts aux Etats en difficulté, comme des réponses provisoires, permettant d'assurer la transition vers une Unions de transfert. Quant aux plans d'austérité, ils avaient un sens tant qu'ils visaient à discipliner les Etats aidés afin de se prémunir contre le gaspillage creusant les "mauvais déficits".

    Mais rien ne s'est passé comme Patrick Artus l'avait escompté. Angela Merkel rechigne à octroyer des prêts, et surtout impose en contrepartie des plans d'austérité d'une ampleur dramatique, qui précipitent les pays "bénéficiaires" en dépression économique, et en crise politique majeure. Ceux-ci étant privés de la possibilité de dévaluer, et en absence de solidarité européenne : "le chômage est bien la seule variable d’ajustement (de rééquilibrage) dans la zone euro, ce qui peut être jugé insupportable."

    De ce point de vu, le premier semestre de l'année 2012 a été celui de révisions doctrinales déchirantes. La rationalité économique aurait dû pousser à l'accord autour de mécanismes de transfert, et à la révolution fédérale ? Les peuples du nord refusent de payer pour des "fainéants et des tricheurs" tandis que ceux du sud ne veulent pas se soumettre à l'hégémonie allemande. Pour ses soixante ans, Patrick Artus découvre que des contraintes politiques s'imposent parfois aux lois de l'économie :

    Le fédéralisme "raisonnable" entre ces pays souverains et hétérogènes sera donc plus difficile à définir que ce que croientcertains.

    Souveraineté. Le mot est lâché, il faudra faire avec et cela l'amène à reformuler son objectif initial. Exit le rêve d'une Union de Transfert pure et parfaite, il faut en rabattre sur les montants des transferts qu'il sera possible de négocier avec les Allemands en particulier :

    Les Eurobonds (Eurobills) seraient très compliqués à introduire (...) il vaudrait mieux, il nous semble, réfléchir par exemple à un système européen d’indemnisation du chômage ; à une TVA européenne.

    Moins de transferts dit aussi moins de déséquilibres commerciaux au sein de la zone, au détriment de la spécialisation géographique des facteurs de production :

    "A plus long terme, fédéralisme intelligent aidant les pays en difficulté à développer leur offre exportable, et en même temps finançant tant que c'est nécessaire leur déficit extérieur. "

    "Faire disparaître le déficit extérieur est impossible sans conséquences sociales insupportables dans les pays très désindustrialisés de la zone euro."

    "Il faut réaliser qu’il s’agit d’un ajustement énorme, qui peut nécessiter plusieurs décennies."

    Moins l'Allemagne se montrera coopérative, plus la crise économique, sociale et politique sera intense dans ces pays, en attendant qu'ils redressent leur système productif. Mais alors, il ne faut plus compter sur le fait qu'ils pourraient remboursers leur dettes :

    "La seule solution pour éviter une longue période de stagnation économique, due à un recul de la demande et à une hausse de l'épargne, est d'annuler, d'une manière ou d'une autre, une partie de la dette, en partageant le coût de cette annulation entre les prêteurs et les Etats."

    Il s'agit là d'un veritable aggiornamento idéologique de la part de notre économiste banquier qui avait refusé catégoriquement la possibilité d'un "évènement de crédit" - pour le dire plus abruptement, une banqueroute des Etats surendettés. Mais cette solution à deux avantages : d'une part, l'annulation des dettes impactant par définition davantage les riches, c'est la meilleure réponse à la crise, qui ne l'oublions pas, est due fondamentalement aux inégalités de revenus et de patrimoines, lesquelles d'ailleurs n'ont pas cessé de s'accroitre avec la crise. D'autre part, c'est un moyen de faire payer les allemands - qui sont en définitive les créanciers qui subiront le reset.

     "Cette opération s’opérerait évidemment au détriment des prêteurs : retraités, titulaires d’assurance-vie, actionnaires et déposants dans les banques, pays émergents et exportateurs de pétrole et pays de l’OCDE excédentaires, l’idée étant que la propension marginale à dépenser des emprunteurs est nettement supérieure à celle des prêteurs : c’est pour cette raison que le coût en croissance de la réduction des taux d’endettement serait plus faible qu’avec la technique présente de compression de la dépense des emprunteurs."

    Récapitulons. Le nouveau fédéralisme intelligent prôné par Patrick Artus intègre "la contrainte politique" : le montant des transferts ne sera ce pas à la hauteur de ce qui aurait permis une spécialisation productive optimale au sein de la zone. Cet objectif - plus réaliste - doit être atteint grâce à 3 éléments : annulation des dettes, transferts budgétaires modérés via par exemple une allocation chômage fédérale, et réindustrialisation. Le risque, si on suit la pente mauvaise de la gouvernance européenne, c'est qu'en l'absence totale de solidarité, "l'euro devienne inutile, c’est-à-dire qu’il ne remplisse plus les rôles pour lesquels il a été créé."

    Nous avons maintenant la feuille de route; à l'heure où les esprits les plus pessimistes imaginent le pire pour l'Union Monétaire, que prévoit-il qu'il va arriver ? Voyons les derniers écrits de Patrick Artus :

    Lorsque ces pays (Espagne, Italie, France, Portugal, Grèce, Pays-Bas) comprendront que l’Allemagne n’a pas en réalité de pouvoir de négociation compte tenu de la taille de ses avoirs dans le reste de la zone euro, ils obtiendront de l’Allemagne des réformes institutionnelles rapides (23 mai 2012)

    Finalement 1 mois après : 

    Il faudra bien accepter la position de l’Allemagne (...) Il ne s'agit pas de dire que ces évolutions sont optimales, il s'agit de dire que, compte tenu du rapport de force, elles sont probablement inévitables pour sauver l'euro. (21 juin 2012)

    Autrement dit, ce serait là, la fin de l'utopie fédéraliste de Patrick Artus - les appels de la chancelière à l'union politique ne doivent tromper personne, il s'agit d'imposer à l'europe du sud, des ajustements brutaux, coûteux en terme de chômage et de baisse de niveau de vie, le tout pour précisément éviter de s'en remettre à la solidarité européenne. Mais tout cela rend la situation politique instable comme on le voit déjà en Grèce, et la question de l'appartenance à la zone euro se pose pour des Etats frappés de plein fouet par la crise et privés de politique monétaire, et de politique de change pour y faire face : 

    Pour que la Grèce échappe à la mort lente (programme d’austérité) et à la mort brutale (sortie de l’euro), il faudrait un plan européen massif d’aide à la reconstruction de l’économie grecque et à la création d’emplois en Grèce, plan peu probable aujourd’hui, et très différent de la situation présente où l’aide à la Grèce ne finance que le service de la dette publique grecque détenue par des investisseurs publics.

    Bref, tous aux abris...pour ceux qui veulent les conseils du banquier Artus dans une note intitulée :"Quelles possibilités de couverture contre un scenario d’éclatement partiel de la zone euro ?" :

    Avec la remontée récente des taux d’intérêt sur les dettes périphériques, la question de la pérennité de la zone euro dans sa structure actuelle se pose pour de nombreux agents économiques exposés à la monnaie unique.
    Parmi un ensemble des possibles très vaste, allant de la sortie d’un seul pays comme la Grèce à l’explosion totale de la zone euro, nous retenons un cas intermédiaire, à savoir la sortie de la Grèce, du Portugal et de l’Espagne. Ce choix est motivé par le risque de crises politiques et sociales que les niveaux de chômage atteints, notamment parmi les jeunes, font peser sur ces pays...


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  • Note de Coma81 : la traduction est médiocre, et la transcription numérique, truffée d'erreurs.

    Chapitre 7. Extrait.

     

    La République sociale apparut, en tant que phrase, que prophétie, au seuil de la révolution de février. Au cours des Journées de juin 1848, elle fut étouffée dans le sang du prolétariat parisien, mais elle rôda comme un spectre, dans les actes suivants du drame. On proclama la République démocratique. Elle disparut le 13 juin 1849, emportée dans la fuite de ses petits bourgeois, mais dans sa fuite elle jeta derrière elle sa publicité doublement fanfaronne. La République parlementaire s’empara, avec la bourgeoisie, de toute la scène et s’étendit dans toute sa plénitude, mais le 2 décembre l’enterra, aux cris angoissés de : « Vive la république ! » poussés par les royalistes coalisés

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  • Note de Coma81 : la traduction est médiocre, et la transcription numérique, truffée d'erreurs.

    Chapitre 2, 3, 4, 5, 6. Morceaux Choisis, classés par thèmes.

     

    "Mais ce que la bourgeoisie ne comprenait pas, c’était que son propre régime parlementaire, sa domination politique, en général, devaient fatalement à leur tour être condamnés comme socialistes."


    "Qu’on se représente maintenant le bourgeois français : au milieu de cette panique commerciale, combien sa cervelle, aussi malade que son commerce, ne devait-elle pas être torturée, abasourdie, ahurie (…) et l’on comprendra que, dans cette confusion incroyable, bruyante, de fusion, de révision, de propagation, de Constitution, de conspiration, de coalition, d’émigration, d’usurpation et de révolution, le bourgeois ait crié, dans un accès de fureur, à sa République parlementaire : « Plutôt une fin effroyable qu’un effroi sans fin ! » 

    Bonaparte comprit cet appel."


    "Mais lui, parlant publiquement devant les citoyens et dans   le langage officiel de l’ordre, de la religion, de la famille, de la propriété, ayant derrière lui la société secrète des escrocs et des voleurs, la société du désordre, de la prostitution et du vol, c’est Bonaparte lui-même, il est bien là auteur original, et l’histoire de la société du 10 Décembre est bien sa propre histoire."

     

     

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  • Note de Coma81 : la traduction est médiocre, et la transcription numérique, truffée d'erreurs.

    Chapitre 1. Extrait.


    Hegel fait quelque part cette remarque que tous les grands événements et personnages historiques se répètent pour ainsi dire deux fois. Il a oublié d’ajouter : la première fois comme tragédie, la seconde fois comme farce :  Causidière pour Danton, Louis Blanc pour Robespierre, la Montagne de 1848 à 1951 pour la Montagne de 1793 à 1795, le neveu pour l’oncle. Et nous constatons la même caricature dans les circonstances où parut la deuxième édition du 18 Brumaire.

    Les hommes font leur propre histoire, mais ils ne la font pas arbitrairement, dans les conditions choisies par eux, mais dans des conditions directement données et héritées du passé.  

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  • "Jusqu'ici, je n'avais jamais totalement compris comment 1930 pouvait se produire. Maintenant, si. (...) On doit aujourd'hui craindre qu'une vague de défauts bancaires et souverains ne causent un effondrement similaire dans la zone euro, qui est aujourd'hui ce qui existe de plus proche de l'ancien étalon or" (Juin 2012)

    "La récompense de la douleur actuelle, ce sera la douleur future. (...) La clé en Europe aujourd'hui, c'est la façon dont l'Allemagne perçoit son intérêt national. Lorsqu'il sera devenu évident que leurs conditions pour sortir de la crise ne fonctionneront pas, les dirigeants allemands devront choisir entre le naufrage et le changement de cap" (Mai 2012)

    "Si les pays doivent subir de longues années de dépression et de déflation par la dette, l'euro risque de se transformer en symbole honni de l'appauvrissement. En tant que robuste union fédérale, les Etats-Unis pourraient résister sans dommage à une telle déception. Mais la zone euro, bien plus fragile, n'y survivrait pas" (Mai 2012)


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  • Partie 1 : Le rêve européen de Patrick Artus

    Partie 2 : La gouvernance européenne rend Patrick Artus nerveux

    Partie 3 : Patrick Artus se lamente de la déraison européenne


     


    Sous la plume de Patrick Artus s'esquisse un idéal-type de ce que serait une Union Monétaire accomplie. Optimiste, l'économiste veux croire que les logiques économiques imposeront la mise en place des institutions fédérales adéquates. Mais devant le spectacle des hésitations, et des erreurs de la gouvernance européenne, la morosité l'emporte peu à peu sur son enthousiasme initial. 

    Bien sûr, il ne s'attendait pas à assiter du jour au lendemain à une révolution fédérale. La mise en place d'une union de transfert prendra le temps que la pédagogie de la crise fasse son oeuvre et convainque les peuples du Nord que leur intérêt est de se montrer coopératif.

    D'ailleurs, Patrick Artus trouve toutes les raisons à ceux qui exigent des garanties de bonne gestion de la part des pays du sud, jugés peu fiables quant à l'utilisation des deniers publics. Les plans d'austérité sont peut-être légitimes, tant que ceux-ci ne vont pas trop loin :

    On peut demander aux pays en difficulté de corriger leur « mauvaise hétérogénéité » : endettement privé excessif, insuffisance de l’innovation, bulles immobilières, hausses anormales du coût du travail, déficit publics structurels (...) mais on ne peut donc pas leur demander d’équilibrer leur commerce extérieur, ni de réduire leurs coûts salariaux jusqu’au point où ils redeviendraient des pays industriels.

    On peut regretter toutefois l'absence d'un accompagnement en faveur de la croissance qui pourrait venir des pays du Nord :

    Dans les pays du « Nord » de la zone euro, qui ont une croissance assez bonne et peu de problèmes de finances publiques, il faudrait stimuler la demande pour soutenir la croissance des pays en difficulté.

    Rappelons-nous que pour Patrick Artus, le problème vient du fait que les dettes des pays en difficulté sont insolvables et qu'il est en outre nécessaire de financer leurs déficits extérieurs. Or, notre économiste-banquier écarte catégoriquement la solution des défauts souverains qui entameraient la crédibilité de la monnaie unique et déclencheraient une crise bancaire de première grandeur. Pour éviter cette occurence, la stratégie provisoire des Européens est de substituer les investisseurs publics - au premier rang duquel l'Etat allemand et l'Etat français - aux investisseurs privés, c'est-à-dire de prendre en charge les prêts aux Etats en difficulté. Au final, tant que cela concerne les petits pays périphériques, "le montage mis en place par les européens est très intelligent :"

    "La forme de fédéralisme mise en place (subventionnement des taux d’intérêt) est discrète, ce qui est utile dans les pays où les opinions publiques sont hostiles au fédéralisme."

    Mais le rythme de la crise n'est pas celui qui conviendrait à la construction de l'europe fédérale, et les grands pays menacent à leur tour de perdre la confiance des marchés.

    Les solutions de bricolage ne sont pas utilisables si l’Espagne ou l’Italie ne peuvent plus se financer normalement sur les marchés.

    Conformément au diagnostic de Patrick Artus, c'est l'ensemble de la périphérie européenne - insolvable - qui a besoin d'être renflouée. En outre, les errements de gouvernance précipite une crise de liquidité généralisée de sorte que les montants nécessaires, pharamineux, ne peuvent plus être pris en charge par les montages budgétaires - ce qui serait difficilement acceptable pour les opinions publiques -. Ecartée dans un premier temps, l'intervention de la BCE reste la seule solution :

    La réponse à la crise ne pourrait plus être une réponse budgétaire de l'Europe : l'Espagne ne peut plus contribuer à un fonds européens de soutien à l'Espagne ! La seule solution serait alors une réponse monétaire : des prêts ou des achats de dettes des pays par le FMI, par la BCE, financés par la création monétaire et non par des contributions budgétaires.

    Certes, cela a bel et bien évité un éclatement de la zone euro, mais les atermoiements des européens à un prix élevé pour les pays soumis aux dikats de l'austérité. Le cas grec est exemplaire de l'échec de l'orthodoxie - mise en avant par les allemands - et qui entraine le pays dans une  spirale dépressionniste : 

    Non seulement la Grèce connait une récession terrible, causée aussi par la hausse du coût des financements avec la hausse de l’ensemble des taux d’intérêt et des coûts de financement des banques, mais elle ne parviendra jamais, avec la technique employée, à stabiliser son taux d’endettement public. De plus, quelles que soient les réformes structurelles, la Grèce est aussi en train de compromettre sa capacité à retrouver de la croissance à long terme : la perte de production et le recul du taux d’investissement conduisent à la destruction de capacités de production et à la diminution du PIB potentiel et des gains de productivité.

    En plus d'être coûteuse, l'austérité est aussi inutile puisque "ce plan ne comprend rien qui compense l’hétérogénéité structurelle des pays".                                                        


    Finalement, le second semestre de l'année 2011 aura entamé l'optimisme qui prévalait chez Patrick Artus au début de la crise. Les européens hésitent devant le grand saut fédéral que commande pourtant l'union monétaire, et qui ne pourra pas être repoussé éternellement. L'alternative - impensable pour Patrick Artus - est l'éclatement de la zone euro, dont le coût serait monstrueusement élevé :

     Il faut considérer l’EFSF (les achats de la BCE, les prêts du FMI) non pas comme une transition vers le retour à la situation antérieure, en raison du surendettement des pays, mais comme une transition vers le fédéralisme."

    Pour l'heure, le détour emprunté par les européens est très coûteux en terme de perte de croissance, et vire même au cauchemar en Grèce. Le frein à l'intégration fédérale est clairement l'Allemagne de Merkel, non pas seulement par égoïsme national, mais plus fondamentalement parce que la conception maastrichienne de la monnaie unique est dépassée et erronée :

    Le seul espoir vient peut être des élections de 2013 en Allemagne, puisque le SPD, les verts et même une fraction de la CDU (la Ministre du travail Ursula Von Der Leyen par exemple) ont pris position en faveur des « Etats Unis d’Europe », surtout dans le domaine de « la politique budgétaire, la fiscalité ou l’économie ».

    Si la justesse de l'analyse économique nourrit une critique fort juste de la "vision allemande de l'euro", qui a malheureusement prévalue jusque là, la naiveté politique de Patrick Artus nous apprend beaucoup sur les impasses de la conception française, fédéraliste, de la monnaie unique. En effet, le premier semestre 2012 n'a pas validé ses anticipations fédéralistes. La contrainte politique est plus forte que prévue au point peut-être de l'obliger à réviser sa vision du futur. Et si, au bout de la route, n'était pas l'union de transfert ?

    (à suivre)

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  • Berlusconi fossoyeur de l'euro ?, Le Point - Juin 2012. Extrait.

    "On criera au scandale, mais aujourd'hui, l'hypothèse de l'abandon de l'euro par l'Italie n'est pas un blasphème ". C'est Silvio Berlusconi qui a jeté mercredi ce pavé dans la mare de la crise européenne. Ce n'est pas la première fois que l'homme qui présidait aux destinées de la péninsule jusqu'au 16 novembre dernier prend ses distances de l'euro. Le 1er juin, le Cavaliere avait écrit sur sa page Facebook : "Si Angela Merkel refuse que la BCE fasse marcher la planche à billets, on devrait avoir le courage de dire ciao et d'abandonner l'euro tout en restant dans l'Union. Ou alors c'est l'Allemagne qui devrait quitter la zone euro."

    (...) Le parti de Berlusconi est désormais la troisième formation du pays, derrière le Mouvement à 5 étoiles (M5S) du comique Beppe Grillo!

    Silvio Berlusconi doit stopper cette hémorragie. Il a donc fixé un ultimatum à Mario Monti : si, au sommet de Bruxelles des 28 et 29 juin, Angela Merkel n'assouplit pas la politique financière européenne, il fera tomber le gouvernement en vue d'élections anticipées à l'automne. Et il prendrait alors la tête d'une coalition qui fera campagne pour l'abandon de l'euro.


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  • Partie 1 : Le rêve européen de Patrick Artus

    Partie 2 : La gouvernance européenne rend Patrick Artus nerveux

    Partie 3 : Patrick Artus se lamente de la déraison européenne


    Patrick Artus, à la fois universitaire et directeur des Etudes économiques chez Natixis, est une référence dans le monde économique. Ses notes "Flash Economie" sont une ressource précieuse pour nombre de ses pairs ainsi que pour les acteurs économiques et financiers. Nous avons passé en revue les nombreuses notes consacrées à la crise de l'euro publiées depuis 2 ans (2010/2012).

    L'intérêt de se pencher sur cet auteur nous paraît immense car celui-ci, en partant d'une analyse qui nous semble tout à fait juste de la situation économique de la zone euro, développe des vues eurofédéralistes chimiquement pures.

    Il montre comment la crise révèle les failles institutionnelles de la monnaie unique, dont les effets positifs en terme d'intégration économique du continent rendent nécessaire une évolution vers un fédéralisme entendu comme union de transfert. Convaincu que la logique fédérale est à l'oeuvre, il pronostique la mise en place progressive d'institutions nouvelles, dont il s'efforce d'imaginer les contours.

     * * *


    Le déclenchement de la crise des dettes souveraines en Europe donne l'occasion à notre économiste de marteler avec force la logique d'une intégration monétaire : créer un espace "hétérogène", polarisé entre un centre industriel et financier allemand et une périphérie désindustrialisée au sud :

    La désindustrialisation est une évolution normale et inévitable dans une Union monétaire où les pays se spécialisent, certains dans l’industrie et d’autres dans les services.

    Il a consacré d'ailleurs une étude cartographique montrant un mouvement de spécialisation croissante en Europe.

    A ses yeux, cette évolution est profondément légitime car fondée sur une rationalité économique : les industries se concentrent géographiquement afin de bénéficier des synergies, sources de rendements d'échelle. Or jusqu'en 2007, les marchés n'ont pas compris ces évolutions et ont drainé l'épargne allemande vers les pays en cours de désindustrialisation, alimentant de ce fait les bulles qui ont pu prendre des formes diverses (immobilière, fonction publique...). Depuis 2010, il apparaît clairement que le sud de l'Europe est insolvable sur sa dette, et en déficit commercial chronique :

    - [En ce qui concerne la dette] La seule réponse durable est la création d’Eurobonds, d’un financement commun des pays, pas le financement monétaire.

    - L’hétérogénéité des spécialisations productives conduit à ce que des pays aient des excédents extérieurs structurels et les autres pays des déficits extérieurs structurels [dont le financement] ne peut être réalisé que par des transferts de revenus des pays excédentaires vers les pays déficitaires, donc par la mise en place du fédéralisme ; sinon les pays déficitaires devront quitter l’euro pour dévaluer et faire disparaître leurs déficits extérieurs.

    Les créateurs de l’euro n’avaient donc pas compris que l’euro allait amener l’hétérogénéité, et que l’hétérogénéité allait imposer les émissions communes des Etats et le fédéralisme, c’est-à-dire des institutions totalement différentes de celles qui ont été mises en place initialement.

    La vision allemande, conformément à l'esprit du traité de Maastricht, rejette toute union de transfert. Au contraire de ce que préconise Patrick Artus, il est exigé des pays de la périphérie qu'ils rééquilibrent leurs comptes extérieurs : qu'ils remboursent leur dette et qu'ils réduisent leur déficit.

    Alors que l'euro avait permis aux pays membres de faire disparaître leur contrainte extérieure pour permettre une spécialisation efficace des économies, ces demandes paraissent absurdes, non opportunes à l'heure actuelle et surtout contreviennent au principe même de l'union monétaire :  

    - On ne peut pas demander aux pays du Sud de la zone euro de mener des politiques de rigueur (baisse des salaires pour restaurer la compétitivité en même temps qu’il y a désendettement, réduction des déficits publics) dans l’état présent de leurs économies

    - Si l’euro n’éclate pas, nous craignons par contre qu’il devienne inutile, c’est-à-dire qu’il ne remplisse plus les rôles pour lesquels il a été créé.

    Mais Patrick Artus est fondamentalement optimiste puisqu'il pense que les Allemands sont les grands bénéficiaires de la monnaie unique, et auraient intérêt à prendre à leur charge un mécanisme de transfert en direction de la périphérie :

    L’Allemagne a en réalité beaucoup gagné à sa présence dans la zone euro, d’où l’absence de crédibilité de toutes les menaces qu’elle pourrait aujourd’hui mettre en avant.

    Puisque la réindustrialisation des pays en difficulté est impossible ou bien générerait un effondrement durable de la demande dans ces pays, l’intérêt de l’Allemagne est d’accepter la mise en place d’une organisation fédérale dans la zone euro, afin d’éviter défaut, sortie de l’euro ou chute de la demande dans les pays en difficulté.

    L’Allemagne ne peut pas refuser d’aider les pays du Sud.


    La voie est toute tracée : l'intégration du continent européen va se poursuivre grâce au renforcement de l'Union monétaire, complétée par des mécanismes fédéraux instaurant une union de transfert. L'Europe, après 50 ans de construction pas à pas, va enfin émerger en tant que première puissance économique mondiale.

    Pourtant Patrick Artus va vite déchanter. S'il est trop tôt pour dire ce qu'il adviendra de la contruction européenne, 2 ans après le rêve éveillé fédéral de l'économiste, il apparaît que les Européens se sont engagées dans une toute autre direction. Ce qui nous intéresse à ce stade, c'est de voir comment ses analyses vont évoluer, au fur à mesure des circonvolutions de la gouvernance européenne.


    (Suite à venir...)


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  • "L'Allemagne devrait sortir de la zone euro", Pascal de Lima, économiste, enseignant à Sciences-po paris - Juin 2012. Extrait.

    " (...) Quel est l'intérêt de créer une zone euro des pays fragiles et de faire sortir l'Allemagne ? Imaginons tout d'abord que les pays fragiles sortent de la zone euro. Si ce sont les pays fragiles qui sortent, leurs nouvelles monnaies seraient rapidement sous-évaluées face à un euro qui se renforcerait. Dès lors, les anticipations d'une dévaluation, par les épargnants, engendreraient une fuite des capitaux depuis les banques locales vers les banques des pays membres de la zone euro. Dans le même temps, les pays devraient rembourser une dette en euro qui serait d'autant plus forte que la monnaie nationale se dévaluerait. Le résultat final serait donc une fuite des capitaux et l'inflation des taux d'intérêt, entraînant inéluctablement un défaut en cas de sortie des pays fragiles de la zone euro.

    À l'inverse, si c'était l'Allemagne qui sortait de la zone euro, le cours de l'euro chuterait, mais par rapport à la monnaie allemande et au dollar ! Les pays restés dans la zone euro pourraient dévaluer autant que nécessaire et réduiraient automatiquement leur coût du travail, sans couper dans les salaires. De plus, la valeur de leur dette externe déclinerait avec la baisse de l'euro, ce qui leur laisserait une chance d'éviter le défaut.

    Le principal argument contre cette solution, serait que la perte de valeur des dettes souveraines en euro entraînerait de lourdes pertes pour les banques qui posséderaient en masse des obligations d'État. Mais ces pertes, issues du risque de marché, seraient moins importantes que celles faisant suite à des défauts brutaux en cas de sortie de la zone euro !"

    La Tribune

     


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