• Ce texte est un « article presslib’ »

    Ce qui est vrai en football, l'est aussi en politique. Les rencontres avec les Allemands sont directes et musclées, à l'image de l'intervention dans la presse de Jens Weidmann, qui préside la Bundesbank, la banque centrale allemande. Pas de langue de bois, le jeune président fait l'effort de la transparence en abordant tous les sujets, et explicitant le refus allemand concernant la proposition française de communautarisation de la dette via les eurobonds.

    L'absence de transparence démocratique, c'est précisément le reproche qui est fait à la France, pays où Jens Weidmann ne "constate ni débat public ni soutien de la population au transfert de souveraineté devant l'accompagner". Or pas question de confier "sa carte de crédit à quelqu'un si on n'a pas la possibilité de contrôler ses dépenses". On ne peut pas donner tout à fait tort aux Allemands de vouloir s'assurer de la légitimité démocratique d'une intitution fédérale coercitive envers les budgets nationaux. Ce processus peut être engagé mais prendra nécessairement du temps, trop tard pour faire figure de solution éventuelle à la crise de l'eurozone. Exit donc les eurobonds. Le message est clair : si les dirigeants français s'entêtent dans cette voie, la négociation est condamnée à échouer.  

    Pourtant, la ligne de l'austérité, suivie depuis deux ans, imposée par Merkel et suivie par Sarkozy, menace de faire basculer l'Europe dans le chaos. Banqueroute des Etats, effondrement du secteur bancaire, éclatement de la zone euro, le scenario catastrophe est imaginable - à très court terme - si le couple franco-allemand n'arrive pas à s'entendre sur une réorientation de la politique européenne. Mario Draghi, le président de la BCE, pourtant sans mandat électif, sort de ses prérogatives pour alerter les européens : “Nous sommes à une période cruciale dans l’histoire de l’Union européenne", a-t-il expliqué. "Nous sommes arrivés à un point où le processus d’intégration nécessite une imagination politique audacieuse afin de survivre (!!)”.

    Afin d'éviter le désastre, il va bien falloir que l'Allemagne, d'une façon ou d'une autre passe à la caisse. Depuis 10 ans maintenant, ce pays, profitant de l'euro - régime de change fixe -  accumule les excédents commerciaux sur ses partenaires, lesquels voient augmenter leur endettement. S'il était inévitable que ces déséquilibres allaient conduire les pays du sud à ajuster leur niveau de vie, symétriquement, l'Allemagne, de son côté, doit faire preuve de solidarité financière. C'est en tout cas ce que pense Patrick Artus, pour qui "l’Allemagne n’aura pas d’autre choix que de coopérer et d’accepter des réformes institutionnelles rapides", tout simplement parce qu'"en cas d’explosion de l’euro, l’Allemagne souffrirait considérablement : non seulement en raison de l’appréciation de sa devise et de la perte induite de compétitivité, mais surtout (...) parce qu'elle a en effet accumulé d’importants actifs extérieurs dont la valeur dans la monnaie de l’Allemagne chuterait en cas d’explosion de l’euro."

    Au vu des réserves émises par le banquier central allemand, la question est donc celle-ci : l'union de transfert implique-t-elle nécessairement le fédéralisme, qui serait long et aventureux politiquement à mettre en place ? Or il existe bel et bien des façons plus simples de mettre à contribution l'Allemagne, certaines directes, d'autres indirectes.

    On peut par exemple légitimement soutenir que l'Allemagne bénéficie indûment de la panique des investisseurs, qui lui prêtent à fonds perdus (le taux d'intérêt du Bund est inférieur à l'inflation). Un mécanisme correcteur pourrait être institué visant à lisser les écarts sur le marché. Plusieurs outils sont sur la table, dont l'idée de mutualisation partielle des dettes (Jacques Delpla), mais aussi celle des projects bonds. En outre, les transferts directs peuvent prendre la forme d'un renforcement du budget européen, d'une fiscalité commune, d'une allocation chômage européenne... tout ceci ne nécessite pas une perte de souveraineté des Etats sur leur budget. L'union de transfert est par ailleurs souhaitable et légitime en régime de monnaie unique. Elle permet de désserrer la contrainte extérieure pour un Etat, et encourage une allocation efficace des facteurs de production sur le continent.

    La difficulté est que les Allemands, par la voix de leur banquier central, refusent catégoriquement cette solution, et ne semblent pas prêt à évoluer sur la question :  "Les ajustements dans les pays sous programme sont nécessaires : ils peuvent être durs, mais ils permettent ensuite de se relever, de ne pas dépendre infiniment des autres... Dans le cadre présent, nous ne devons pas entrer dans un processus d'union de transfert, où les dettes d'un pays seraient payées par les autres."

    Si l'inflexibilté allemande à ce sujet est une douche froide pour les eurofédéralistes français à la Patrick Artus, qui avaient voulu rêver - à défaut d'une fédération politique - du moins d'une intégration industrielle continentale afin de rivaliser économiquement avec les autres grandes puissances continentales, néanmoins, il reste d'autres possibilités pour sauver l'intégration financière et monétaire. Jean Pisani-Ferry, bon connaisseur du monde germanique, a pris position depuis le début pour un "fédéralisme assurantiel" (par opposition à l'union de transfert), plus conforme à l'esprit de la construction européenne telle qu'elle est vécue par les peuples dans leur ensemble.

    Dans ce cadre, deux choses sont nécessaires pour résoudre les déséquilibres.

    - D'une part - c'est primordial - l'organisation de défauts souverains et bancaires couplée à une solidarité financière minimale pour recapitaliser les banques en difficulté. Ici, les allemands sont mis à contribuation via les pertes financières de leurs banques et la recapitalisation de celles de leurs partenaires, mais toujours est-il que cela est ne prend pas la forme de versements directs entre Etats membres, ce qui est plus acceptable par les contribuables allemands.

    - D'autre part, il faut promouvoir une politique volontariste de croissance tirée par une relance budgétaire et salariale en Allemagne. Certains économistes proposent que l'épargne allemande puissent aussi servir à financer un plan Marshall pour l'Europe du Sud afin de consolider l'offre dans ces pays.

    Malheureursement, on constate que, jusque là, la restructuration des dettes a été refusée, contre tout bon sens, par le couple Merkozy, probablement trop captif des intérêts de la finance. En ce qui concerne la politique de croissance, Jens Weidmann manque cruellement de volontarisme et s'en remêt aux "forces du marché" pour "rééquilibrer cette situation". S'il est vrai que l'on observe en effet, étant donné la bonne situation du marché du travail allemand, une pression mécanique à la hausse des salaires, cela ne suffira pas pour alléger la souffrance des populations du sud de l'Europe. D'autant plus que la Bundesbank restera sourcilleuse vis-à-vis de la hausse de l'inflation : "le mandat de la BCE impose de maintenir l'inflation sous les 2 % (...) Il peut y avoir une période où l'Allemagne se retrouve en dessus de la moyenne, mais cela ne concerne que les décimales." Nous sommes loin de l'objectif des 4% d'inflation fixé par l'économiste en chef du FMI, Olivier Blanchard, nécessaire selon lui, pour résorber les déséquilibres et amorcer une sortie de crise.

    Le banquier central allemand ne peut pas ignorer que l'intransigeance allemande condamne la monnaie unique à terme. Il y a dès lors deux manières d'interpréter ses propos. Peut-être se place-t-il dans l'optique d'un compromis qui sera âprement négocié, l'Allemagne craignant, face à la pression des peuples du sud confrontés au chômage, de devoir beaucoup payer pour acheter la paix sociale sur le continent, ou bien la stratégie allemande est-elle de contraindre ses partenaires du sud à abandonner la monnaie unique. Car il n'est pas forcément vrai que l'Allemagne ait plus intérêt à maintenir en vie la zone euro que l'inverse. Peut-être les dirigeants allemands préfèrent-ils, vis-à-vis de leur opinion publique, payer l'addition en une fois, via la perte de leurs avoirs financiers, que de risquer de devoir continuellement d'une façon ou d'une autre, soutenir financièrement la périphérie. Par ailleurs,  une stratégie de relance en Allemagne attirerait en masse l'immigration dans un pays conservateur et vieillissant, peut-être moins enclin à l'accueil de populations étrangères.

    Les allemands peuvent précipiter la fin de l'euro en décidant à tout moment d'appuyer sur le bouton nucélaire, qui serait de suspendre le financement des banques privées d'un pays par la BCE (ininterrompu en période normale). Ce gouvernement n'aurait plus comme solution, pour empêcher le colapsus, que d'imprimer une nouvelle monnaie, sortant ainsi de facto de la zone euro... à moins qu'il ne décide, enfraignant les traités existants, de créer des euros. Ce serait alors l'Allemagne qui aurait une bonne raison d'annoncer sa sortie de la zone euro.


    Voir ci dessous :

    - L'échange très viril entre un journaliste allemand et Arnaud Montebourg, au sujet de la crise de l'euro.

     - L'interview de Jens Weidmann

    - La note de Patrick Artus



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  • Pour paraphraser Marcel Gauchet - en gros, la pathologie de la gauche est de devenir folle, celle de la droite est de rester bête. Ce qui est inquiétant dans la conjoncture actuelle, c'est que ces tendances sont fortement à l'oeuvre, et je ne fais pas référence à la poussée des extrêmes, mais bien à la nature des solutions avancées par le centre gauche et le centre droit pour résourdre la crise de l'euro. 

    Les plans d'austérité mis en place par les libéraux orthodoxes au pouvoir en Europe sont une imbécilité qui aura - qui a déjàn - pour conséquence l'augmentation de la dette et la ruine de l'économie. Les eurofédéralistes effrayés par la perspective de l'éclatement de l'euro - inéluctable si on laisse faire les libéraux - en appellent à un grand bond fédéral, version édulcorée du thème révolutionnaire d'une époque passée. S'ils passent à l'action - en catimini ou en force, ils risquent de réveiller les passions nationales, et de délégitimer l'idéal européen aux yeux des peuples - et pour longtemps.

    Si on établissait un classement des intellectuels, économistes, hommes politiques, en fonction de leur proximité avec ces deux façons de penser, on s'apercevrait qu'il ne correspondrait pas au clivage politique traditionnel, et on verrait même des rapprochements étonnants. 

    A cet égard, la tribune de Charles Wyplosz parue ce jour dans Le Monde est très révélatrice. De par son positionnement politique au centre libéral, on n'attendait pas forcément de sa part la dénonciation des politiques d'austérité, ni une si  grande réserve concernant la possibilité d'avancer vers la solution fédéraliste. Bien que souhaitant l'adoption de la règle d'or, il repousse l'adoption des mesures de rigueur à l'année 2016, et prône dans l'interval des politiques de relance ("Je me garderais bien d'augmenter mes dépenses. J'essaierais de négocier avec les marchés des prêts qui me permettraient de relancer l'économie en réduisant les prélèvements obligatoires.") En outre, il ne se fait aucune illusion sur ce que l'Allemagne serait prête à accepter en matière de solidarité financière vis-à-vis des pays en difficulté et conseille plutôt d'attendre qu'elle soit mise devant le fait accompli : "ils seront amenés à payer, mais uniquement lorsqu'ils seront acculés à un risque d'éclatement de la zone euro."

    On pourrait citer Jean Pisani-Ferry, le président du centre Bruguel (think tank proeuropéen) très sceptique sur la possibilité d'imposer aux Allemands une union de transfert. Selon lui, il faudrait aménager progressivement  la zone euro et dans l'immédiat désamorcer la crise grâce à l'annulation partielle des dettes publiques  et privées.

    Ces deux auteurs ont le mérite de ne pas s'échapper de la réalité comme le font tant d'autres soit qui attendent des plans d'austérité une efficacité qu'ils n'auront pas soit qui espérèrent la mise en place d'une solidarité européenne illusoire. Reste que Wyplosz  et Pisani-Ferry continuent de défendre le cadre euro-libéral et en sont réduits à miser sur la passivité des peuples face à la précarité économique et aux souffrances sociales, en attendant une hypothétique sortie de crise. C'est là la différence avec un économiste comme Jacques Sapir qui n'hésite pas aller jusqu'au bout du principe de réalité : puisque le carcan de l'euro est trop coûteux en terme de chômage, puisque qu'il n'y a pas de possibilité d'aménager les traités en raison d'un refus allemand, alors il faut mettre fin à l'expérience de la monnaie unique, et refonder la coopération monétaire sur d'autres bases - non fédérales.

    Malgré tout, il faut garder ouvert le débat concernant les solutions pour résoudre la crise de l'euro. Mais la lucidité commande de refuser le dogme austérité, d'écarter, peut-être pas le recours à la solidarité européenne, mais certainement l'appel au fédéralisme, et surtout de préserver les peuples du chômage. Tans pis - ou tant mieux - si cela doit briser les tabous eurolibéraux.


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  • Excellente émission qui interroge le choix de Mélenchon d'aller affronter Le Pen à dans la circonscription d'Hénin-Beaumont. Quelle place pour une gauche radicale, entre le PS qui a délogé l'ancien PC pour devenir hégémonique sur ce territoire anciennement industriel, et le front national de Marine Lepen qui prend racine sur fond de crise économique et de misère sociale ?

    Quels enseignements et quels bénéfices peut tirer - au plan national - une gauche qui a l'ambition de renouer un lien privilégié avec l'électorat populaire ?

     

    "A voir le programme de Hollande, on voit que le tout de l'Etat, le tout de l'Ena revient en piste par rapport à la république des avocats et des affairistes qui a perdu le pouvoir. Avec [comme symbole] Jules Ferry, la question du service public - des fonctionnaires - redevient cruciale. Mais les questions qu'affrontent JL Mélenchon dans cette circonscription sont autres : elles sont celles de la déshérence de la classe ouvrière, [à travers les interrogations sur] la dimension culturelle de l'identité de la France et de la dimension socio-économique"

    Mais à quoi joue Jean-Luc Mélenchon ? - Mai 2012


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  • Jean Quatremer est un incorrigible eurolibéral, correspondant officiel du journal Libération à Bruxelles. Normal quand on connait l'orientation du journal. Depuis deux ans que la crise de l'euro a commencé, il ne cesse à longeur de colonnes et de commentaires (il est très actif sur son blog) de nier l'évidence : que le défaut grec est inévitable, que l'austérité mène au désastre et que tout cela va finir dans la plus grande confusion politico-monétaire.

    Voici donc un article, en forme de coming-out, qui ébouriffera plus d'un lecteur de Libé

     

    Et si la Grèce décidait de faire faillite en restant dans l'euro? Quatremer, mai 2012. Extrait.

    "Dire que la Grèce agace les Européens est une litote. (...) Les ultimes tractations ont échoué tout à l’heure, le Syriza (gauche radicale) ayant refusé la proposition du Président de la République de soutenir un gouvernement « technique » qui aurait été chargé de mener à bien les réformes en cours. Tout se passe comme si les partis grecs avaient décidé de jouer la faillite.

    (...) Mais imaginons que la Grèce joue le pire, c’est-à-dire la faillite, tout en restant dans la zone euro (c’est le souhait de 80 % des Grecs et les partis voulant clairement l’abandonner pèsent environ 25 % des suffrages exprimés). Elle n’aura certes plus droit à l’aide européenne et internationale (pas plus qu’aux marchés, mais c’est déjà le cas) et fera donc défaut sur ses 250 milliards de dettes dont les deux tiers sont entre les mains de l’UE et du FMI qui se prendraient donc une paume. Mais comme son budget primaire est quasiment à l’équilibre (en dehors des intérêts de la dette), l’effort supplémentaire à effectuer sera infime au regard de ce qu’elle a déjà fait.(...)

    C’est sans doute pour cela que certains font monter la pression sur la Grèce en la menaçant de l’exclure de l’euro et de l’Union, si elle n’applique pas le mémorandum, ce qui est tout simplement impossible. Un pays peut certes décider de quitter l’euro et donc l’Union, les deux étant juridiquement liés, mais il n’existe aucun moyen légal de l’y contraindre. La partie de bras de fer n’est donc pas terminée. On peut se demander s'il n'aurait pas fallu laisser la Grèce faire faillite début 2010, ce qui aurait éviter d'engager l'argent des contribuables européens. Mais, à l'époque, beaucoup craignaient l'effet de contagion à d'autres pays de la zone euro."

    Les coulisses de Bruxelles


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  • Cela fait maintenant 4 ans que la crise financière a éclaté. Après avoir longtemps soutenu que « la crise était dernière nous », les responsables politiques ne peuvent que constater les dysfonctionnements persistants du système financier. On peut relever 3 visions de la crises - non exclusives - qui se sont succédées au fur et à mesure que celle-ci s'intensifiait, qui appellent chacune des réponses politiques spécifiques :

    - Le discours initial a été, sans nier la gravité de le crise, d'attribuer sa survenue a un accident de parcours qu'une intervention appropriée des pouvoirs publics pourrait rapidement enrayer. Il n'était en rien question de remettre en cause le fonctionnement des marchés.

    - Il semble maintenant admis par tous qu'il s'agisse bien d'une crise du financiarisme, forme nouvelle du capitalisme qui a émergée au cours des années 80, et fondé sur le dogme de l'autorégulation du marché. Se pose alors la question épineuse d'une re-régulation de la finance mondialisée, ce qui, en régime de liberté des mouvements de capitaux, n'est pas une petite chose.

    - Mais la vraie difficulté est que l'Occident est confronté à une crise de la dette, qui met au centre du jeu la relation créanciers/débiteurs. Se posent aux pouvoirs publics non pas (seulement) la question technique de la régulation de la finance, mais celle proprement politique de la répartition de la richesse entre ménages privilégiées et les autres. D'une façon ou d'une autre, il faudra faire admettre au pouvoir financier et aux détenteurs de capitaux (10% de la population), qu'ils vont devoir perdre une part substantielle de leur richesse, si on veut pouvoir redresser l'économie productive.

    Force est de constater que rien de décisif n'a été fait pour remédier à la crise, qui menace de prendre la tournure de la grande dépression des années 30. Loin de voir le bout du tunnel, nos sociétés rentrent dans une phase d'effondrement accéléré, faute d'avoir eu le courage de reprendre en main la finance. "La refondation du capitalisme" attendra encore un peu.

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  • Deux siècles de capitalisme furent le théatre d'un conflit de classes portant sur les règles de répartition de la richesse produite, mais suivant des modalités différentes selon les époques. 

    Au 19ème siècle, la dynamique du capitalisme conduisit à une concentration de la richesse dans les mains de quelques privilégiés. Or les systèmes économiques et sociaux ne résistèrent pas à de telles inégalités. De 1914 à 1945, des troubles sociaux intenses : crises, guerres, révolutions, furent à l'origine de la destruction du patrimoine, réglant - pour un instant - par des moyens quelques peu excessifs, la question politique de la répartion des richesses.

    La refondation sociale de l'après-guerre institua un cadre plus civilisé pour contenir la dynamique inégalitaire du capitalisme. Meilleur partage de la valeur ajoutée entre le travail et le capital, forte redistribution par la fiscalité et par les dépenses publiques, mais aussi - et c'est trop souvent oublié - politique monétaire inflationiste visant à réduire les taux d'intérets réels afin de pénaliser la rente.

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  • Il faut garder en mémoire les pronostics erronés des économistes réputés les meilleurs, surtout si ceux-ci se trompent. Daniel Cohen, en 2007, nous assurait dans une tribune du Monde, que "la crise de 1929 n'aurait pas lieu". Raté.

    Loin de vouloir s'acharner sur l'honorable professeur, il faut plutôt chercher à comprendre la raison de son erreur. Reconnaissons tout d'abord que le diagnostic de la crise financière liée aux subprimes est tout à fait juste. Il comprend qu'elle est une crise bancaire et financière de plus dans la série qui a commencé avec l'avènement du capitalisme financier. Elle devrait être aussi la dernière nous dit-il : "L'heure d'une redéfinition des objectifs de la politique monétaire, qui inclut désormais celui de prévenir les bulles financières et immobilières, vient de sonner."

    Il appelle à une nouvelle régulation de la finance. La puissance publique devra être la garante du fonctionnement correct du marché : "Il sera temps ensuite de laisser les marchés prendre leur perte. Car sans un peu de sang sacrificiel aux murs, Wall Street restera incorrigible ". Fin du dogme de l'autorégulation, mais retour à l'esprit de responsabilité du libéralisme... grâce à l'intervention avisée de l'Etat.

    Seulement, derrière cette crise locale, qui éclate sur un segment de marché, se cache une crise généralisée de la finance et de l'endettement dont Daniel Cohen a sous-estimé l'ampleur, de même qu'il a surestimé la capacité des dirigeants à imposer des règles au lobby bancaire.

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  • Bloomberg dévoile des milliers de milliards d'aide US aux banques, Arrêt du image - Décembre 2011. Extrait.

    "Combien d'argent public l'Etat fédéral américain a-t-il débloqué pour aider les banques opérant aux Etats-Unis ? On avait surtout retenu les 700 milliards de dollars (environ 500 milliards d'euros) d'aides du plan Paulson de 2008. L'agence de presse Bloomberg vient de révéler un plan de soutien d'une tout autre ampleur, resté jusqu'alors largement inconnu : entre 2007 et 2009, la banque centrale américaine, la Réserve fédérale, a mis sur la table... onze fois plus, pour sauver les banques de la faillite. En toute opacité, et sans que le Parlement ne soit mis au courant.

    Peu médiatisée en Europe, cette révélation pourrait nourrir le débat sur la faiblesse des pouvoirs accordés à la BCE, en comparaison de ceux dont dipose la Fed.

    C'était le plus important plan de renflouement financier de l'histoire des banques. Et il a bien failli rester secret. Son montant ? 7 770 milliards de dollars ("7,77 trillion", en anglais). Pour sauver les banques américaines, la Réserve fédérale (Fed) a accordé une dizaine de mesures diverses, dont des rachats de crédits, des garanties bancaires ou des reports de dates d'expirations de prêts. Mais aussi une bonne part de prêts à court terme, quasiment gratuits, consentis aux plus grands établissements financiers américains. Le dimanche 27 novembre au soir, le site de l'agence de presse financière américaine Bloomberg publiait sur son site une longue enquête sur les "prêts secrets de la Fed". Relayée par le New York Times, ou reprise en intégralité par le Washington Post, l'info n'a eu que très peu d'écho en France, où elle n'a guère été mentionnée que par les sites Atlantico et Slate. Ce sont des échanges entre @sinautes dans les forums qui nous ont alertés…(...)

    L'information a été rendue publique à partir de décembre 2010. D'abord parce qu'une loi votée en juillet 2010 par le Congrès, visant à réguler le monde de la finance, oblige la Fed à divulguer ses opérations de soutien au bout de deux ans. Mais l'information diffusée est restée parcellaire, l'institution refusant de donner le détail des sommes versées à chaque banque. Il a fallu que Bloomberg, associée à Fox news, poursuive en justice la Fed et Clearing House, une association de lobbying des banques, pour obtenir la publication des comptes détaillés. Après deux ans de procédures judiciaires au nom du Freedom of information Act, qui ont mené jusqu'à la Cour suprême, les médias ont obtenu gain de cause : une masse de 29 346 pages de documents, recensant 21 000 mouvements financiers, leur a été livrée en trois fois, en décembre 2010, puis en mars et juillet 2011. Tous les prêts et autres facilités de paiement, parfois journaliers, accordés à toutes les banques pendant deux ans, détaillés un à un. (...)

    Bloomberg rappelle que plusieurs dirigeants de banques avaient déclaré publiquement que leur établissement était solide et ne craignait pas la crise, au moment même où ils bénéficiaient secrètement de l'aide de la Fed. L'article cite également plusieurs parlementaires, qui assurent qu'ils ne connaissaient pas les détails de ce plan de sauvetage très discret, qui avait lieu au moment même où ils négociaient le plan Paulson. Apparemment, même au Trésor américain, l'équivalent du ministère des Finances, seuls quelques rares initiés étaient mis au courant avec précision…"




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  • "Au commencement étaient la Fondation Jean-Jaurès (FJJ) et son Observatoire de la Social-Démocratie (OSD) dont les participants comprirent rapidement qu’ils observaient tout sauf la social-démocratie finissante.

    Au fil des séances, leurs regards se portèrent plutôt sur les néo-populismes en Europe et en France et ils cherchèrent la manière dont la gauche devait y répondre. Le groupe avait grandi et les membres brillaient par la diversité de leurs sensibilités et de leurs parcours politiques au sein de la gauche (sauf dérogation) : souverainistes ou fédéralistes, jacobins ou girondins, première ou deuxième gauche… on y comptait même quelques individus en délicatesse de gauche voire, prodige, des écologistes.

    Détournées de leur objet et de leur raison sociale initiale, les réunions basculèrent dans la conjuration. Pour tous les membres, répondre à la montée du populisme supposait de rompre avec le social-libéralisme qui avait progressivement rempli le vide à gauche. Le social-libéralisme avait pris la place d’une social-démocratie épuisée par vingt années de crise et l’avènement d’un capitalisme actionarial et globalisé. La principale conséquence de cette nouvelle hégémonie idéologique était la rupture politique avec les catégories populaires au profit des minorités (« jeunes », « femmes », « immigrés », « LGBT », « précaires »…). La coalition de toutes ces minorités devait, selon ses concepteurs, former « un peuple de substitution » en lieu et place des antiquités du siècle passé : le peuple, les classes sociales et la nation. Étrangère à ce projet politique, la conspiration se voulait majoritaire et populaire.

    La publication du rapport Terra Nova au printemps 2011 constitua un tournant. L’adversaire, qui jusqu’alors était dans l’époque comme un poisson dans l’eau, montrait son vrai visage. Son triomphe fut aussitôt suivi d’une large prise de conscience et d’une salutaire réaction.

    Les conjurés tombèrent les masques et décrétèrent : le retour au peuple. Pour remettre la gauche d’aplomb, une gauche populaire devait adopter une ligne politique claire : le commun plutôt que les identités, le social avant le sociétal, l’émancipation collective plus que l’extension infinie des droits individuels. Seule cette ligne politique permettrait de bâtir une majorité sociologique et électorale. La gauche ne pouvait plus se satisfaire d’abandonner les catégories populaires au Front National ou à l’abstention.

    À l’approche des échéances de 2012, les rangs de la conjuration grossirent et tous commencèrent à envisager l’alternance. Il était hors de question que la gauche accédât au pouvoir par effraction, selon l’expression de la propagande gouvernementale. Il était vital que la gauche construisît dans la campagne les conditions d’un exercice durable du pouvoir.

    Les conjurés ouvrirent donc un blog."



     

     

     

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     Après le premier tour de l’élection présidentielle, les analyses de la Gauche Populaire :

     Lire les 6 articles ci-dessous :

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  •  

    Du « Titanic » à la zone euro, Jean-Marc VITTORI, journaliste aux Echos - Avril 2012. Extrait.

     

    " (...) Nous ne pouvons pas dire que nous ignorons ce qui va se passer, ce qui se passe déjà en Espagne : nous l'avons déjà vu en Grèce. Et nous risquons de le voir en Italie et au Portugal. Inutile de se raconter des histoires : l'iceberg est devant nous.

    Il faut donc changer de direction. En finir avec cette fiction intenable d'une rigueur budgétaire brutale qui assainit instantanément les comptes. Oublier une théorie qui s'inspire d'épisodes très différents (Canada, Suède...) où la monnaie avait été massivement dévaluée, où la politique monétaire était devenue beaucoup plus accommodante. La pratique déployée dans l'Europe actuelle ressemble de plus en plus aux purges meurtrières préconisées par les Diafoirus du XVII e siècle.(...)"



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